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Entre société civile et société civique : l’exemple des associations de défense des droits de l’homme en Russie

Françoise DAUCÉ

Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand

Index matières

Mots-clés : société civile, droits de l'homme, associations, démocratisation, autoritarisme.

Plan de l'article

Texte intégral

Introduction

Tant les analystes que les hommes politiques, occidentaux comme russes, constatent aujourd’hui généralement la faiblesse de la « société civile » en Russie. Pensée sur le modèle occidental (ou, plus exactement, sur son type idéal), la société civile et les initiatives sociales indépendantes et démocratiques qui la constituent devaient s’imposer en réponse à l’affaiblissement de l’État soviétique. Dans l’euphorie des réformes gorbatchéviennes puis de la démocratisation de la fin des années 1980, la société civile a été considérée comme l’élément central de la transition politique. Beaucoup de commentateurs considèrent aujourd’hui que cette transition a échoué. L’État a repris toute sa place dans la vie publique russe, laissant la part congrue aux partis politiques d’opposition[1] ainsi qu’aux associations contestataires. La réforme de la loi sur les associations, adoptée à l’hiver 2006, témoigne de la pression croissante de l’État sur les groupes sociaux indépendants et de leur relative impuissance face à ces évolutions. Pourtant, et en dépit de ce contexte institutionnel défavorable, quant les sociologues y regardent de plus près, le fonctionnement des groupements bénévoles en Russie suscite aujourd’hui leur intérêt. Ils constatent l’existence d’associations dûment constituées et officiellement enregistrées, de groupements informels d’entraide, de réseaux de mobilisation sociale. Les derniers mois ont mis en lumière des manifestations contre la réforme des aides à la population, contre la politique du logement[2], contre les réformes de la conduite automobile mais aussi des explosions violentes à caractère raciste. Comment mettre en lien ces réalités avec les considérations théoriques sur la faiblesse de la société civile ? L’analyse des pratiques associatives en Russie permet de mettre au jour des réalités qui s’accordent mal avec les attentes qui sous-tendaient l’idée de société civile. Contrairement au présupposé civique, qui promeut un détachement des militants de la société civile à l’égard des liens personnels, des dépendances politiques et des réseaux économiques, de nombreuses associations ont adapté leurs comportements aux nécessités de leur environnement. La plupart d’entre elles développent une activité où le souci du proche prévaut sur la pureté conceptuelle du civisme militant. L’État russe tente aujourd’hui habilement de jouer de cette complexité pour cantonner les associations dans l’action de proximité et limiter leur engagement dans la sphère civique. Nous analyserons, dans un premier temps, la dimension civique donnée au concept de société civile en Russie post-soviétique. Nous mettrons ensuite ce concept en regard des pratiques associatives observées dans le pays. Nous tenterons, enfin, de montrer que les ambiguïtés autour des adjectifs civique/civil ont des répercussions politiques importantes sur la redéfinition des liens entre l’administration russe et le monde associatif.

Les soubassements civiques de la société civile

Depuis la chute de l’URSS, le concept de « société civile » s’est imposé dans le discours des hommes politiques russes comme des militants. L’expression « graždanskoe obŝestvo » (« société civile ») est très utilisée et a donné lieu à une littérature très abondante[3]. Bien que ce terme soit polysémique et que les définitions de la société civile varient d’un auteur à l’autre, ce concept s’est généralement imposé en Russie dans une acception qui met en avant la dimension civique de l’engagement. Cette dernière impose des contraintes fortes aux représentants de la société civile. Comme l’explique Samuel Greene, suivant les traditions de John Locke, Antonio Gramsci et Ernest Gellner : « Les acteurs de la société civile doivent être apolitiques, non-lucratifs, bien organisés, démocratiques… »[4]. Cela suppose de la part des militants un détachement tant à l’égard de leurs attaches personnelles que de leurs réseaux administratifs ou économiques. Les tenants du libéralisme politique ne reconnaissent comme légitime au sein de la société civile qu’un engagement désintéressé au service du bien commun.

De la société civile démocratique

Le terme de « société civile » remonte à Aristote puis a été profondément travaillé par les philosophes politiques des XIXe et XXe siècles. Pour appuyer notre propos, qui porte sur la période contemporaine, nous ne reviendrons que sur les développements les plus récents de la notion de « société civile ». Comme le souligne Dominique Colas, en Europe occidentale, l’expression « société civile » s’est très largement diffusée dans les années 1970 et 1980 dans le cadre d’une mise en cause du poids de l’État. La polysémie de ce terme explique son succès[5]. Les opposants au totalitarisme la définissent par opposition au Parti-État. Les partisans du libéralisme mettent aussi la société civile en avant en tant qu’elle est le lieu du marché économique. Dans le cas de la Russie, l’idée de « société civile » a été renforcée par le rôle joué par les populations d’Europe centrale et orientale dans les transformations politiques de la fin des années 1980. Les mobilisations sociales contre les régimes communistes puis le bouillonnement démocratique en Russie ont insufflé une nouvelle vigueur au concept de société civile. Comme l’écrivent Andrew Arato et Jean Cohen en 1993 :

Le concept moderne de société civile a été revivifié d’abord et avant tout dans les luttes des oppositions démocratiques en Europe de l’Est contre l’autoritarisme social des partis-États.[6]

Oleg Kharkhordine souligne (pour le critiquer ensuite) :

La conception la plus populaire de la société civile (graždanskoe obŝestvo) est arrivée en Russie dans les années 1980, à partir de l'interprétation est-européenne (…). La contestation de l'État autoritaire de type soviétique par des associations libres ou quasi-libres comme celles constituant “la société civile” est-européenne a semblé être dans la dynamique politique de cette époque. La constitution de ce type d'associations a alors semblé, et semble toujours à certains, le seul moyen pour accélérer la libéralisation du régime politique de la Russie contemporaine.[7]

Dans le sillage des événements de la fin des années 1980, le concept de société civile s’est donc répandu en Russie dans son acception libérale et démocratique. Comme le soulignent Anne Le Huérou et Kathy Rousselet :

En Russie […], de nouveaux courants de pensée s'appuient sur les conceptions occidentales libérales pour faire de la société civile la condition nécessaire à l'émergence du pluralisme politique et du marché.[8]

Cette dimension libérale a été initialement définie aux États-Unis par les théoriciens du courant néo-tocquevillien qui considèrent que la force et la stabilité de la démocratie libérale dépendent du degré de participation des citoyens à des organisations sociales volontaires. Alors qu’Alexis de Tocqueville avait formulé cette thèse dans le contexte de la jeune Amérique, de nombreux auteurs ont repris ses arguments pour analyser la force de la démocratie libérale en Occident et dans les processus de démocratisation en Europe centrale et orientale.[9]

Des exigences de la société civile

Le projet de libéralisation et de démocratisation du régime politique, qui a pesé sur les nouvelles associations indépendantes, a apporté en Russie une forte exigence de civisme à l’égard de leurs militants. L’exigence d’engagement civique a semblé d’autant plus légitime dans le contexte post-soviétique qu’elle s’est souvent appuyée sur une vision totalitaire du passé soviétique. Comme le rappellent Jean-Robert Raviot et Taline Terminassian, pour les soviétologues totalitariens, « l’URSS est d’abord un régime totalitaire où l’existence d’un espace social réellement autonome, vierge de toute intrusion du pouvoir, est impossible »[10]. De nombreux spécialistes de la période soviétique ont mis en lumière le caractère atomisé de la société soviétique. Les dissidents eux-mêmes rappellent qu’à l’époque soviétique, aucune forme d’action collective indépendante n’était permise[11] :

Même les défenseurs les plus convaincus du système soviétique ne nient pas que du début à la fin de l’époque soviétique, toute initiative sociale indépendante, qu’elle fût politique, culturelle, civile, religieuse ou sociale, fut sévèrement et continûment réprimée. Dans le pays du « socialisme triomphant » […], toute forme de société civile était absente[12].

Le dissident Sergueï Kovaliov rappelle que, durant les soixante-dix ans d’existence du régime communiste, « toute activité sociale, revendiquant son indépendance face à l’État, était considérée comme un obstacle fâcheux et malveillant, nécessitant une élimination rapide »[13]. Dans l’esprit des dissidents, « le pouvoir d’État totalitaire avait à faire avec une population atomisée »[14]. Les sociologues Vadim Radaev et Oleg Chkaratan ont confirmé ce point de vue, écrivant par exemple :

La destruction de la propriété privée et l’étatisation des institutions sociales fondamentales ont déformé, empêché la consolidation des liens sociaux horizontaux entre les individus. Toutes les associations, les organisations économiques et politiques, susceptibles de défendre publiquement les intérêts de leurs membres n’ont pu se développer. L’expression publique de ces intérêts privés est devenue impossible.[15]

Au début des années 1990, l’enjeu est donc de favoriser la reconstitution d’associations susceptibles de relayer publiquement des intérêts communs. La création d’une société civile doit permettre l’apparition d’unions de citoyens, détachés à la fois de leurs dépendances personnelles et de leurs dépendances à l’égard du pouvoir, et susceptibles d’œuvrer à la promotion de biens publics. Comme l’explique le politologue Vladimir Horos, l’existence d’une société civile est nécessaire à toute modernisation politique. Il définit la société civile comme « le vaste ensemble des organisations autonomes de citoyens (širokij kompleks samodeâtel’nyh ob˝edinenij graždan), grâce auxquelles la population exprime ses intérêts, formule une opinion publique, influence les structures politiques, défend ses droits »[16]. Paradoxalement, alors que l’État soviétique se voulait l’incarnation de l’action collective, ses détracteurs démocratiques doivent reprendre cette exigence à leur compte et sont invités à s’unir volontairement pour réformer le système politique.

De civil à civique

Ce projet de démocratisation sociale est sous-tendu par une très forte exigence de civisme. Cette dernière est souvent implicite car le vocabulaire russe ne permet pas de différencier les adjectifs « civil » et « civique », tous deux traduits par « graždanskij ». Mais tous les textes indiquent que l’action collective au sein de la société civile russe présuppose un détachement à l’égard des subordinations politiques, économiques ou personnelles. Cette exigence n’est pas spécifique à la Russie. Comme l’expliquent Laurent Thévenot et Luc Boltanski :

Le monde civique a pour particularité d’attacher une importance primordiale à des êtres qui ne sont pas des personnes. (…) C’est en tant qu’ils appartiennent à des collectifs ou les représentent que la valeur des êtres humains peut être prise en considération.[17]

Le civisme suppose que les personnes possèdent une conscience collective et soient capables de subordonner leur volonté propre à la volonté générale. Le détachement à l’égard des liens personnels doit s’accomplir par la participation à des actions collectives. Cette activité est libératrice parce qu’elle libère les hommes de l’oppression des intérêts égoïstes. Dans l’idéal civique, les militants doivent être libres, c’est à dire détachés des liens de dépendance personnelle.[18] Pour être parfaitement indépendants, ils ne doivent pas entretenir de liens de parenté avec des partenaires éventuels. Le renoncement au particulier permet de dépasser les divisions qui séparent pour agir collectivement. Les militants civiques sont naturellement politiques, ce qui ne signifie pas qu’ils soient nécessairement engagés dans une structure partisane (parti politique). Les militants se font l’expression d’une volonté générale et l’incarnation d’un intérêt général, en opposition à l’isolement qui conduit à l’impuissance. La personne collective qui jouit de la personnalité civile possède bien une personnalité qui lui est propre. Sa vocation doit être spécifiée par une définition qui précise les buts de l’association et leur confère par là une existence légale.[19] Le civisme suppose que des limites légales définissent le domaine d’action de chacun, dans l’espace et dans le temps. La démocratie est la forme politique la plus appropriée à la manifestation de la volonté générale.[20]

Cette conception démocratique de la société civile est très exigeante pour les militants associatifs en ce qu’elle suggère une séparation forte entre l’engagement civique d’un côté, l’espace familier, le monde politique et les entreprises lucratives de l’autre. Cette exigence a été portée par certains militants associatifs russes, notamment dans le domaine des droits de l’homme. Elle a aussi été portée par les organisations internationales menant des actions de coopération avec des associations russes. L’association Memorial affirme, par exemple, qu’elle constitue « une initiative civile (graždanskaâ iniciativa) contre l’héritage totalitaire »[21]. « Memorial, c’est la restitution de la mémoire historique, l’aide aux plus faibles, la défense des opprimés. Ce sont des actions publiques, un travail d’archives, une activité d’édition. […] Enfin, Memorial constitue un centre intellectuel et organisationnel de développement de la société civile en Russie » affirme une publication consacrée à cette association[22]. La mémoire de l’atomisation de la société et de l’isolement des dissidents conduisent les militants des droits de l’homme à réfléchir aux grammaires de l’action collective. L’enjeu est de passer d’un engagement militant individuel ou limité à un petit groupe de proches à un engagement associant plus largement des citoyens intéressés par la cause à défendre. Les dissidents s’engagent dans un mouvement de promotion de l’action collective au sein d’associations légalement constituées.

Ce développement du civisme associatif s’est fait en partenariat avec les institutions de coopération internationale qui se sont penchées sur la Russie pour évaluer la situation et tenter de l’infléchir. Concernant la question des mobilisations collectives, elles ont tenté de susciter l’apparition de mouvements citoyens et indépendants comparables à ceux existant en Europe occidentale. Comme le souligne S. Henderson :

Les gouvernements occidentaux, les organisations à but non lucratif et les organisations internationales ont débloqué des fonds pour différents programmes relevant de la « construction de la société civile » (Civil society), en pensant qu’il s’agissait d’un aspect crucial pour la transition vers et la consolidation de la démocratie.[23]

Les attentes démocratiques locales et les pratiques militantes internationales ont ainsi convergées vers une forte attente de civisme de la part des citoyens russes.

La déception civique

Alors qu’une étude empirique et pragmatique montre la création légale de nombreuses associations à but non lucratif en Russie et permet de mettre en lumière des groupements locaux actifs et engagés dans des actions de coopération avec des partenaires étrangers comme avec l’administration russe, nombreux sont aujourd’hui les observateurs qui constatent la faiblesse de la « société civile ». Maria Lipman, de la Fondation Carnegie, affirme :

En ce qui concerne la société civile, elle est profondément isolée : l’union volontaire et indépendante pour réaliser une action commune est une rareté dans notre pays. Les citoyens battent en retraite face à l’État qui, ayant établi un contrôle complet sur la sphère politique, élargit sans cesse sa participation dans la sphère sociale ».[24]

Ou encore :

La représentation de la faiblesse de la société civile russe est devenue un lieu commun. Les Russes, dans leur majorité, s’organisent difficilement, ne participent pas aux mobilisations, n’essaient pas d’entrer dans une quelconque association ou de participer à des actions de protestation collective.[25]

Ce constat d’échec est profond mais il semble généralement le fait d’une déception à l’égard d’une exigence qui portait plus sur la création d’une « société civique » que d’une « société civile » en Russie.

Les réalités de la société civile russe

Depuis le début des années 1990, de nombreuses associations à but non-lucratif sont apparues en Russie. La Constitution russe, adoptée en 1993, reconnaît la liberté d’association (dans son article 30). La loi fédérale sur les organisations à but non lucratif (o nekommerčeskih organizaciâh), qui concerne les associations religieuses et non religieuses, ainsi que la loi fédérale de 1995 sur les unions sociales (ob obŝestvennyh ob˝edineniâh) ont mis en œuvre le texte fondamental. Les associations sont des formations volontaires, auto-administrées et à but non lucratif, créées à l’initiative de citoyens sur la base de leur communauté d’intérêt et pour la réalisation de buts communs. Si le terme officiel pour les désigner est celui d’« union sociale », depuis la disparition de l’URSS, de nombreux autres termes sont utilisés : association non-étatique (negosudarstvennaâ organizaciâ, NGO), association non-gouvernementale (nepravitel’stvennaâ organizaciâ, NPO) ou association à but non lucratif (nekommerčeskaâ organizaciâ, NKO).

D’après les chiffres officiels, il existe environ 300 000 associations à but non lucratif en Russie. Certains observateurs en décomptent même près d’un million. « Il y a actuellement un million d’ONG variées, d’associations et d’organisations de la société civile en Russie. Cette immense variété peut surtout être qualifiée de chaotique. On peut y trouver n’importe quoi, depuis les clubs de débat et les organisations de jeunesse jusqu’aux organisations d’aide humanitaire, aux groupes de protection de l’environnement et aux organisations de défense des droits de l’homme. Ces dernières sont sans aucun doute les plus actives actuellement et sont au centre de l’attention de l’État (…) D’après leurs propres évaluations, environ 20 millions de personnes sont ainsi organisées et en réseau » affirme Christian Neugebauer, éditeur de « The Glocalist »[26]. Des études régionales montrent le dynamisme de ces associations. Dans son article sur les organisations à but non lucratif de la région de la Volga, Ioulia Kostikova souligne que dans le seul oblast’ de Nijni Novgorod, 4 000 NKO sont officiellement enregistrées. Ayant étendu son étude à l’ensemble de la région, elle conclut :

On peut dire que le dynamisme des organisations à but non lucratif dans la région de la Volga est illustré par l’augmentation du nombre d’associations, leur plus grande expérience et, en conséquence, le renforcement du rôle du troisième secteur dans la vie de la société, dans la conservation des formes positives de coopération entre les gens, dans l’établissement d’une société civile en Russie dans son ensemble.[27]

Ce type d’études locales semble témoigner de l’importance des pratiques associatives dans le pays.

Les dépendances de la société civile

En dépit des recherches qui montrent l’existence de ces nombreuses associations officielles (mais aussi de nombreux groupements informels) dans la société russe, les observateurs libéraux et démocrates constatent la faiblesse de la société civile en Russie. Le dynamisme des associations dans les régions russes semble donc réel mais les pratiques associatives ne correspondent pas nécessairement aux attendus de l’acception civique de la société civile. La doxa civique critique en effet tant les coopérations de ces associations avec l’administration que les réseaux domestiques qui fondent leur action. Ce constat est argumenté et soutenu par différentes justifications qui se rejoignent dans une critique globale : l’insuffisante indépendance des associations. Les recherches de terrain sur le fonctionnement des mouvements associatifs en Russie montrent effectivement une imbrication de pragmatisme à l’égard de l’administration et d’attention aux proches qui crée des liens plutôt que des distances entre l’associatif, le politique et l’économie mais qui se combine tout de même avec des considérations civiques. Ces dernières tendent cependant à être discréditées par les pratiques sus-mentionnées.

D’une part, les chercheurs dénoncent les liens entre les associations et l’administration. Depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, ils s’inquiètent particulièrement de la prise en charge économique et institutionnelle des associations par l’État sur un mode autoritaire[28]. Ces liens, expérimentés dans des pratiques de coopération quotidienne entre les associations et les administrations, ne sont pourtant pas forcément néfastes pour le développement démocratique du pays. Dans un article fondé sur l’étude des relations entre les associations à but non lucratif et les administrations locales dans la région du nord-ouest, Elena Belokurova et Natalia Iargomskaia estiment :

Durant cette dernière décennie, aussi bizarre que cela puisse paraître, les organes locaux et régionaux du pouvoir et les organisation non-gouvernementales à but non lucratif, qui sont une institution centrale de la société civile, se sont engagés dans un processus complexe d’ajustement de leur mécanisme de coopération [...] Dans l’ensemble, un regard plus attentif sur les processus se déroulant au niveau régional permet de ne pas voir que des problèmes, restés encore irrésolus, mais aussi des succès qui ont été remportés grâce aux forces communes des représentants civils actifs des associations et des pouvoirs régionaux.[29]

Les auteurs de cette étude soulignent elles-mêmes le caractère « bizarre » de leur conclusion. Cette bizarrerie naît probablement du décalage entre les pratiques observées et l’exigence de civisme initialement attendue. L’exemple des associations de mères de soldats permet aussi d’illustrer ce paradoxe. Les mères de soldats, qui s’opposent officiellement à l’armée russe et au ministère de la défense, développent parallèlement des relations personnelles avec des responsables militaires qui les aident. Comme l’explique Valentina Melnikova : « Il n’y a pas vraiment de loi. Le système est pernicieux. Seuls les contacts personnels sont importants »[30]. Le développement de ce type de relations inter-individuelles a été souvent décrit en Russie et généralement rattaché à la catégorie, dévaluée, des « relations informelles ». Il permet pourtant de garantir l’efficacité des associations dans leur action quotidienne et le développement ultérieur d’un discours à caractère civique chez les militants.

D’autre part, certains chercheurs critiquent les liens communautaires et dénoncent les traditions d’auto-organisation au sein d’îlots communautaires et non d’engagement dans des organisations non gouvernementales indépendantes en réseau.[31] Ces communautés informelles sont parfois qualifiées de « succédané » (surrogat) des organisations de la société civile.[32] Là-encore, cette critique naît d’une difficulté à repenser un type idéal civique qui ne correspond pas totalement aux pratiques militantes observées en Russie. Pourtant, l’importance accordée aux liens du proche au sein du monde associatif ne s’accompagne pas nécessairement d’un défaut de civisme. Le cas des associations de défense des droits de l’homme l’illustre. Si ces associations ont un fort engagement civique, leurs militants manifestent aussi un souci pour le maintien de leurs réseaux personnels. Les liens de parenté et d’amitié sont mis en avant par les militants ainsi qu’un souci constant pour les autres membres du groupe. Des actions collectives peuvent à l’occasion être mises en œuvre entre différentes associations. La connivence entre les défenseurs des droits de l’homme est forte. Comme le dit une militante, évoquant le groupe de défenseurs des droits de l’homme avec lequel elle travaille : « Nous formons une équipe de gens qui collaborent depuis longtemps et qui se comprennent »[33]. L’exemple d’engagements collectifs en faveur de l’écologie montre aussi l’importance de ces relations de proximité. Les travaux d’Olga Koveneva comparent les pratiques militantes écologiques en Russie et en France. En Russie, elle souligne la proximité des militants locaux avec la population alors qu’en France, l’impératif de publicité et de détachement à l’égard des liens du proche peut conduire à une cécité à l’égard de l’expérience quotidienne et des savoirs populaires.[34]

Les exigences, initialement posées, conduisent ainsi à une déception vis à vis de la société civile russe, qui s’est développée sans répondre à tous les espoirs du type idéal occidental. Cette déception est graduée. Les plus modérés parlent de « faiblesse » de la société civile en Russie. D’autres, plus pessimistes, évoquent une société atomisée :

Le peuple est une masse atomisée […]. A l’issue de l’époque soviétique, lorsque le pays a repris son chemin, interrompu en 1917, vers la démocratie, la société russe n’avait ni l’expérience de l’auto-organisation civile, ni de la vie politique dans un régime de séparation des pouvoirs, ni l’expérience correspondante de conciliation des intérêts par l’intermédiaire du dialogue et du compromis.[35]

Certains évoquent même l’émergence d’une société non-civile en Russie, à l’opposé absolu du projet libéral du début des années 1990. Dmitri Saprykine, par exemple, conclut : « une société de non-citoyens s’est constituée chez nous, à l’exact opposé de la société civile ».[36] Les attentes déçues concernent probablement plus la faiblesse de l’engagement civique que celle de la société civile. L’engagement civique n’est le fait que d’une minorité de militants, qui ont combattu le régime soviétique mais qui ne souhaitent pas s’engager directement en politique. Cette position intermédiaire au service du bien commun, entre action civile et engagement politique, relève bien de la société civile dans son acception civique mais reste relativement limitée.

Société civile contre société civique

La critique démocratique de la société civile russe semble paradoxale lorsqu’elle est placée en regard de la critique étatique russe. En effet, si les deux critiques convergent dans le constat d’échec de la société civile en Russie, leurs justifications sont différentes mais se rencontrent dans un renversement politique saisissant. L’État russe s’empare en effet de la critique démocratique pour justifier son retour dans le monde associatif. D’une part, reprenant le credo libéral, il dénonce les collusions entre les associations, les autres acteurs économiques et politiques et les intérêts particuliers. De l’autre, il justifie sa politique de reprise en main de la société civile par la nécessité de pallier la faiblesse de cette dernière. Ainsi, par un retournement du raisonnement, face à une société civile qui a échoué à suppléer un État libéralisé, l’État russe justifie l’extension de ses prérogatives civiles. Le programme libéral initial est donc transformé et perverti au profit du retour de l’État. Paradoxalement, l’intérêt de l’État russe pour la société civile est né de son inquiétude pour sa dimension civique. L’administration critique essentiellement les associations qui envisagent leur action collective comme politique au sens large. Cet intérêt souligne, par défaut, que, contrairement à ce qu’affirme la critique libérale, ces associations civiques existent et sont considérées comme un problème par l’État. Ce dernier se satisfait par contre très bien des associations ancrées dans des préoccupations domestiques. Dans cette optique, la dimension domestique de l’engagement associatif est même susceptible d’élargissement jusqu’au plus haut niveau de mise en commun, c’est à dire jusqu’au patriotisme, ce qui correspond à l’idéal de société civile de l’État russe.

La critique étatique de la société civile

La critique étatique la plus large contre les associations a été portée par Vladimir Poutine lui-même, dans son adresse à l’Assemblée fédérale du 26 mai 2004. Le Président russe a explicitement mis en cause les dépendances des associations russes à l’égard de leurs partenaires, et surtout à l’égard des ONG internationales qui les financent. Vladimir Poutine a déclaré :

Des milliers d’organisations civiles et d’unions existent et travaillent de manière constructive dans notre pays. Mais elles sont loin d’être toutes dévouées à la défense des intérêts réels des gens. Une partie de ces organisations a pour objectif principal de recevoir des financements de fondations étrangères influentes, d’autres servent des intérêts commerciaux ou particuliers douteux.[37]

Le Président russe reprend ici et retourne à son profit la critique des liens entre le monde associatif et le monde économique. Il s’approprie, d’une certaine façon, une partie de la critique civique qui dénonce les liens entre les militants et le monde économique. Mais Vladimir Poutine en tire d’autres conclusions :

Pendant ce temps, les problèmes les plus importants du pays et de ses citoyens passent inaperçus. Je dois dire que lorsque l’on évoque les atteintes aux droits fondamentaux de l’homme, aux intérêts réels des gens, la voix de ces organisations est inaudible. Et ce n’est pas par hasard : elles ne peuvent tout simplement pas mordre la main qui les nourrit.[38]

Vladimir Poutine fait ici allusion aux organisations étrangères qui profiteraient des difficultés financières des associations russes pour les contrôler. Et il poursuit :

Bien sûr, de tels exemples ne doivent pas nous conduire à incriminer les organisations civiles dans leur ensemble. Je pense que de telles exceptions sont inévitables et sont temporaires.[39]

Le discours du chef de l’État russe porte l’idéal d’une société civile « dévouée » qui résolve les problèmes « réels » des gens. Il s’attaque par contre directement aux associations les plus civiques de la société civile russe, à savoir les associations de défense des droits de l’homme.

Depuis quelques années, il est intéressant d’observer en Russie un glissement sémantique dans la désignation des associations que l’on retrouve dans la bouche du Président : l’« association non-gouvernementale » (Nepravitel’stvennaâ Organizaciâ, NPO) est de plus en plus souvent désignée par l’État comme « association à but non-lucratif » (Nekommerčeskaâ Organizaciâ, NKO). Les textes officiels favorisent ce glissement, marquant la volonté de placer la césure entre les associations et la sphère économique plutôt qu’entre les associations et l’État. Le caractère non-gouvernemental des associations de défense des droits est perçu comme une potentielle opposition par le gouvernement. Récemment, une nouvelle formule est apparue pour désigner les associations. Vladimir Poutine lui-même, dans son adresse à l’Assemblée fédérale du 26 mai 2004, a consacré une partie de son intervention au rôle des « associations non-politiques » (o roli nepolitičeskih obŝestvennyh organizacij). Il est intéressant de noter ici l’apparition de cette nouvelle dénomination des associations, qualifiées de non-politiques alors que jusqu’à présent elles étaient qualifiées de non-gouvernementales ou de non-commerciales. Cette nouvelle expression illustre la volonté de dépolitiser les relations entre l’État et les représentants de la société civile.

Le projet étatique pour la société civile : réduire le civisme au patriotisme

La politique de l’État à l’égard des associations de défense des droits de l’homme a été publiquement présentée à l’occasion du Forum civil de Moscou en 2001 et du Forum russe de Nijni Novgorod en 2003. Lors du forum civil de 2001, Vladimir Poutine a parlé de la nécessité d’un dialogue constructif entre le pouvoir et le tiers secteur (o neobhodimosti konstruktivnogo dialoga meždu vlast’û i tret’im sektorom). Le second forum, qui s’est déroulé à Nijni Novgorod en novembre 2003, a été organisé à l’initiative de la Commission pour les droits de l’homme près le Président de la Russie. Ce second forum a été plus clair dans ses objectifs. D’après ses organisateurs, le forum est « un événement regroupant des experts, destiné à favoriser l’émergence de solutions efficaces, en prenant en compte les intérêts de la société et du pouvoir »[40]. A travers les termes qu’elle emploie, la Commission pour les droits de l’homme entend participer à l’opération de rationalisation des relations entre le pouvoir et le mouvement associatif. En d’autres termes, et pour reprendre les mots adressés par Vladimir Poutine aux participants :

Votre forum est invité à prendre des décisions, dont dépendent directement le développement réussi de la société civile et le partenariat social dans le pays. […] La compétence reconnue des participants au Forum rend possible sa réussite. Je suis persuadé que le Forum russe assurera un soutien pratique à l’activité civile et sera capable de favoriser la vie sociale du pays par le renforcement de la stabilité et de la concorde.[41]

Par les termes qu’il emploie (« partenariat », « concorde »), Vladimir Poutine défend à la fois le développement de liens forts entre l’État et les associations mais encore la soumission des associations à un projet politique collectif de type patriotique. Ces exigences entrent en contradiction avec l’impératif de détachement civique.

Ce projet politique patriotique est apparu clairement à l’occasion des discussions autour de la création d’une Chambre sociale (Obŝestvennaâ Palata[42]) en 2005 et 2006. En août 2005, Vladimir Poutine a organisé une rencontre au Kremlin consacrée à la formation de cette instance. Selon ses termes, il s’agit de « constituer une institution radicalement nouvelle pour la Russie, une institution fondamentalement démocratique, qui devra coopérer avec les autres structures démocratiques dans le pays ». L’argument démocratique qui rappelle les projets politiques post-soviétiques est repris mais dans une acception spécifique. « La Chambre sociale devra approuver les nouvelles formes de coordination du pouvoir et de la société civile, ayant des compétences en matière d’expertise sociale, d’exercice du contrôle social et d’élaboration de recommandations pour les organes du pouvoir ». Vladimir Poutine évoque ensuite la composition de cette Chambre sociale. « Il est évident que les membres de la Chambre doivent être des citoyens bénéficiant d’un large soutien social, d’une autorité personnelle et d’une influence sur la société […]. Ces personnes doivent être prêtes à effectuer un travail d’expertise et, ce qui n’est pas moins important, doivent être au maximum non engagées politiquement ». Par ces mots, le Président russe tente de justifier le contrôle de l’État sur la société civile et le désengagement politique des associations. Cette dimension est clairement illustrée par les propos et les actions du pouvoir contre les associations de défense des droits de l’homme, les plus contestataires dans l’espace associatif. Elle s’accompagne d’un abaissement de la dimension universelle et politique au sens large de la défense des droits de l’homme. Lioubov Duhanina, l’une des membres de la Chambre sociale, affirme :

Même des structures, qui à première vue ne semblent pas relever de la défense des droits de l’homme mais qui travaillent dans la sphère sociale, par exemple, sont aussi des défenseurs de droits de l’homme parce qu’elles défendent les intérêts d’une partie de la population.[43]

Le pouvoir tente de réduire la défense des droits de l’homme à l’action charitable. Les associations sont donc cantonnées dans leurs engagements domestiques et locaux pour ne pas porter une critique du pouvoir. Cette approche a été clairement illustrée par les amendements à la loi sur les associations adoptés par la Douma durant l’hiver 2005-2006. Ces modifications avaient pour objectif de limiter l’activité des organisations étrangères en Russie et le développement de leurs coopérations avec leurs partenaires russes.

Conclusion

Les discussions autour de la dimension « civile » ou « civique » de l’action associative sont plus qu’une digression autour d’un jeu de mot intraduisible par l’adjectif russe « graždanskij ». La faiblesse de la société civile, constatée par de nombreux observateurs de la Russie, porte en fait généralement sur la faiblesse de la « société civique ». Cette nuance est importante politiquement. Dans son acception conventionnelle, le civisme porte en effet une forte exigence de détachement à l’égard des subordinations personnelles, politiques et économiques ; le maintien de ces attaches faisant en contrepoint l’objet d’une critique porteuse de discrédit. Dans le cas de la Russie, de nombreuses associations existent et il semble abusif de parler d’un désintérêt absolu des citoyens à l’égard de l’action collective. Cependant, seul un petit nombre d’associations, surtout dans le domaine de la défense des droits de l’homme, tente d’incarner une exigence civique. Le caractère universel de leur cause y contribue, en soulignant l’égale dignité des hommes devant leurs droits et libertés indépendamment de leur État d’appartenance. Cette conviction civique entre en contradiction avec les injonctions de l’État russe qui préfère cantonner les associations dans leur rôle de relais civils de l’administration. Cette position est préoccupante pour l’ensemble du fonctionnement politique du pays. Comme le souligne Sergueï Peregoudov :

On peut affirmer que l’idée répandue selon laquelle la société civile doit être non-politique constitue un frein au développement d’une telle société en Russie. Limiter la société civile dans les limites des liens « horizontaux » […] contraint les organisations à but non lucratif et les autres structures civiles à « mariner dans leur jus ».[44]

En d’autres termes, les associations sont vouées à suppléer l’administration russe dans un certain nombre de tâches d’intérêt général sans s’engager en politique. L’État tente d’enrayer les liens susceptibles de se tisser entre le monde associatif et le monde politique partisan ainsi que les engagements militants dans l’un et l’autre. Il s’agit bien là d’un choix de l’administration russe et non d’une incapacité intrinsèque de la société à s’organiser collectivement.

 

Notes

Notes :

[1] Voir, notamment en français : La Russie de Poutine. Pouvoirs, n°112. 2005 ; Marie Mendras (dir). Comment fonctionne la Russie ? Le politique, le bureaucrate et l’oligarque. Paris : CERI/Autrement, 2003 ; Gilles Favarel-Garrigues, Kathy Rousselet. La société russe en quête d’ordre. Avec Vladimir Poutine ? Paris : CERI/Autrement, 2004 ; Françoise Daucé, « Iabloko ou la défaite du libéralisme politique en Russie », Critique internationale, n°22, janvier 2004. pp. 25-34, et : Libéraux et démocrates : un compromis impossible ? Article en ligne, mai 2006, 13 p. Sur le site du CERI, http://www.ceri-sciences-po.org

[2] Voir, par exemple, Karine Clément. La contestation de gauche et les mouvements sociaux émergents. Article en ligne, mai 2006. http://www.ceri-sciencespo.com/archive/mai06/artkc.pdf

[3] Pour ne citer que quelques uns des ouvrages sur ce thème : Vladimir Horos, Graždanskoe obŝestvo : mirovoj opyt i problemy Rossii (La société civile : expérience internationale et problèmes de la Russie), Moscou, 1998, 312 p. «  Graždanskoe obŝestvo i gosudarstvo » (La société civile et l’État), Žurnal Pro i Contra, n°1, 2006.

[4] Samuel A. Green, « Gosudarstvo i obŝestvennij suverenitet (« L’État et la souveraineté sociale ») », in Graždanskoe obŝestvo i gosudarstvo, op.cit., p. 26.

[5] Dominique Colas. Dictionnaire de la pensée politique. Paris : Hachette, 1997. p. 241.

[6] Jean L. Cohen, Andrew Arato. Civil Society and Political Theory. Cambridge : The MIT Press, 1992. p. 15.

[7] Oleg Harhordin, « Proekt Dostoevskogo » (« Le projet de Dostoievski »)., Žurnal Pro et contra, tome 2, automne 1997, n°4, Graždanskoe obŝestvo. Adresse : http://www.carnegie.ru/ru/pubs/procontra/55637.htm (site consulté le 29 septembre 2008). Dans cet article, Oleg Harhordin montre qu’il existe différentes conceptions de la société civile, qui sont étroitement liées avec le contexte religieux dans lequel elle fonctionne. Ainsi, la conception du rôle des associations dans l’Amérique protestante ou dans l’Italie catholique n’est pas la même. Oleg Harhordin essaye ensuite de voir comment peut être compris le terme de « société civile » dans la Russie orthodoxe. Il estime ensuite que le « collectif » soviétique fonctionnait sur le même mode que la communauté (obŝina) orthodoxe.

[8] Anne Le Huérou & Kathy Rousselet, « La société civile en Russie : de l’utopie à l’engagement civique ? », Problèmes politiques et sociaux, n° 814, 8 janvier, p. 3.

[9] Suzan Chambers, Will Kymlicka (eds) Alternative Conceptions of Civil Society. Princeton : Princeton University Press, 2002, p. 2.

[10] Jean-Robert Raviot, Taline Ter Minassian. La civilisation soviétique. De l’URSS à la Russie. De 1917 à nos jours. Paris : Ellipses, 2006. p. 7. Citant notamment C. Friedrich et Z. Brzezinski. Totalitarian Dictatorship and Autocracy. Cambridge : Harvard UP, 1954.

[11] Sur ce thème, voir Françoise Daucé. « Les usages militants de la mémoire dissidente en Russie post-soviétique ». Revue d’études comparatives est-ouest, vol. 37, n°3, 2006, p. 43-46.

[12] Aleksandr Daniel’, « Očerk istorii pravozaŝitnogo dvizeniâ v SSSR i Rossii » (« Eléments d’histoire du mouvement de défense des droits de l’homme en URSS et en Russie »), in Pravozaŝitnoe dviženie v Rossii. Kollektivnij portret. (Le mouvement de défense des droits de l’homme en Russie. Un portrait collectif). Moscou, OGI, 2004, p. 19.

[13] Sergej A.Kovalev. Puti Rossii. « Prava čeloveka kak nacional’naâ ideâ » (« Les voies de la Russie. Les droits de l’homme comme idée nationale »), Izvestiâ, 15 avril 1998.

[14] Aleksandr Daniel’, « Očerk istorii pravozaŝitnogo dviženiâ », op.cit. p. 19.

[15] Vadim V. Radaev, Oleg I. Skaratan. Social’naâ stratifikaciâ (La stratification sociale). Moscou, Aspekt Press, 1996. p. 267.

[16] Vladimir G. Horos. Modernizaciâ kak obŝemirovoj process (La modernisation comme processus mondial), in Političeskaâ nauka v Rossi (La science politique en Russie), Moscou, MONF, 2000, p. 324.

[17] Luc Boltanski, Laurent Thévenot. De la justification. Les économies de la grandeur. Paris, Gallimard, 1991, p. 231.

[18Ibid. p. 233.

[19Ibid. p. 235.

[20Ibid. p. 239.

[21] « Obŝestvo Memorial. Graždanskaia iniciativa protiv totalitarnogo naslediâ » (« La société Memorial. Une initiative civile contre l’héritage autoritaire »), in : Pravozaŝitnoe dviženie v Rossii. Kollektivnij portret, op.cit., p. 172.

[22] Ibid.

[23] Sarah L. Henderson, “Selling Civil Society : Western Aid and the NGO Sector in Russia”, Comparative Political Studies, mars 2002, p. 140.

[24] Maria Lipman. Le mot du rédacteur. Dans « Graždanskoe obŝestvo i gosudarstvo »), op.cit, p.2.

[25] Samuel A. Green, “Gosudarstvo i obŝestvennij suverenitet”, op.cit., p. 25.

[26] Christian Neugebauer, « NGOs in Russia » The EU-Russia Review, n°1, mai 2006.

[27] Ûliâ Kostikova, « Rezul’taty oprosa rukovoditelej nekommerčeskih organizacij Volgo-Vâtskogo regiona. (Les résultats d’un sondage auprès des dirigeants d’organisations à but non lucratif dans la région de la Volga) ».

[28] A. B. Evans, “Vladimir Putin’s Design for Civil Society”, in : A.B. Evans red. Russian Civil Society : A Critical Assessment., Armonk, ME Sharpe, 2006, p. 147-158.

[29] Elena Belokurova, Natal’â Ârgomskaâ. « Cena odnoj illûzii : možno li sdelat’ graždanskoe obŝestvo èffektivnym pri pomoŝi odnoj federativnoj reformy ? » (“Le prix d’une illusion. Peut-on rendre la société civile efficace uniquement à l’aide d’une réforme fédérale ? »), Neprikosnovennij zapas, n°38, 2004. http://www.nz-online.ru/index.phtml?aid=25011248

[30] Françoise Daucé, « Les mouvements des mères de soldats à la recherche d’une place dans la société russe », Revue d’études comparatives Est-Ouest, n°2, 1997, p. 51.

[31] A. B. Evans A.B. red. Russian Civil Society: A Cruitical Assessment, op. cit.

[32] M.M. Howard, The Weakness of Civil Society in Post-Communist Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

[33] Entretien de l’auteur avec un défenseur des droits de l’homme, 11 décembre 2003.

[34] Olga Vladimirovna Koveneva (doctorante à l’Institut de sociologie RAN et à l’EHESS). « Ternistij put’ zaŝitnika prirody : ekologičeskoe dejstvie v Rossii et vo Francii » (Le chemin épineux du défenseur de l’environnement : l’action écologique en Russie et en France). Texte non publié.

[35] Aleksandr Ahiezer, Igor’ Klâmkin, Igor’ Âkovenko. «Istoriâ Rossii : konec ili novoe načalo ?» (« L’histoire de la Russie : fin ou recommencement ? »), Moscou, Novoe izdatel’stvo, 2005, http://www.liberal.ru/book1.asp?Rel=36

[36] Dmitrij Saprykin, «Demokratiâ bez naroda?» (« La démocratie sans le peuple ? »). www.rus.ru/politics/polemics/20010311. Cité par A. Hlopin, « Graždanskoe obŝestvo v Rossii : Ideologiâ, utopiâ, real’nost’ » (La société civile en Russie : idéologie, utopie, réalité), Žurnal Pro i contra, n°1, 2002, p. 120-144.

[37] http://www.kremlin.ru/text/appears/2004/05/64879.shtml.

[38Ibid.

[39Idid

[40] Extrait de la lettre d’information sur le forum publiée par la Commission pour les droits de l’homme près le Président. http://www.h-rights.ru/obj/doc.php?ID=194530

[41] http://www.h-rights.ru/obj/doc.php?ID=196182

[42] Ce terme pose des problèmes de traduction. Il est intéressant de constater que les auteurs anglo-saxons le traduisent généralement par « Civic Chamber » alors que les auteurs russes le traduisent plutôt en anglais par « Public Chamber ».

[43] Natal’â Kostenko, « Obŝestvennoj palate podpoet Pugačeva », Nezavisimaâ Gazeta, 11 novembre 2005.

http://www.ng.ru/printed/politics/2005-11-11/1_pugache.html

[44] Sergej Peregudov « Graždanskoe obŝestvo kak sub’’ekt publičnoj politiki » (« La société civile comme sujet de la politique publique »). Polis, № 2 – 2006. http://www.politstudies.ru/fulltext/2006/2/11.htm

 

Pour citer cet article

Françoise Daucé, « Entre société civile et société civique : l'exemple des associations de défense des droits de l'homme en Russie », in Sylvie Martin (dir.) Circulation des concepts entre Occident et Russie, [en ligne], Lyon, ENS LSH, mis en ligne le 10 décembre 2008. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article141