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La liberté de conscience en Russie : du transfert d’un concept au conflit de normes

Kathy ROUSSELET

IEP de Paris-CERI

Index matières

Mots-clés : Liberté de conscience, identité nationale, normes internationales, Russie, post-communisme

Plan de l'article

Texte intégral

[1]

La laïcité et la garantie de la liberté de conscience sont spécifiquement mentionnées dans les textes normatifs de l’Etat russe, en particulier dans les articles 14 et 28 de sa Constitution :

1. La Fédération de Russie est un Etat laïc. Aucune religion ne peut s'instaurer en qualité de religion d'Etat ou obligatoire.
2. Les associations religieuses sont séparées de l'Etat et égales devant la loi.(art. 14)[2]

A chacun est garanti la liberté de conscience, la liberté de croyance, y compris le droit de professer et pratiquer individuellement ou avec d'autres toute religion ou de n'en professer et pratiquer aucune, de choisir, d'avoir et de diffuser librement des convictions religieuses et autres ou d'agir conformément à celles-ci. (art.28)[3]

Pourtant, en Russie, comme ailleurs, la laïcité est une notion floue, qu’acteurs religieux et politiques construisent en fonction de leurs propres objectifs et intérêts. L’affirmation de la liberté de conscience entre en tension avec le souci d’ancrer le pays dans une tradition religieuse ainsi qu’avec le régalisme[4]. L’absence d’espace public rend difficile l’exercice de la liberté de conscience. Enfin, son traitement, en Russie comme en Occident, est largement « coloré »[5] par la culture religieuse dominante, d’autant plus que l’Eglise orthodoxe russe, acteur visible sur la scène politique du pays et fournisseur de nouvelles catégories discursives[6] — ou plutôt d’anciennes catégories revisitées —joue un rôle non négligeable dans la définition russe-orthodoxe des droits de l’homme.

La Russie post-soviétique a importé au début des années 1990 de nombreux concepts, dont celui, très symbolique, de la liberté de conscience qui fait consensus au niveau international, même si son absence de définition exacte provoque des débats et empêche toute réelle convergence des politiques nationales. La notion de liberté de conscience a évolué au gré de l’évolution de la législation et de la politique religieuse menée par Boris Eltsine, puis Vladimir Poutine, certaines normes nationales étant entrées en conflit au cours des quinze dernières années avec les principes véhiculés par les différentes organisations internationales, qu’il s’agisse de l’Organisation des Nations Unies (ONU), du Conseil de l’Europe (CE) ou encore de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Comment expliquer les modes de changement des normes dans le domaine de la liberté de conscience et les raisons qui incitent l’Etat russe à adhérer ou non aux normes internationales ?

Les enjeux de la liberté de conscience : démocratisation ou affirmation identitaire ?

La liberté de conscience est apparue à la disparition de l’URSS comme un produit occidental importé en Russie dans le même panier que la « démocratie de marché » (rynočnaâ demokratiâ) et la « société civile » (graždanskoe obŝestvo). La première loi sur la liberté de conscience, rédigée à la hâte en 1990[7], annonçait à la communauté internationale un processus de libéralisation politique. Dans une sorte de surenchère laïque, la Constitution de 1993 a, quant à elle, fait de la Fédération de Russie, un des Etats les plus laïques au monde.[8] Alors que dans les pays occidentaux les principes qui régissent les relations entre les institutions religieuses et l’Etat sont le fruit de leur histoire, en Russie ceux-ci n’ont été que le produit de l’universalisation d’un modèle et ont avant tout souligné la volonté des élites de faire entrer le pays dans le concert des nations démocratiques « civilisées ».

Les premières années du pouvoir post-soviétique étaient marquées par des « attentes romantiques » (romantičeskie ožidaniâ) de la population russe, pour reprendre l’expression de K. Kosatchev, chef de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.[9]

Cette phase correspondait à l’illusion du transfert mécanique des standards, normes et règles de l’Europe éclairée sur le sol russe, suffisant pour créer la démocratie en Russie. En outre, […] l’adhésion au CE, même dans des conditions contraignantes, était alors [en 1996] un élément important de la campagne électorale de l’équipe au pouvoir à la recherche d’une légitimité internationale.[10]

En 1996, la Russie entrait au Conseil de l’Europe et en 1998, la Douma approuvait la Convention européenne des droits de l’homme.

Il n’en reste pas moins vrai que, dès 1993, des acteurs sociaux affirmaient qu’une liberté sans contrôle ne permettrait pas à la Russie de surmonter les difficultés intérieures, et diffusaient leur crainte de menaces extérieures pesant sur le pays ; les représentants d’organisations religieuses russes — tant le président du Conseil des Eglises des chrétiens évangéliques-baptistes et le président de la Direction spirituelle des musulmans de la partie européenne de la CEI que le patriarche de l’Eglise orthodoxe russe — se montraient inquiets d’une concurrence religieuse étrangère à laquelle ils disaient ne pas pouvoir faire face. Dès l’été 1993, le Soviet suprême proposa une nouvelle loi restreignant les libertés pour les confessions étrangères et affirma la nécessité pour l’Etat d’entretenir des relations particulières avec certaines confessions traditionnelles, ce à quoi Boris Eltsine, conseillé alors par Anatoli Krasikov à l’administration présidentielle, s’opposa. L’assaut puis la dissolution du Parlement à l’automne de la même année mit fin pour quelque temps au processus législatif dans ce domaine. Ce n’est que le 26 septembre 1997 que fut adoptée une nouvelle loi sur la liberté de conscience et les organisations religieuses[11], plus restrictive que celle de 1990, après quelques légères modifications apportées au projet suite aux pressions exercées notamment par les Etats-Unis[12], la Grande Bretagne, le Vatican et le Conseil œcuménique des Eglises. Cette nouvelle loi, largement élaborée dans les couloirs de l’administration présidentielle et de la Douma, signifiait que le projet libéral et l’inscription de la Russie dans la « civilisation occidentale » ne suffisaient plus pour répondre de façon légitime à la question identitaire qui continuait à structurer l’ensemble du champ politique. Face à la crise économique et devant le constat que la Russie n’était pas un acteur déterminant sur la scène internationale, l’estime politique recherchée par les élites politiques auprès de la population russe passait désormais autant, voire plus, par un discours sur la puissance russe que par la reconnaissance de la communauté internationale. C’est ce qui explique, dès le milieu des années 1990, l’efficacité du lobbying de certains courants dans l’Eglise orthodoxe russe, en particulier autour du Congrès mondial populaire russe, et les divergences au sein de l’appareil d’Etat sur la politique à mener. Le règlement de la question religieuse doit être interprété dans ce cadre-là.[13] La loi fut présentée comme un élément de clarification de la Constitution et une façon de contrôler le chaos qui semblait alors menacer la société russe.[14] L’affirmation croissante d’un « pluralisme limité »[15] et le poids accordé, de façon claire dans les discours et assez largement dans la pratique, aux religions traditionnelles sur la scène publique apparurent comme une juste réponse à la crise identitaire et aux processus de globalisation qu’une partie de la classe politique, tout comme l’Eglise orthodoxe, cherchait à freiner. Le préambule de la nouvelle loi réaffirme le caractère laïc de l’Etat tout en soulignant à la fois le rôle spécifique de l’Eglise orthodoxe dans l’histoire et la culture du pays, et la place du christianisme, de l’islam, du bouddhisme, du judaïsme et d’autres religions dans le patrimoine historique des peuples de Russie.

Vers un conflit des normes

Cette évolution de la politique religieuse de la Russie a conduit à des divergences entre les normes domestiques russes et les normes internationales. De nombreux experts ont souligné les contradictions de la loi sur la liberté de conscience de 1997 avec les normes internationales reconnues et acceptées par la Russie. Tel est le cas, en particulier, de l’article 8.5 renvoyant à l’équivalence« russe » / « orthodoxe » :

A le droit d’utiliser dans sa dénomination les termes de “Russie”, “russe” et leurs dérivés, une organisation religieuse centralisée dont les structures ont travaillé, sur des bases légales, au moins cinquante ans à partir du moment où la dite organisation a adressé à l’organisme d’enregistrement une demande d’enregistrement officiel.[16]

On retrouve des scories de la législation soviétique, comme le traitement spécifique de l’« organisation religieuse étrangère » et l’obligation d’enregistrement des « organisations religieuses n’ayant pas le document qui atteste leur existence depuis au moins quinze ans sur le territoire correspondant » ; elles « ont le droit de personne juridique à condition qu’elles soient réenregistrées chaque année jusqu’à l’accomplissement du délai indiqué de quinze ans » (art. 27.3).[17] Tant l’ONU[18] que l’OSCE[19] et le Conseil de l’Europe[20] ont manifesté  leur inquiétude par rapport à cette loi. De nombreuses organisations non gouvernementales, confessionnelles ou non, notamment américaines, se sont mobilisées pour le respect de la liberté de conscience en Russie.[21] Les 9 et 10 octobre 1998, le Congrès américain adoptait à l’unanimité une loi sur la liberté religieuse internationale (International Religious Freedom Act), promulguée le 27 octobre, qui confiait au Département d’État « la mission de vérifier dans chaque État du monde le respect de la liberté religieuse, définie selon les termes des conventions internationales applicables, et d’intervenir à l’encontre des contrevenants par une batterie de quinze sanctions au choix, allant de la démarche diplomatique traditionnelle à la cessation de toute assistance financière et autres sanctions économiques »[22]; or la politique religieuse de la Russie est régulièrement critiquée dans les rapports, consultatifs et incitatifs, de l’Office on International Religious Freedom (OIRF)et de la Commission on International Religious Freedom.[23] Par ailleurs, en 2002, le Russian Democracy Act présentait comme une priorité pour la démocratisation de la Russie le développement de la liberté de conscience.

Selon le juriste Jean-Pierre Massias, nombreuses sont les plaintes déposées par les citoyens russes à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).[24] Le président Dmitri Medvedev s’inquiétait récemment lui-même de leur nombre élevé, l’expliquant par le caractère aisé de ce recours dans la Fédération de Russie et l’absence de recherche de compromis en amont, et il en appelait à un rôle accru de l’ombudsman.[25] S’agissant des plaintes des croyants, elles ne sont néanmoins pas si nombreuses, non pas que la législation soit en adéquation avec les normes européennes[26], mais parce que les croyants eux-mêmes ont peu l’habitude de recourir à la CEDH.

Je pense que les gens ne veulent pas se plaindre et sont prêts à supporter la discrimination religieuse, estimait ainsi Roman Maranov, juriste du Centre slave du droit [Slavânskij pravovoj centr], en 2007. Un citoyen russe préférera aller se plaindre parce qu’il reçoit une petite retraite plutôt que parce qu’on ne le laisse pas prier. Il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour choisir entre les biens matériels et immatériels et il agira selon le principe suivant : “il vaut mieux obtenir une retraite ou un salaire plus élevé; s’agissant du reste, on s’en accommodera.” La plupart des habitants de la Russie sont occupés par des questions de survie. Ils n’ont pas d’énergie pour penser en plus à la religion. C’est pourquoi la majorité des plaintes sont des plaintes de désespoir : ce sont des personnes désespérées qui écrivent, des personnes qui n’en peuvent plus de l’arbitraire des fonctionnaires.[27]

Les croyants font peu confiance à la justice, jugent guère utile le recours à l’ombudsman fédéral, encore moins celui aux chargés des droits de l’homme dans les régions[28]. L’absence de recours aux instances internationales pourrait aussi venir du fait que nombre de croyants ne connaissent ni les lois domestiques ni les normes internationales. Beaucoup n’ont pas conscience des frontières du licite et de l’illicite dans les pays autres que la Russie. C’est ainsi que la mise en adéquation des discriminations formulées par des chrétiens évangéliques, des pentecôtistes ou des adventistes cherchant à obtenir le statut de réfugiés politiques aux Etats-Unis avec ce que ce pays considère comme relevant de la discrimination n’est pas toujours aisée ; la formulation est rendue d’autant plus difficile que ces croyants sont souvent peu éduqués et habitent des régions rurales éloignées de la capitale.

On observe néanmoins une certaine mise en convergence des normes domestiques et internationales. Jean-Pierre Massias souligne :

L’influence de Strasbourg se traduit […] par l’intégration des dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans le droit russe et la prise en compte par les tribunaux russes de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Ainsi la Cour constitutionnelle russe utilise très souvent la Convention comme instrument d’interprétation du contenu des lois constitutionnelles russes. Les principes véhiculés par la Convention servent ainsi de référence. De plus, alors même que la Cour constitutionnelle russe n’est pas juridiquement liée par la jurisprudence de la CEDH, elle s’appuie très fréquemment sur celle-ci pour rendre ses décisions. A titre d’exemple, dans une affaire relative à la liberté de religion (23 novembre 1999), la Cour constitutionnelle de Russie a fait directement référence à l’arrêt de la CEDH du 25 mai 1993, Kokkinakis contre Grèce.[29]

On peut encore citer les décisions de la Cour constitutionnelle russe datant du 13 avril 2000 et du 7 février 2002 limitant l’application de la règle des quinze ans qui restreint les droits des organisations religieuses n’ayant pas le document qui atteste leur existence depuis au moins quinze ans sur le territoire de la Fédération de Russie.

La mise en application de la loi sur la liberté de conscience, marquée par les relations personnelles entre élites religieuses et élites politiques, mais aussi par l’incompétence en matière religieuse de nombreux fonctionnaires administratifs et de personnels de justice, présente aujourd’hui une situation contrastée, qui varie beaucoup en fonction des contextes locaux.[30] En pratique, dans certaines régions, l’orthodoxie a acquis un statut de religion d’Etat. Les recours des croyants devant la CEDH ne leur permettent pas toujours, loin s’en faut, de recouvrer leurs droits, même si la Cour leur donne raison et si la Russie paie de fortes amendes (allant parfois jusqu’à 90 000 euros). Il reste qu’en dépit des nombreux projets pour accorder la prééminence aux religions dites « traditionnelles », la loi sur la liberté de conscience n’a pas été modifiée de façon radicale.[31]

Les sources du conflit

Un des conflits les plus visibles entre normes domestiques et normes internationales porte sur l’équilibre à trouver entre liberté de conscience et lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. La dérive autoritaire de Vladimir Poutine, le souci de renforcer le pouvoir fédéral et de contrôler la situation religieuse du pays l’ont incité à faire adopter des lois portant atteinte à la liberté de conscience. L’article 3(2) de la loi sur l’extrémisme de 2002 prévoit la possibilité de restreindre la liberté de religion si cela est nécessaire pour protéger la sécurité de l’Etat (alors que l’article 9 de la CEDH ne contient aucune restriction de la sorte). Quant à la lutte contre le terrorisme, et en particulier la nouvelle loi de mars 2006[32], elle devient également une raison de limiter la liberté de conscience, ce mode d’action politique s’opposant nettement à la position des Etats-Unis et de la plupart des organisations internationales. « La menace du terrorisme ne doit pas être utilisée comme excuse pour enfreindre le droit des individus et des groupes à choisir librement et à manifester leur religion et croyance », soulignait ainsi Christian Strohal, directeur de l’Office for Democratic Institutions and Human Rights, coorganisateur de l’OSCE Supplementary meeting on freedom of religion and belief à Vienne les 17 et 18 juillet 2003. De même Abadelfattah Amor, rapporteur spécial auprès de l’ONU, affirmait-il que la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme ne devait pas « justifier n’importe quelle action ». Pour les Etats-Unis, le combat contre le terrorisme devrait passer par la lutte anti-blanchiment et le contrôle des ressources financières des groupes à travers une utilisation du protocole du Groupe d’action financière (GAFI), plutôt que par la restriction de la liberté de conscience.[33]

L’absence de conformité de la politique russe en matière de liberté de conscience avec les normes internationales s’explique par un conflit sur la conception de la liberté de conscience et des droits de l’homme. Les devoirs collectifs continuent à primer sur les droits individuels. Cette conception se reflète dans la politique de l’Etat mais aussi au sein de l’opinion publique. Lors d’un sondage effectué en Russie en 2002[34], les personnes interrogées étaient deux fois plus nombreuses à manifester de l’indifférence à l’égard des libertés du citoyen (liberté de conscience et de religion, de réunion, droit de parole) qu’à les défendre et une part importante acceptait que leurs droits soient limités en cas de problèmes de sécurité publique. Les jeunes n’étaient pas plus préoccupés par les problèmes de liberté que les générations anciennes, et le niveau d’éducation n’influait que légèrement sur cette tendance. Parmi les acteurs sociaux qui, de plus en plus nombreux, défendent le principe de la laïcité, et en particulier la séparation de l’Eglise et de l’école, beaucoup se situent dans l’héritage soviétique de l’anticléricalisme avant de mettre en avant les principes démocratiques. La difficile séparation de la sphère publique et de la sphère privée, tout comme « l’absence de cadre institutionnel, légal et culturel permettant le développement d’une société civile et la régulation des expressions individuelles»[35], contribuent à définir de façon spécifique le « seuil de laïcisation »[36] atteint par la Russie.

On ne peut néanmoins pas réduire ce conflit des normes à une opposition entre l’Occident démocratique et la Russie. C’est ainsi que les différends entre les Etats-Unis et la Russie ne sont parfois pas si éloignés de ceux qui ont opposé les mêmes Etats-Unis et la France au tournant des années 2000 : alors qu’André Vivien accusait la Fédération Helsinki de complicité avec la Scientologie, Aaron Rhodes, directeur exécutif de la Fédération répondait en ces termes :

Un de nos membres, le Moscow Helsinki Group a publié un livret sur la liberté religieuse. Notre groupe nous informe que l’Eglise de scientologie a effectivement contribué à cette publication […]. Le groupe de Moscou aurait été avisé de refuser cette participation, y compris afin d’éviter les réactions abusives et insidieuses telles que la vôtre. Mais le MHG, l’organisation de défense des droits de l’homme la mieux établie et respectée en Russie, celle qui a donné naissance au mouvement des droits de l’homme à travers l’Europe et dont les membres sont morts ou ont été torturés dans les goulags soviétiques pour leurs croyances et leurs opinions, n’est pas tombé aux mains des scientologistes dont il serait le porte-parole. Face aux religions non traditionnelles, la Russie et la France ont toutes deux une approche qui contrevient à leurs obligations internationales.[37]

Plus généralement, l’Europe a une autre façon de concevoir la liberté que les Etats-Unis. Comme le souligne Blandine Chélini-Pont :

Dans les rapports américains comme dans les rapports de l’OSCE, pourtant respectueux de l’organisation souveraine de chaque Etat, la discrimination relevée et dénoncée est toujours celle de l’abus de pouvoir. Cet abus tient en ce que, au nom de l’organisation souveraine de l’Etat qui impose aux religions en Europe de passer par une conformation légale — et la France, malgré son officielle neutralité, organise pareillement son rapport aux cultes — les Etats imposent des exigences de légalité, allant de l’interdiction du prosélytisme à la gêne permanente et aux tracasseries arbitraires. Les Etats-Unis considèrent qu’ils ont une compréhension des standards internationaux beaucoup plus justes, et que les Européens, derrière leur tradition légaliste, conservent en fait des réflexes négatifs sur la différence religieuse et des préjugés nostalgiques datant de l’époque de l’unicité religieuse de leur pays, en oubliant qu’elle engendra l’antisémitisme le plus tragique. Et dans cette estimation, les Américains sont en accord avec les plus sérieuses ONG Droits de l’Homme : l’approche européenne ne cherche pas un standard universel mais se légitime ou se cache derrière une philosophie de l’Etat, qui n’est pas complètement appliquée, puisqu’elle suppose de prouver le danger dont l’Etat en question dit protéger ses citoyens.[38]

Certains chercheurs expliquent ces divergences dans la gestion de la liberté religieuse par des différences religieuses, l’approche américaine, et en particulier l’exaltation de la conscience religieuse, étant particulièrement marquée par le libre examen protestant.[39] La perception orthodoxe de l’individu, en revanche, implique une relation radicalement différente au prosélytisme et au développement des nouveaux mouvements religieux.

Il est vrai, en effet, que l’Eglise orthodoxe russe, s’appuyant sur le consensus au sein du pouvoir d’une nécessaire voie russe, contribue aujourd’hui à définir de nouvelles catégories politiques. Ainsi le Congrès mondial populaire russe, réunissant des élites politiques, économiques et religieuses, a-t-il posé en 2005, mais surtout en 2006, la question des droits de l’homme et de la dignité humaine. Dans le prolongement de ses différentes interventions depuis la fin des années 1990, le métropolite Kirill, à la tête du département des relations extérieures de l’Eglise orthodoxe, y remet en cause le caractère universel du système de valeurs séculier, issu d’une culture spécifique : la pensée rationaliste des Lumières. Développant une vision du monde en termes de cohabitation des civilisations, il introduit face à la conception occidentale des droits de l’homme, « au nom de la civilisation originale russe », une perception orthodoxe par laquelle l’individu continue de se définir par rapport à la communauté à laquelle il appartient.

Les droits et les libertés sont indissolublement liés aux obligations et aux responsabilités de l'homme. L'individu, en réalisant ses intérêts, est appelé à les mettre en corrélation avec les intérêts de son prochain, de sa famille, de sa communauté locale, de son peuple et de l'humanité entière.
Il y a des valeurs dont la place se situe au-dessus des droits de l'homme. Ce sont des valeurs telles que la foi, la moralité, le sacré, la Patrie. Lorsque ces valeurs et la réalisation des droits de l'homme entrent en contradiction, la société, l'Etat et la loi doivent concilier harmonieusement les unes et les autres. Il ne faut pas admettre des situations où la réalisation des droits de l'homme écraserait la foi et la tradition morale, amènerait à outrager les sentiments religieux ou patriotiques, les choses sacrées vénérées, menacerait l'existence de la Patrie. Nous voyons également un danger dans “ l'invention ” de “ droits ” qui légaliseraient des conduites condamnées par la morale traditionnelle et toutes les religions historiques.[40]

Ce sont ces normes religieuses que l’Eglise orthodoxe russe, dont une partie des fidèles vit dans l’Union européenne, tente aujourd’hui d’affirmer au-delà des frontières de la Russie. Son lobbying auprès des organisations européennes, en particulier au Conseil de l’Europe, est de plus en plus visible. En réaction à la période soviétique où la religion devait être une expérience privée cachée du regard public, la laïcité qui s’accompagne d’une privatisation du sentiment religieux est vivement critiquée par les religieux ; ainsi l’hégoumène Philarète Boulekov, représentant de l’Eglise orthodoxe russe (EOR) à Strasbourg, a-t-il expliqué le 7 septembre 2006 au Forum International sur le thème « Dialogue culturel et coopération interreligieuse » :

Je dois vous dire franchement comme quelqu’un qui de par son âge appartient encore à la génération des « individus soviétiques » : dans l’approche de la religion à laquelle je me heurte au Conseil de l’Europe et dans de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme je sens un esprit presque « soviétique ». De nouveau, comme à la période soviétique, on nous dit que dans la société il n’y a pas de place pour les croyants parce que la « laïcité » a gagné, que la place de la religion n’est que dans les logements privés et dans les bâtiments de prière spécialement prévus à cet effet. Et nous, croyants, nous avons à nouveau l’impression d’être des « individus de seconde zone ».[41]

En préparation à la session d'hiver de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) de janvier 2006, en partie consacrée à la condamnation internationale des crimes des régimes totalitaires communistes, le représentant de l’EOR a adressé une lettre à son président, René van der Linden, l’enjoignant de prendre en considération les infractions à la liberté de conscience, oubliées dans la résolution de l’APCE et que Philarète Boulekov, prenant le Conseil de l’Europe en défaut sur ses propres principes, a mis sur le compte d’un « sécularisme sinon militant, du moins très accentué… en contradiction avec les fondements mêmes de la conception des droits de l'homme ».[42] La représentation de l’Eglise orthodoxe à Strasbourg réaffirme la liberté de conscience dans un contexte où, selon elle, celle-ci perd sa priorité par rapport à d’autres libertés.

Parallèlement, Philarète Boulekov multiplie ses interventions sur un nécessaire dialogue interculturel prenant en compte les traditions, afin de légitimer les droits collectifs. Dans le cadre de la préparation du Livre blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel, il répond en ces termes sur le problème des relations entre diversité culturelle et droits de l’Homme :

Les valeurs fondamentales des sociétés européennes incluent les Droits de l'Homme universels, les libertés fondamentales, la démocratie et la primauté du droit. L'une des libertés fondamentales est la liberté de conscience et de confession. Elle suppose la liberté de profession de sa foi aussi bien à titre individuel qu'en commun avec d'autres. La diversité des confessions est l'un des facteurs qui génère la diversité culturelle. Quand on poursuit le but de préserver et de défendre les diversités culturelles, il ne faut pas oublier que la foi religieuse peut ne pas être uniquement le résultat d'un libre choix d'une personne, mais également un élément de culture reçu en héritage. Dans ce dernier cas, il est question d'un attachement à une tradition culturelle à dimension religieuse, autrement dit, elle renferme une certaine tradition confessionnelle. A ce moment-là, le droit de confesser librement une foi religieuse et le droit d'appartenir à une culture précise se confondent. L'exemple donné concerne la question de la légitimité et du contenu du concept des droits collectifs de même que les relations de ce concept avec celui des droits individuels.[43]

L’Eglise orthodoxe russe serait-elle devenue un nouvel entrepreneur de normes, opposant à la conception protestante de la liberté de conscience diffusée par les Etats-Unis une vision radicalement différente de l’individu ?

Un nouveau seuil de laïcisation se dessine aujourd’hui en Russie, différent de celui atteint par les pays occidentaux. L’Etat s’approprie les normes internationales en les déformant et en les recomposant à la fois avec l’héritage soviétique et son agenda politique. La question de la liberté de conscience est pensée en lien avec celle de l’identité nationale du pays. Face à ce qu’ils appellent une « cléricalisation rampante », des défenseurs des droits de l’homme tentent de lutter, dans un même mouvement, pour la démocratisation du pays et pour la liberté de conscience, reprenant ainsi une logique axiologique occidentale, essentiellement américaine. Des représentants de mouvements religieux en appellent à un répertoire de justification européen pour obtenir la reconnaissance de leurs droits bafoués en Russie. Dans un mouvement de critique à l’égard de ce qu’elle appelle l’unilatéralisme de la fabrique internationale des normes, l’Eglise orthodoxe russe tente, quant à elle, d’imposer de nouvelles valeurs et de les exporter. L’idée d’un transfert du concept de liberté de conscience en Russie a fait long feu.

 

Notes

[1] Une version légèrement différente de ce texte sera publiée prochainement en russe dans Религия и светское государство. Принцип «Laïcité» в мире и Евразии/ под ред. А. Агаджаняна и Кати Русселе. — М. : Территория будущегo.

[2] « 1.Российская Федерация - светское государство. Никакая религия не может устанавливаться в качестве государственной или обязательной.
2.Религиозные объединения отделены от государства и равны перед законом. »

[3] Traduction française dans La Documentation Catholique, 95, 15 février 1998, p 179-187. « Каждому гарантируется свобода совести, свобода вероисповедания, включая право исповедовать индивидуально или совместно с другими любую религию или не исповедовать никакой, свободно выбирать, иметь и распространять религиозные и иные убеждения и действовать в соответствии с ними. »

[4] « Le régalisme est le droit d'emprise de l’Etat, c’est l’Etat vu non comme dispensateur de ressources ou simple régulateur de la vie sociale mais comme producteur de normes et c’est le pouvoir (considéré comme) légitime de l’Etat sur les individus, les groupes, les structures sociales». (Jean Baubérot, http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com/archive/2005/06/29/sur_l_ouvrage_laicite_1905-2005.html Voir son ouvrage Laïcité 1905-2005 entre passion et raison, Paris, Seuil, 2005.)

[5] La « laïcité de reconnaissance du religieux [ c’est-à-dire « une laïcité qui, tout en respectant l’autonomie respective de l’Etat et des religions et en veillant à garantir les principes fondamentaux de libertés et de non-discrimination qu’elle implique, reconnaît les apports sociaux, éducatifs et civiques des religions et les intègre de ce fait dans la sphère publique] est particulièrement confrontée au poids du fait religieux majoritaire qui la colore ou la réduit diversement (on peut paradoxalement parler de laïcité catholique, musulmane, luthérienne, voire orthodoxe, c’est-à-dire des laïcités colorées et/ou plus ou moins limitées par le poids et l’influence du religieux majoritaire) » (Jean-Paul Willaime, « La dimension religieuse du dialogue interculturel : quel dialogue entre le Conseil de l’Europe, les communautés religieuses et la société civile ? », Conférence européenne, Saint-Marin, 23-24 avril 2007, http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/Source/Willaime_FR.doc, consulté le 19 juin 2007).

[6] Joachim Willems, « The Religio-Political Strategies of the Russian Orthodox Church as a “ Politics of Discourse ” », Religion, State and Society, vol. 34, 3 septembre 2006, p. 287-298.

[7] Les juristes russes souhaitaient en effet écrire une loi russe avant que ne soit rédigée la loi soviétique.

Voir Anatolij Krasikov, « Svoboda sovesti i gosudarstvenno-cerkovnye otnošeniâ v Rossii », Dia-Logos, 1998-99, pp. 255-277.

[8] John D. Basil considère qu’elle fut largement inspirée par la Constitution des Etats-Unis.

Voir : John D. Basil , « Church-State relations in Russia: Orthodoxy and Federation Law, 1990-2004 », Religion, State and Society, vol. 33,n° 2, juin 2005, p. 153.

[9] Cité par Jean-Pierre Massias, « La Russie et le Conseil de l'Europe : dix ans pour rien ? », Russie.Nei.Visions, n° 15, janvier 2007, p 8.

[10] Jean-Pierre Massias, ibid.
Cette politique de l’Etat russe illustre le point de vue de Martha Finnemore et Kathryn Sikkink sur les changements de normes domestiques et l’influence des normes internationales : « Leaders of states sometimes follow norms because they want others to think well of them … an important condition for domestic receptiveness to international norms is a need for international legitimation. If legitimation is a main motivation for normative shifts, we might expect states to endorse international norms during periods of domestic turmoil in which the legitimacy of elites is threatened. » (« International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, vol.52, n°4, autumn 1998, p. 903 et 906).

[11] Elle est entrée en vigueur le 1er octobre 1997. Elle a subi de légères modifications le 26 mars 2000, le 21 mars et le 25 juillet 2002, le 8 décembre 2003, le 29 juin 2004, le 6 juillet 2006 et le 28 février 2008.

[12] Le Sénat américain était prêt à supprimer un prêt de 200 millions de dollars promis à la Russie (Smith Amendment).

[13] Tout comme les débats de politique étrangère sur le Kosovo en 1998. Voir Guillaume Colin, « Russian Foreign Policy Discourse during the Kosovo Crisis : Internal Struggles and the Political Imaginaire », Questions de recherche, n° 12, décembre 2004.

[14] John D. Basil, op.cit., p. 154

[15] Alexandre Agadjanian, « Pluralisme religieux et identité nationale en Russie », MOST Journal on Multicultural Societies, 2(2), mai 2001.

[16] « Централизованная религиозная организация, структуры которой действовали на территории Российской Федерации на законных основаниях на протяжении не менее пятидесяти лет на момент обращения указанной религиозной организации с заявлением о государственной регистрации, вправе использовать в своих наименованиях слова "Россия", "российский" и производные от них. »

[17] « Религиозные организации, не имеющие документа, подтверждающего их существование на соответствующей территории на протяжении не менее пятнадцати лет, пользуются правами юридического лица при условии их ежегодной перерегистрации до наступления указанного пятнадцатилетнего срока. »

[18] Et ce, dès 1999. « Depuis 1996, le parquet de la Cour d'appel du district nord de Moscou aurait engagé des poursuites, à cinq reprises, contre la congrégation des Témoins de Jéhovah de la capitale. Les quatre premières poursuites auraient été abandonnées par manque de preuve. En septembre 1998, de nouvelles poursuites auraient été engagées en vertu de la loi de 1997 sur la liberté de conscience et les organisations religieuses, contre les activités missionnaires des Témoins de Jéhovah, activités perçues comme illégales car incitant à la discorde religieuse et menaçant la vie familiale russe. Si cette poursuite en justice aboutissait, l'enregistrement des Témoins de Jéhovah serait révoqué et leur congrégation serait interdite à Moscou. » (Rapport intérimaire sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, établi par M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l’ONU, conformément à la résolution 53/140 de l'Assemblée générale, en date du 9 décembre 1998, 23 septembre 1999). Voir http://193.194.138.190/Huridocda/Huridoca.nsf/TestFrame/c6320103c90690048025681f005fb1b3?Opendocument

[19] Voir en particulier l’intervention de la Délégation des Etats-Unis à la Réunion d’évaluation d’application des accords de l’OSCE à Varsovie le 27 octobre 1998  et la déclaration du Dr Laila Al-Marayati, s’inquiétant lui aussi du sort des témoins de Jéhovah, ainsi que de celui de l'Eglise luthérienne de Tuim, dans le Caucase. Les Etats-Unis exercent une forte influence sur le travail de l’OSCE en matière de liberté religieuse.

[20] Le rapport de la Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe ( Commission de suivi) (dont les co-rapporteurs étaient M. David Atkinson, Royaume-Uni, Groupe démocrate européen et M. Rudolf Bindig, Allemagne, Groupe socialiste), datant du 3 juin 2005, reprend de façon détaillée l’ensemble des points de la législation russe qui contredisent les obligations et les engagements de la Fédération de Russie envers le Conseil de l’Europe (document 10568). Voir http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/WorkingDocs/doc05/FDOC10568.htm

[21] On peut citer : Christian Solidarity Worldwide, Institute on Religion and Public Policy, International Religious Liberty Association, International Association for Religious Freedom.

[22] Dominique Decherf, « Les États-Unis au secours des “ droits de l’homme religieux ” », Critique Internationale, n° 15, avril, 2002, p. 16. Le premier ambassadeur itinérant chargé de vérifier le respect de la liberté religieuse fut le président de la l’ONG évangélique World Vision.

[23] Elle représente la société civile à côté de l’OIRF qui est un organe du Département d’Etat. Pour le rapport 2006 de la Commission on International Religious Freedom, voir http://www.uscirf.gov/countries/publications/currentreport/2006annualRpt.pdf#page=1

[24] Jean-Pierre Massias, op.cit., p. 9

[25] cité par Irina Omel’čenko, « Upolnomočen dlâ vstreči s prezidentom. Včera Dmitrij vstretil’sâ s Upolnomočennym po pravam čeloveka v RF Vladimirom Lukinym », Rossijskaâ Gazeta, 11 juin 2008, http://www.rg.ru/2008/06/11/medvedev-lukin.html)

[26] La Russie est régulièrement condamnée par la CEDH. Elle l’a ainsi été le 5 avril 2007 pour avoir refusé de manière persistante d'enregistrer l'Eglise de scientologie entre 1998 et 2005. Elle l’a également été pour avoir porté atteinte aux droits de l’Armée du Salut, considérée en 2001 par deux tribunaux moscovites comme une organisation paramilitaire illégale menaçant la stabilité politique du pays.

[27]« V Evropejskij sud po pravam čeloveka postupaet vse bol’ŝe i bol’ŝe žalob ot graždan Rossii », 14 février 2007, http://www.sclj.ru/analytics/new/detail.php?ID=1258

[28] En 2007, les représentants de vingt organisations religieuses, essentiellement « non traditionnelles », mais aussi « traditionnelles » se sont adressés à l’ombudsman fédéral. Les plaintes portaient sur la propriété des biens religieux, l’obtention de terrains et de permis de construire, l’arbitraire des représentants des forces de l’ordre, l’intolérance des médias, des cas de vandalisme, l’introduction dans certaines régions d’un enseignement obligatoire des Fondements de culture orthodoxe dans les écoles municipales. Les interventions de l’ombudsman auprès des organes du pouvoir fédéral et régional, les organes du ministère de l’intérieur et la Procurature ont rarement été suivies d’effet ; certaines organisations religieuses se sont alors tournées vers la CEDH. Voir Doklad o deâtel’nosti upolnomočennogo po pravam čeloveka v Rossijskoj federacii v 2007 g., http://ombudsman.gov.ru/doc/documents.shtml

[29] Jean-Pierre Massias, op.cit., p. 10. Il s’agissait d’une décision concernant la communauté des Témoins de Jéhovah de la ville de Iaroslavl’ et l’Eglise chrétienne de la Glorification [Христианская Церковь Прославления]

[30] C’est d’ailleurs ce que soulignent les experts internationaux : « Nous invitons les autorités russes, à tous les niveaux, à assurer le traitement égal de toutes les confessions conformément à la loi. Nous rappelons la recommandation de l’Assemblée aux autorités russes, inscrite dans la Résolution 1278 (2002), d’appliquer la loi sur la religion plus uniformément dans toute la Fédération de Russie, pour mettre fin aux discriminations régionales et locales injustifiées à l’encontre de certaines communautés religieuses et au traitement préférentiel dont béneficie l’Eglise orthodoxe russe de la part des responsables locaux, et notamment l’insistance de ces derniers pour que les organisations religieuses obtiennent l’accord préalable de l’EOR pour leurs activités dans certains districts » (http://www.droitdesreligions.net/rddr/europe/cedh/cedh.htm)

[31] Pour plus de détails sur la situation religieuse elle-même, on pourra lire Kathy Rousselet, « Russie : le grand retour de l’orthodoxie ? », Politique Internationale, printemps 2008, n°119, p.233-247.

[32] Voir A.Verhovskij, O.Sibireva, « Problemy realizacii svobody sovesti v Rossii », 22 mars 2007, http://religion.sova-center.ru/publications/8EA1CC7/8EA1EB3

[33] Blandine Pont-Chélini, «La diplomatie religieuse américaine en Europe occidentale et sa réception française : chronologie d’un affrontement (1996-2002) », Quelle « politique » religieuse en Europe et en Méditerranée ? Enjeux et perspectives, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, p. 207.

[34] Teodor Gerber, Sara E. Mendel’son, « Graždane Rossii o pravah čeloveka », Monitoring obŝestvennogo mneniâ, 2, 2002, p. 26-32 (sondage effectué du 17 septembre au 9 octobre 2001 auprès de 2405 personnes).

[35] Alexander Agadjanian, « The Search for Privacy and the Return of a Grand Narrative: Religion in a Post-Communist Society », Social Compass, 2006, p. 169-184. L’auteur y analyse une affaire remontant à janvier 2003 autour de l’exposition « Attention, religion ! » au musée Andréï Sakharov, qui jouait avec les symboles religieux et qui fut saccagée par une poignée de militants orthodoxes. Ceux-ci ont été acquittés alors que le directeur du musée, la conservatrice et une artiste ont été inculpés d’incitation à la haine et d’atteintes publiques à la dignité de groupes de la population selon des critères nationalistes et religieux, en vertu de l’article 282 du Code pénal russe.

[36] Expression de Jean Baubérot. Voir en particulier Laïcité, 1905-2005, entre passion et raison, Paris, Seuil, 2004.

[37] International Helsinki Federation for Human Rights, http://www.ihf.hr.org/

[38] Blandine Pont-Chélini, op.cit., p.197-198.

[39] Laurent Mayali, Le façonnage juridique du marché des religions aux Etats-Unis, Editions Mille et une nuits, 2002.

[40] www.mospat.ru. Traduction française: REOR-Strasbourg (www.strasbourg-reor.org) (traduction légèrement remaniée). « Права и свободы неразрывно связаны с обязанностями и ответственностью человека. Личность, реализуя свои интересы, призвана соотносить их с интересами ближнего, семьи, местной общины, народа, всего человечества.
Существуют ценности, которые стоят не ниже прав человека. Это такие ценности как вера, нравственность, святыни, Отечество. Когда эти ценности и реализация прав человека вступают в противоречие, общество, государство и закон должны гармонично сочетать то и другое. Нельзя допускать ситуаций, при которых осуществление прав человека подавляло бы веру и нравственную традицию, приводило бы к оскорблению религиозных и национальных чувств, почитаемых святынь, угрожало бы существованию Отечества. Опасным видится и "изобретение" таких "прав", которые узаконивают поведение, осуждаемое традиционной моралью и всеми историческими религиями. »

[41] http://www.strasbourg-reor.org/modules.php?name=News&new_topic=42&file=article&sid=347 Traduction légèrement remaniée.

[42] 20 janvier 2006. « …nous attirons votre attention sur le paragraphe 3 du projet de Résolution de l'APCE où on parle des motifs idéologiques des crimes des régimes communistes. En dehors de la théorie de la lutte des classes et du principe de « dictature du prolétariat », la justification des répressions de masse était également le principe de l'athéisme d'Etat. L'objectif de l'éradication totale de la religion en cours de l'édification de la “ nouvelle société ” faisait partie intégrante de l'idéologie et de la pratique des régimes totalitaires.
La condamnation à l'échelle mondiale des crimes du totalitarisme du point de vue d'une violation manifeste et de masse des droits de l'homme ne serait en aucun cas complète si à côté on passe sous silence la violation par eux du droit fondamental de l'individu à la liberté de conscience et de confession.
Car dans ce cas de la mémoire collective européenne seront exclus non seulement des millions d'individus qui ont souffert ou qui ont succombé uniquement parce qu'ils confessaient une foi religieuse, mais dans l'oubli partiront également les très nombreuses personnes de l'Occident, représentants des Eglises et des communautés religieuses, défenseurs des droits de l'homme, hommes politiques, personnalités du monde de la culture qui, pendant la période des persécutions des croyants dans les pays communistes, élevaient leurs voix pour défendre les opprimés »
(http://www.strasbourg-reor.org/modules.php?name=News&new_topic=13&file=article&sid=108 )

[43] 12 mars 2007, propositions du représentant du Patriarcat de Moscou à Strasbourg adressées à Gabriella Battaini-Dragoni, directrice générale, coordinatrice pour le dialogue interculturel. http://www.strasbourg-reor.org/modules.php?name=News&new_topic=44&file=article&sid=476

 

Pour citer cet article

Kathy Rousselet, « La liberté de conscience en Russie : du transfert d'un concept au conflit de normes », in Sylvie Martin (dir.) Circulation des concepts entre Occident et Russie, [en ligne], Lyon, ENS LSH, mis en ligne le 10 décembre 2008. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article147