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Typologie des récits de conversion au catholicisme (première moitié du XIXe siècle)

Michel NIQUEUX

Université de Caen - Basse-Normandie, ERLIS

Index matières

Mots-clés : Russie XIXe siècle, catholicisme, conversion, autobiographie, Ivan Gagarine, Vladimir Petcherine.


Plan de l'article
Texte intégral

Les récits de conversion au catholicisme d’aristocrates russes de la première moitié du XIXe siècle constituent un corpus de textes bien représentés dans le fonds slave des Jésuites de la bibliothèque de l’École normale et qui n’ont pas encore été étudiés en tant que tels. Avant d’en faire l’inventaire puis la typologie, je rappellerai l’état de la recherche contemporaine sur les « catholiques russes », en laissant de côté les études théoriques sur la conversion religieuse[1], les études sur le genre de l’autobiographie, en particulier de l’autobiographie féminine russe, sur laquelle il existe maintenant un assez grand nombre d’ouvrages[2], et je laisserai aussi de côté la comparaison avec d’autres époques ou d’autres pays[3].

Les « catholiques russes »

Le statut juridique des catholiques en Russie et leurs rapports avec l’État russe sont exposés dans l’ouvrage de A. K. Tixonov, Katoliki, musul’mane i iudei v Rossijskoj imperii v poslednej četverti XVIII-načale XX v. [Les Catholiques, les musulmans et les juifs dans l’Empire russe du dernier quart du XVIIIe siècle au début du XXe] qui contient un bon aperçu historiographique de la question, liée essentiellement aux catholiques polonais ou étrangers[4].

L’ouvrage récent le plus important sur les « catholiques russes » est celui de E. N. Cimbaeva, Russkij katolicizm. Zabytoe prošloe rossijskogo liberalizma [Le Catholicisme russe. Un passé oublié du libéralisme russe][5]. Après un bon état des sources publiées et inédites (l’auteur a travaillé à la Bibliothèque slave à Meudon) et un état de la question, l’auteur étudie les sources du catholicisme en Russie, favorisé par l’esprit de la Sainte-Alliance et l’influence de Joseph de Maistre. Sont analysés les parcours de Sofia Svetchina (Mme Swetchine) pour la période initiale (dix premières années du siècle), et pour la seconde (années 40), ceux de Vladimir Petcherine, Evgueni Balabine, du comte Chouvalov, de Stepan Djounkovski (qui reviendra à l’orthodoxie après avoir été sept ans jésuite), du prince Ivan Gagarine. L’ouvrage se termine par l’étude de l’idéologie de trois figures, Piotr Tchaadaev, Ivan Gagarine et Vladimir Soloviev, entre lesquels l’auteur relève une filiation intellectuelle directe. Cimbaeva donne une liste des convertis les plus célèbres (une soixantaine de noms)[6] et une importante bibliographie primaire. L’auteur considère le catholicisme russe comme un courant d’idées, aux côtés de celui des occidentalistes et des slavophiles, ce qui est vrai pour les « idéologues » du catholicisme comme Tchaadaev, Gagarine, Petcherine, mais qui peut apparaître pour d’autres converti(e)s comme une interprétation a posteriori de phénomènes d’ordre privé et purement spirituel. Le titre, qui assimile le catholicisme russe à l’idéologie du libéralisme, ne recouvre pas la diversité des raisons des conversions de Russes au catholicisme.

Cet ouvrage avait été précédé en 1988 par un article d’un chercheur polonais, Lucjan Suchanek, sur « Les catholiques russes et les proto-catholiques en Russie dans la première moitié du XIXe siècle[7] », que ne mentionne pas la bibliographie de Cimbaeva. Suchanek propose une double classification des convertis :

  • ceux qui confessaient ouvertement le catholicisme ;
  • ceux qui ont gardé leur conversion secrète.

Et :

  • ceux qui se sont convertis au catholicisme en Russie ;
  • ceux qui se sont convertis à l’étranger.

L’article n’est cependant pas construit sur ce classement, et évoque principalement Vladimir Petcherine, le premier émigré politique à avoir fait ce choix, en 1840, Ivan Gagarine (1842), le décembriste Mikhaïl Lounine, qui revint au catholicisme de son enfance, et enfin Piotr Tchaadaev, qui resta proto-catholique. Ces quatre figures permettent à l’auteur de conclure que :

[…] le passage au catholicisme doit être considéré comme un acte d’opposition spirituelle, comme l’expression d’une révolte contre un État qui a complètement assujetti l’Église, et contre une Église qui, aux yeux des convertis, n’est plus que la servante de l’État[8].

Vrai pour ces quatre exemples, ce constat ne l’est pas pour toutes les conversions, et notamment pour les femmes de l’aristocratie, pour lesquelles les raisons purement religieuses dominaient, comme nous le verrons. Ces femmes sont évoquées dans l’article de Katia Dmitrieva, « Les conversions au catholicisme en Russie au XIXe siècle. Ruptures historiques et culturelles », publié en 1995 dans la Revue des études slaves[9]. Après un bref rappel historique et une mise en contexte politique et idéologique (le piétisme et la franc-maçonnerie du règne d’Alexandre Ier), l’auteur évoque Sofia Svetchina, Elizaveta Alekseevna Golitsyna, Piotr Tchaadaev, Vladimir Petcherine, Grigori Chouvalov, en s’attachant aux raisons de la conversion. Celles-ci sont « d’ordre idéologique et socioculturel chez Gagarine et Svečina, mais aussi d’ordre esthétique et presque romanesque pour Šuvalov et Pečerin[10] » (« romanesque » s’applique mal à Chouvalov, qui connut plusieurs tragédies familiales).

Elena P. Gretchanaïa, qui s’est spécialisée dans l’étude et la publication d’autobiographies en français de femmes de l’aristocratie russe du début du XIXe siècle, évoque les conversions au catholicisme de certaines d’entre elles, mais n’en fait pas l’objet de ses analyses[11].

La thèse d’Elena Astafieva, qui a travaillé à la Bibliothèque slave, L’Empire russe et le monde catholique : entre représentations et pratiques, 1772-1905, dirigée par Jean Baubérot à l’École Pratique des Hautes Études, et soutenue en 2006, traite de la législation appliquée aux catholiques en Russie, de la théologie polémique (obličitel’noe bogoslovie) anti-latine et de l’attitude des intellectuels russes envers le monde catholique. Très bien documentée, cette thèse de 535 pages ne porte pas sur les conversions en particulier et ne mentionne que Gagarine et Petcherine (p. 351-353).

Sur Petcherine et sur Mme Swetchine, la littérature est abondante, en russe pour le premier[12], en français pour la seconde[13]. Sur Gagarine, une thèse a été soutenue à Lyon 3 en 1993[14], il y a une biographie de Rouët de Journel[15], mais il y a surtout ses nombreux écrits sur les Églises grecque et romaine[16] et de nombreuses publications dans la revue Simvol.

Le corpus

Nous allons, quant à nous, essayer de rassembler et de comparer les témoignages des converti(e)s afin d’esquisser une typologie des récits de conversion au catholicisme de la première moitié du XIXe siècle[17].

Voici ce corpus, dans l’ordre de la date de la conversion (voir tableau en annexe) :

  • Conversion de S. A. Mme la princesse Alexandrine de Dietrichstein, née Ctesse de Schouwaloff, racontée par elle-même. D’après le manuscrit de l’auteur, publié par Mme la princesse Alexandrine de Dietrichstein Mensdorff, sa petite-fille, Paris, A. Sauton, 1879, ix et 91 pages. Le livre n’est pas mentionné par E. Cimbaeva. Un compte-rendu a paru dans Russkij arxiv, vol. 1, 1880, p. 373-374. L’abjuration a eu lieu à Rome en décembre 1809.
  • Conversion d’une dame russe à la foi catholique racontée par elle-même et publiée par le P. Gagarin, Paris, Douniol, 1862, p. 7-95. Le récit de la conversion est daté de « Jaroslawl, janvier 1813 », l’admission dans l’Église catholique ayant eu lieu le 25 mars 1812, jour de l’Annonciation, à Moscou. Il est écrit en français et anonyme. Le P. Gagarine accompagne ce récit de conversion d’autres textes, notamment de deux lettres de Joseph de Maistre « à une dame protestante [la princesse Anna Ivanovna Bariatinskaïa, ép. Tolstoï] sur la maxime qu’un honnête homme ne change jamais de religion »[18] (1809) et « à une dame russe [la même], sur la nature et les effets du schisme, et sur l’unité catholique » (1810), une notice sur l’abbé Surugue, qui accompagna la conversion de la « dame russe », des notices et une liste des principales conversions de Russes au catholicisme, et la profession de foi, publiée par ordre du pape Grégoire XIII, « à l’usage des Grecs qui veulent entrer dans la communion de la sainte Église catholique, apostolique et romaine ».
  • Le même récit, sous le titre Histoire de ma conversion à la foi catholique, par Mme L***, imprimé à Besançon en 1865, sans référence à l’édition de 1862, avec la mention (qui ne figure pas dans l’édition de 1862) : « Je désire qu’après ma mort, mes filles lisent ce manuscrit, et qu’il soit imprimé sans nom d’auteur et vendu au profit de l’œuvre de la Propagation de la foi. » L’exemplaire de la Bibliothèque slave contient une lettre manuscrite de 1887 de Léonce Pingaud, l’auteur d’un ouvrage bien documenté sur Les Français en Russie et les Russes en France (Paris, Perrin, 1886), qui rapporte des informations communiquées par une correspondante russe, selon laquelle l’auteur de ce récit de conversion anonyme serait la princesse Elisabeth Galitzin, « qui a embrassé le catholicisme à Genève ». Nous connaissons une princesse (knjažna, et non knjaginja) Elizaveta Alekseevna Galitzin (1795-1843), fille de la princesse Alexis Galitzin née Aleksandra Protasova, convertie en 1801[19]. Elizaveta [Lise] se convertit en 1815, et devint religieuse en Amérique à partir de 1826[20]. La « dame russe » anonyme s’étant convertie en 1810 à Moscou et ayant écrit sa confession en 1813, il ne peut s’agir d’Elizabeth Galitzin, qui a par ailleurs écrit l’histoire de sa vie (voir ci-dessous). Il y a une autre Elizabeth Galitzin, née Zolotnicka, épouse du frère de la future religieuse, Pierre Galitzin (1797-1843), et dont le fils, Augustin Galitzin, a écrit entre 1856 et 1869 une dizaine d’ouvrages en français sur la Russie, les questions religieuses, et sur sa sœur religieuse. Le problème est que l’auteur anonyme de l’Histoire de ma conversion à la foi catholique dit être née d’une mère française et catholique (p. 40 de l’édition de 1862, dorénavant citée dans le texte), ce qui n’est pas le cas de cette Elizabeth Galitzin, et c’est à Moscou en 1812, et non à Genève, qu’elle s’est convertie. Katia Dmitrieva s’en sort en disant qu’il s’agit d’« une autre Elizaveta Golitsyna[21] »... Les renseignements rapportés par Léonce Pingaud ne peuvent donc résoudre la question de cet anonymat. On serait tenté de déchiffrer Mme L*** comme Ekaterina Lubomirskaïa, née Tolstaïa, seule convertie connue à avoir un nom en L. Mais elle ne répond pas aux indications biographiques de la « dame russe » qui s’est convertie en 1822 : nous lui garderons donc ce nom-là.
  • Le Journal de la conversion de Mme Swetchine (1782-1859), publié par le comte de Falloux en 1863[22]. Sa conversion intervint en 1815. Le Journal est composé de réflexions éparses, inspirées par la lecture de l’Histoire ecclésiastique de Fleury, la première étant datée de septembre 1815. Le titre a été donné par le comte de Falloux.
  • La Vie d’une religieuse du Sacré-Cœur d’Elizabeth Galitzin (1797-1843), publiée par son neveu, le prince Augustin Galitzin, en 1869[23]. Sa conversion date aussi de 1815. Augustin Galitzin, son neveu, utilise des mémoires d’Elizabeth, qu’il cite apparemment in extenso, ainsi que des lettres de celle-ci au père Rozaven, jésuite.

Cela fait quatre autobiographies, écrites en français, de conversions de femmes de l’aristocratie ayant eu lieu en 1809-1815. Les quatre suivantes datent des années quarante, et sont dues à des hommes :

  • Zamogil’nye zapiski [Mémoires d’outre-tombe], Apologia pro vita mea, de Vladimir Petcherine (1807-1885), qui se convertit en 1840, devint rédemptoriste en 1841 et prêtre en 1843. Petcherine écrit ses mémoires dans les années 1865-1875, à la demande de ses amis de Russie[24]. Ses souvenirs prennent la forme de lettres adressées principalement à un camarade d’université, F. V. Tchijov, ce qui leur donne un aspect souvent primesautier. Mais seulement deux extraits purent être publiés dans Russkij arxiv, en 1870-1871. La première publication, incomplète, de ces mémoires, date de 1932 (édition de M. O. Gerchenzon et L. B. Kamenev). La première édition complète est due à S. L. Tchernov, en 1989[25].
  • Ma conversion et ma vocation, par le P. Schouvaloff (1804-1859), Barnabite. La conversion date de 1843. L’ouvrage a connu trois éditions en français (1859, 1864, 1901)[26]. Il fut traduit en 1859 en italien, en 1862 en allemand et en 1877 en anglais. À ma connaissance, il n’y pas de texte russe. Il est composé de trois parties : « Égarement », « Retour » et « Vocation et bonheur ». C’est le texte le plus long de notre corpus (460 pages).
  • Le Journal d’Ivan Gagarine (1814-1882), en français pour l’essentiel, qui va de 1834 à 1842, année de sa profession de foi catholique, a été publié en grande partie en 1883 dans la Revue du monde catholique (15 juin, 1er juillet, 15 juillet, 15 août, 1er septembre). Des extraits ont été publiés en 1996[27], et il a été publié en entier en russe[28]. Gagarine s’adresse à un ami fictif et se compare à un voyageur qui décrit ses pérégrinations : « Je vais simplement vous raconter d’où je suis parti, quelles leçons j’ai reçues, les impressions que j’ai éprouvées, le but auquel je suis arrivé. Que ce récit sans artifice vous indique le chemin qui mène à la vérité [...][29]. » Ce journal n’évoque cependant pas directement sa conversion, qui est par contre relatée dans les mémoires de Stepan Djounkovski mentionnés ci-après, ainsi que dans une lettre de Gagarine à Samarine de 1865 (Simvol, n° 7, 1982, p. 179-189).
  • Les mémoires de Stepan Djounkovski (1820-1870), fils du secrétaire perpétuel de la Société impériale libre d’économie, Russkij, sem’ let iezuit [Un Russe jésuite pendant sept ans], publiés en 1866 dans le quotidien Russkij invalid[30]. Djounkovski se convertit en 1844, devint jésuite en 1845 et retourna à l’orthodoxie en 1866.

Il faudrait aussi consulter les mémoires d’Evgueni Petrovitch Balabine (1815-1892), devenu jésuite en 1855 : Histoire de la conversion d’un Russe à l’Église catholique (archives de la Bibliothèque slave, B 64-8, à Vanves), mais Cimbaeva écrit que « le processus de conversion est resté hors des limites des souvenirs de Balabine[31] ».

On peut ajouter le récit (en français) que Nathalie Rostopchine, fille de la comtesse Rostopchine née Ekaterina Petrovna Protasova (1775-1859), épouse du gouverneur de Moscou qui, par patriotisme, sacrifia sa ville[32], fait de la conversion de sa mère (en 1806 ou 1810). À la différence de sa sœur, Sophie, future comtesse de Ségur, qui se convertit à la suite de sa mère, Nathalie Rostopchine (ép. Narichkine, 1798-1863), resta dans l’Église orthodoxe et considère la conversion de sa mère comme un « triste événement[33] ».

 

On voit se dessiner deux ensembles de textes : des récits de conversion de femmes de l’aristocratie, ayant eu lieu entre 1809-1815, écrits en français, et des récits de conversion d’hommes, datant des années 1840, ayant conduit à l’entrée en religion (Chouvalov, Petcherine, Gagarine, Djounkovski).

Il faut en outre distinguer les confessions au sens strict, qui relatent les circonstances, les raisons et le processus de la conversion (Alexandrine de Dietrichstein, la « dame russe », E. Galitzin, Chouvalov, Petcherine), des réflexions ayant conduit à la conversion (Mme Swetchine, Gagarine).

Le moment de l’écriture est aussi déterminant. La plupart des récits sont écrits après la conversion et veulent servir d’exemple ; mais Petcherine écrit une trentaine d’années après sa conversion, alors qu’il ne croit plus à rien (p. 310), Djounkovski est, quant à lui, revenu dans le giron orthodoxe ; Gagarine commence son journal avant sa conversion, mais s’arrête au seuil de celle-ci.

Nous allons esquisser une typologie des conversions, en examinant les éléments présents dans la plupart des textes : l’éducation reçue, la quête spirituelle, les lectures et les rencontres décisives, les motifs déterminants, les modalités de la conversion elle-même et ses suites.

La genèse de la conversion

Le milieu social, l’éducation reçue

La plupart des récits de conversion ont pour auteur des représentants de l’aristocratie, et même d’illustres familles (Galitzin, Gagarine, Chouvalov). Ils ont reçu une éducation religieuse purement formelle. Leur culture, leur connaissance de l’histoire les force cependant à s’interroger sur les raisons du schisme et sur la religion dominante et officielle. À l’exception d’Alexandrine de Dietrichstein, de la « dame russe » du récit anonyme, d’Elizabeth Galitzin et de Chouvalov pour qui la quête spirituelle est première, pour les autres, l’adhésion au catholicisme est le résultat d’une quête intellectuelle.

Alexandrine de Dietrichstein (1775-1847), sœur du père de Grigori Chouvalov, fille cadette du comte André Pétrovitch Chouvalov et de la comtesse Catherine Petrovna, née Soltycoff, naquit à Saint-Pétersbourg et se maria en 1797 à François, prince de Dietrichstein, catholique, envoyé extraordinaire de la cour de Vienne pour assister au couronnement de Paul Ier. Elle dit (après sa conversion, en 1808), avoir été « élevée dans l’indifférentisme et presque dans l’impiété » (p. 1) : son père était « gâté par les écrits de Voltaire », ses gouverneurs et gouvernantes étaient des protestants qui ne parlaient jamais de religion (p. 4-5) : « Je ne savais que mon Pater et je le récitais sans même le comprendre » (p. 6).

La « dame russe » du récit anonyme est probablement née en 1784 (sa conversion intervient en 1810, à l’âge de 26 ans [p. 21 et 33]), dans une famille noble, sinon aristocrate : « Ma première jeunesse fut, comme mon enfance, toute mondaine et dissipée » (p. 9). Elle indique avoir été « élevée dans la religion grecque, quoique née d’une mère française et catholique » (p. 40), mais elle n’a reçu qu’une instruction religieuse superficielle et formelle : « On m’avait fait lire l’histoire sainte, malheureusement sans chercher à affermir ma foi, sans m’instruire à disposer toutes mes actions d’après cette règle invariable » (p. 8). Comme on le voit (« malheureusement »), l’auteur juge sa vie passée à l’aune de sa nouvelle foi. Il en va de même dans tous les récits écrits après la conversion.

Elizabeth Galitzin est née en 1797 à Saint-Pétersbourg. Son père, Alexis, était le petit-fils de Mikhaïl (1675-1730), qui s’était illustré à Poltava, sa mère était une comtesse Protasov, convertie en 1802.

Mme Swetchine, née Sophie Soïmonov (1782-1859), appartient au milieu aristocratique de la cour impériale : son père était secrétaire de Catherine II. Elle reçut une instruction poussée (français, allemand, anglais, latin, grec, hébreu, peinture, musique). À 16 ans, elle devint demoiselle d’honneur de l’impératrice Marie. Elle fut mariée à 17 ans au général Swetchine, âgé de 42 ans, gouverneur de Saint-Pétersbourg. « Sophie paraît avoir été nourrie des préjugés irréligieux de la cour de Catherine, mais un véritable instinct de piété ne lui permit pas de subir profondément cette pernicieuse influence[34] » : à 19 ans, en 1801, elle connut une crise religieuse qui la jeta « entre les bras de Dieu », mais ce n’est que quatorze ans plus tard, après une longue quête intellectuelle, qu’elle adhère à l’Église catholique.

Fils d’un petit propriétaire campagnard, né en 1807, Vladimir Sergeevitch Petcherine (1807-1885) ne reçut pas d’instruction systématique jusqu’à son entrée à l’université de Saint-Pétersbourg, en 1829, où il manifeste des dons pour la philologie ancienne et donne des cours de latin. En 1833, il est envoyé à l’université de Berlin et passe deux ans en Europe. À son retour, en 1835, il est nommé professeur de grec à l’université de Moscou, mais il n’enseigne que six mois et, en juin 1836, sous le prétexte d’affaires familiales et éditoriales à traiter à Berlin, quitte définitivement la Russie de Nicolas Ier. Son adhésion au catholicisme est lui aussi le résultat d’une longue quête intellectuelle, comme on le verra plus loin.

Le prince Ivan Gagarine (1814-1882) commence par s’éloigner du christianisme de son enfance : « Il n’y a pas d’espoir de trouver la loi morale dans la religion ; essayons de la trouver dans la philosophie », écrit-il en octobre 1834[35]. En Allemagne, où il vit en 1833-1834, il s’habitua « à l’idée d’un Dieu impersonnel, ce qui était tout simplement professer l’athéisme[36] ». Mais il se demande pourquoi la Russie n’a pas cet « air de famille » qu’ont toutes les nations européennes, qu’elles soient protestantes ou catholiques[37]. C’est la résolution de cette question tchaadaevienne qui mène Gagarine au catholicisme.

Grigori Chouvalov, descendant d’illustres dignitaires, mécènes, poètes, civilisateurs, militaires du XVIIIe siècle, neveu d’Alexandrine de Dietrichstein, avait été lui aussi élevé dans l’indifférence religieuse, en Suisse :

Votre parole, ô mon Dieu ! m’était inconnue. Hélas ! je n’avais reçu d’autre instruction religieuse que quelques notions vagues, comme celles que l’on donne d’ordinaire aux jeunes nobles en Russie (p. 10).

Des études de philosophie lui font rejeter « l’idée religieuse en général » au profit de la loi du progrès universel et de la pensée que « le christianisme a fait son temps » (p. 58-60). C’est la souffrance (il perd sa sœur[38], son épouse), avant la raison, qui mène Chouvalov à la foi puis à l’Église catholique.

Il faut noter cependant que bien que n’ayant pas reçu d’éducation chrétienne profonde, la « dame russe », Elizabeth Galitzin, Ivan Gagarine, Grigori Chouvalov appartiennent à des familles dans lesquelles il y avait déjà eu des catholiques – la mère de la « dame russe » et celle d’ Elizabeth Galitzin, des membres plus ou moins proches de la famille pour les autres.

L’aversion pour le catholicisme

Plusieurs converties ont d’abord éprouvé de l’aversion pour le catholicisme : lorsque la mère d’Elizabeth Galitzin s’ouvrit de sa conversion à sa fille, lorsque celle-ci eut quinze ans (en 1812), la future religieuse catholique n’en conçut que du dépit[39] : « je croyais que ma mère avait commis un très grand péché, puisque le gouvernement sévissait avec tant de rigueur contre ceux qui abandonnaient la religion du pays » (p. 3). La famille Galitzin avait déjà connu des conversions, en particulier celle du prince Michel Galitzin, condamné par l’impératrice à remplir le rôle de bouffon, et qui en février 1740 le maria à une « Kamtchadale » dans une maison de glace[40]. Et pour se « dérober entièrement aux séductions des jésuites », la jeune princesse fait le serment par écrit « de ne jamais changer de religion » (p. 14) :

Pendant quatre ans, je répétai tous les jours ce serment en faisant mes prières ; je ne l’omettais jamais. Je me faisais gloire de ma ténacité, et témoignais en toute rencontre de mon aversion pour la religion catholique et surtout pour les Jésuites (p. 14-15).

« Le nom même des Jésuites m’était odieux », écrit Petcherine (p. 243). Chouvalov, même après sa conversion spirituelle, est « encore imbu de préjugés contre le christianisme en général, mais surtout contre l’Église catholique, et particulièrement contre les pères jésuites » (p. 171).

Les signes prophétiques

Le jour de son anniversaire, peu avant son mariage (en 1797) « avec un homme estimable que je n’aimais pas » (p. 12), Alexandrine de Dietrichstein a une vision en rêve : un suaire porté par deux anges vêtus de blanc. « Une voix me dit un mot russe que je ne compris pas » (p. 13) : Elle demande le sens de ce mot (nerukotvorennyj obraz, « non fait de main d’homme », acheiropoiete) à sa mère. Elle va prier devant un saint suaire très vénéré à Saint-Pétersbourg, puis se procure une image de ce suaire, tout en continuant à considérer le Christ comme un « excellent législateur » (p. 22).

La « dame russe » entend une voix intérieure qui lui dit : « Tu te plains de ne pouvoir parler, écris ! » (ta confession pour le prêtre orthodoxe). Elle est persuadée que c’est l’Esprit-Saint qui lui parle, et elle lui obéit (p. 36).

À l’enterrement d’un abbé italien qui lui donnait des leçons, Elizabeth Galitzin entend elle aussi comme une voix intérieure qui lui dit : « Tu hais cette Église [catholique], tu en feras partie toi-même » (p. 16). La haine étant un péché, elle se met à prier pour les Jésuites (p. 17). Cependant la nouvelle de la conversion de sa cousine, Sophie Rostopchine, la future comtesse de Ségur, lui cause une peine extrême (p. 18)[41].

Les lectures décisives

La « dame russe » éprouve tôt une inclination pour les livres de piété : « J’ai toujours goûté les livres de piété, mais alors j’y cherchais l’éloquence plutôt que la morale » (p. 10). Vers 14 ans, un livre intitulé Je veux être heureux lui procure un instant d’extase quasi mystique :

Il éveilla en moi une foule d’idées nouvelles ; je me souviens qu’après l’avoir achevé, je me mis à prier avec beaucoup de ferveur ; j’éprouvais alors ce que je n’ai jamais éprouvé depuis. Je ne saurais le peindre : on eût dit que mon âme allait s’échapper de mon corps pour s’unir à Dieu, mais j’étais heureuse ; cela dura peut-être une minute ou deux (p. 10).

J’ai tâché de retrouver, ici et pour les autres conversions, les références des lectures qui eurent une influence décisive, et qui sont souvent citées de manière très lacunaire. Ce livre, Je veux être heureux, figure au catalogue de la BNF avec quatre éditions entre 1829 (Paris, Société catholique des bons livres) et 1854 (Tours, Mame, « Bibliothèque pieuse des maisons d’éducation »), sous des titres plus ou moins complets : Je veux être heureux. Entretiens familiers [sur la religion], par M. D*** [Antoine-Joseph Durand, curé de Meaux, ou Prieur, curé à Meaux]. Il s’agit donc d’un ouvrage de piété pour adolescents, comme il y en avait beaucoup, et dont l’influence sur la sensibilité d’une époque doit être prise en considération. Il est intéressant de le retrouver en Russie.

La jeune fille se pose des questions métaphysiques :

Tout ce que j’apprends, ne faudra-t-il pas l’oublier un jour ? [...] N’est-il donc pas quelque science qui puisse me servir au-delà du tombeau ? (p. 11).

Est-il possible que nous ayons été créés pour des futilités pareilles à celles qui remplissent notre temps ? Quoi ! Rire, danser, se parer, assister aux spectacles, passer le temps en de vaines conversations, voilà pourquoi Dieu aurait fait des créatures si excellentes, il leur aurait donné une âme immortelle ? (p. 12).

Un ouvrage, intitulé L’Anglais cosmopolite, sème le doute dans son âme : il semble être d’inspiration libertine, au sens du XVIIIe siècle. Il s’agit de L’Anglais cosmopolite, de milord Laugher, traduit et avec des notes critiques par Victor-Donatien Musset-Pathay[42], Paris, an VII. Une deuxième édition parut l’an X, soit en 1802, avec un titre qui l’attribue plus explicitement au père d’Alfred de Musset : L’Anglais cosmopolite, ou Voyage de milord Laugher, par V.-D. Musset-Pathay. La jeune fille, « adoptant cette maxime funeste, trop répandue dans le monde, qu’il est dangereux d’approfondir les matières de religion », partage ses loisirs « entre la dissipation et la manie du bel esprit » :

Je passai les dernières années qui précédèrent ma conversion dans une entière indifférence pour la religion, dont je remplissais néanmoins les pratiques extérieures avec tant d’exactitude, que je passais parmi mes connaissances pour une personne de piété (p. 16).


Enfin, un troisième ouvrage, lu dans une traduction russe, va avoir une influence décisive : Le Comte de Valmont, ou les Égarements de la raison. Là aussi, il s’agit d’un ouvrage de grande diffusion, puisqu’il connut 35 éditions entre 1774, sa date de parution, et 1859, date de la dernière édition. C’est un roman par lettres, qui comprend selon les éditions de 3 à 6 volumes, dont l’auteur, l’abbé Philippe-Louis Gérard, était prédicateur, littérateur et pédagogue (1731-1813). C’est un ouvrage sur lequel vient de paraître une étude universitaire[43]. Entre son père, le marquis de Valmont, qui vit en sage sur ses terres, et le baron de Lausane, séducteur et esprit impie, le comte de Valmont cherche une doctrine qui lui assurera la paix et le bonheur et finit par se convertir au christianisme, sous l’influence de son père. La suite montre Valmont au service du roi ; malgré les intrigues et les cabales, il reste vertueux et convertit même un frère du baron de Lausane qui l’a provoqué en duel. Une quantité d’histoires secondaires enchâssées fait de ce roman un roman d’aventures, mais aussi un roman d’apprentissage, avec de longues dissertations du marquis de Valmont sur l’éducation, les romans, le luxe, les spectacles, etc., et des instructions de son fils à un jeune monarque italien sur l’art de régner[44]. Toute l’habileté de l’abbé Gérard consiste à présenter les idées des Lumières comme étant de nature chrétienne.

[Il défend] une religion accommodée, tout à la fois raisonnable, morale et douce. « Philosophe », honnête homme et homme heureux, le chrétien réunit en lui les qualités d’une humanité accomplie : il en est la quintessence. On peut voir dans cette figure un être chimérique et impossible ; on peut aussi y voir l’idéal de tout un siècle[45].

L’abbé Gérard est aussi l’auteur d’une œuvre autobiographique, Mémoires de ma vie (1810), qui relève du genre du récit de conversion : fils ingrat, débauché, incrédule, le futur abbé revient à la religion par l’étude des différents systèmes philosophiques : une série d’entretiens avec un chanoine de la Sainte-Chapelle le conduit de la loi naturelle à la religion révélée. « Du roman ou des mémoires, quel ouvrage est le plus vrai ? », se demande Nicolas Brucker. « Le premier doit à l’expérience du converti, le second à l’art du romancier : un même “fond de réalité”, pour reprendre les mots de la préface du Comte de Valmont, anime les deux textes[46]. » Le roman a connu plusieurs éditions russes et la « dame russe » lit une traduction qui doit être celle de 1801-1803[47].

Nous retrouvons mention de ce roman chez Mme Swetchine : en 1803, elle recopie des extraits des Égarements de la raison[48], ainsi que des passages de la Solitude de Johann Georg von Zimmermann (1728-1795)[49].

L’apologétique de l’abbé Gérard est de type intellectualiste, elle repose « sur le postulat que la religion se prouve par des raisons, et que par ces raisons on peut amener l’individu à la foi, ou du moins en préparer les voies ». L’entretien entre le marquis et son fils (qui échangent une trentaine de lettres) entend proposer une réfutation des doctrines philosophiques opposées au christianisme : credo ut intellegam.

Vaincu par le tableau final que le marquis lui trace de la religion, Valmont s’avoue enfin persuadé [...] Il a retrouvé la foi de l’enfance, mais « plus éclairée, plus pure, et plus solidement établie ». Être convaincu en esprit n’est toutefois pas suffisant pour se dire chrétien ; la raison doit abdiquer toute autonomie, et la volonté se soumettre à l’autorité de l’Église et de ses ministres, qui la tiennent de Dieu même[50].

Je me suis attardé sur ces lectures, qui n’ont pas retenu l’attention des spécialistes du catholicisme russe, car elles nous donnent des renseignements inédits sur la formation intellectuelle et spirituelle de représentants de la haute société, qui ne lisaient pas que des romans français ou anglais, et sur la diffusion du livre français en Russie[51].

 

La « dame russe » dit avoir voulu lire l’Exposition de la doctrine de l’Église catholique par l’évêque de Meaux [Bossuet], et l’Histoire ecclésiastique de l’abbé Fleury[52] (1640-1723, confesseur de Louis XV, académicien), mais sans réussir à se procurer ces ouvrages (p. 41). Mme Swetchine, par contre, lut cette monumentale Histoire ecclésiastique (20 ou 36 vol.), en s’enfermant pour cela tout l’été 1815 dans la propriété du prince Bariatinski, où elle lut aussi le traité de Fénelon De summi pontificis auctoritate. Elle prend beaucoup de notes sur Fleury (450 pages) et se livre à des réflexions d’histoire religieuse qui constituent l’essentiel de ce que le comte de Falloux a appelé le Journal de la conversion. Cette lecture est décisive : après avoir « médité les paroles de l’Évangile, après avoir examiné les matériaux historiques, après avoir raisonné selon les lois de la logique la plus simple [...] qui pourrait balancer ? » (p. 52).

« Les livres ont eu une influence décisive sur les époques cruciales de ma vie », écrit Petcherine (p. 216), en ajoutant avec l’humour qui caractérise ses mémoires :

Encore si c’étaient de vrais livres, c’est-à-dire de grands volumes in-4° ou in-8°, mais non ! ce sont de misérables brochures d’une centaine de pages qui décidaient de mon destin pour l’éternité. La brochure de Lamennais[53] me fit quitter la Russie et me jeter dans les bras de l’Église républicaine (p. 216).

Dans une lettre à N. Ogarev de mars 1863, Petcherine fait état de lectures plus conséquentes :

J’ai tout lu, je suis passé par tout, j’ai tout essayé. J’ai lu Das Leben Jesu de Strauss du début à la fin, j’ai étudié la Bible en hébreu, avec les commentaires de rationalistes allemands, j’ai lu Michelet, George Sand[54] [...] J’ai été de bonne foi saint-simonien, fouriériste, communiste, et logiquement, sans aucune influence extérieure, je suis arrivé au catholicisme[55].

Il a aussi lu, naturellement, les Soirées de Saint-Pétersbourg de Joseph de Maistre (p. 247). Dans son enfance, Petcherine dit avoir aimé lire des vies de saints et surtout de pères du désert (p. 246).

Gagarine avoue que l’influence de Tchaadaev (du « philosophe de Moscou ») sur lui « a été très grande et presque décisive[56] », bien que Tchaadaev n’ait jamais formellement adhéré au catholicisme : il publia en 1862 un volume d’Œuvres choisies de Tchaadaev (Paris/Leipzig). À Paris, du temps de son travail à l’ambassade, il lit Macaulay, l’histoire d’Innocent III :

Je découvris que les premières idées de constitution anglaise provenaient de Rome, et par curiosité, je me mis à fréquenter les prêches de Ravignan à N-D [Notre-Dame, en français dans le texte]. Voilà ce qui m’inclina au catholicisme[57].

Après la mort de sa femme, en 1841, vécue comme le sacrifice d’un martyr, Chouvalov est « régénéré » (p. 142) et entreprend des études religieuses. Il lit les Confessions de saint Augustin, Bossuet (p. 162). Il est d’abord attiré par le protestantisme (comme Alexandrine de Dietrichstein), qui lui paraît « plus raisonnable, c’est-à-dire exiger moins de foi » (p. 159). Il lit ensuite les Soirées de Saint-Pétersbourg du comte de Maistre, les Pensées de Pascal, l’Imitation de Notre-Seigneur (sic), et « plusieurs ouvrages des saints Pères des quatre premiers siècles. Ce sont ces derniers livres qui m’ont fait le plus de bien » (p. 194).

Djounkovski est attiré à la religion par le testament spirituel de Schelling, les œuvres de Swedenborg[58].

 

Il y a aussi des livres qui sont des contre-exemples :

Le livre du métropolite de Moscou, Philarète, Razgovor meždu ispytujuščim i uverennym o Pravoslavii Vostočnoj Greko-rossijskoj cerkvi [...], Saint-Pétersbourg, 1815[59], est selon Mme Swetchine « essentiellement contraire à la doctrine que l’Église a professée de tous temps, et souvent inexact dans ce qui tient à l’histoire » (p. 26-27).

Alexandre Tourgueniev, après avoir vu le père Gagarine au monastère de Saint-Acheul, écrivait en 1844 : « Ce n’est pas lui qui est coupable en tout, mais nous, c’est-à-dire vous, moi, Philarète, Mouraviev[60] et toute la léthargie de notre orthodoxie[61]. »

Chouvalov lit en compagnie du père Gagarine les livres suivants : le livre du R. P. Rozaven[62] réfutant Stourdza, L’Église catholique justifiée contre les attaques d’un écrivain qui se dit orthodoxe (Lyon/Paris, 1822), La Symbolique de Möhler, et le livre de Mouraviev :

Heureusement pour nous et pour tout lecteur impartial, ce livre a manqué son but ; car il prouve en effet la vérité, tout en voulant défendre l’erreur ; et, c’est après l’avoir étudié avec soin, que nous fûmes presque entièrement convaincus que l’Église qui s’appelle catholique est la seule qui le soit en effet (p. 230).

Les écrits de Philarète contribuent aussi, par leur faiblesse, à la conversion de Gagarine. La comtesse Rostopchine dit que c’est la réfutation du livre de Stourdza par sa mère qui conduisit Elisabeth Galitzin (sa cousine) à la conversion, après son aversion pour le catholicisme (p. 250).

Le rôle des lectures est donc primordial. Nous avons affaire à des personnes en quête de vérité, qui veulent concilier la foi et la raison, asseoir la première sur des bases historiques et spirituelles solides, encore rares en langue russe.

La lecture de la Bible

La lecture de la Bible ne va pas de soi. La sœur d’Alexandrine Dietrichstein lui offre une très belle bible de Lemaistre de Sacy (janséniste), mais elle ne l’ouvre qu’un an plus tard : « Je pris le livre avec dégoût, bien décidée à le jeter dès qu’il m’ennuierait » (p. 23). Mais c’est au contraire un « ravissement » qui s’empare d’elle, et elle lut deux fois de suite les quatre Évangiles : « Depuis ce jour, je n’ai jamais douté un seul instant des vérités du christianisme » (p. 25).

La « dame russe » appréhende de devoir renoncer « aux éclats d’une vie mondaine », ce qui lui fait repousser la lecture de la Bible, dont elle n’a encore lu que des extraits (p. 13). Elle dit fuir les saintes Écritures « dans la crainte d’y rencontrer [son] salut » (p. 17). Elle lit pour la première fois la Bible après avoir été retournée par Le Comte de Valmont et Fénelon : « Je lus enfin l’Évangile pour la première fois : que la vérité me parut belle ! » Il n’est pas dit dans quelle langue est cette bible. La « dame russe » comprend-elle le slavon ? « La langue de mon pays m’est beaucoup moins familière que la langue française » (p. 35). C’est l’histoire de la Samaritaine (Jn, 4), surtout, « qui faisait fondre mon cœur d’amour », dit-elle (p. 28). Quant à l’Ancien Testament, elle craint longtemps de l’ouvrir, car « des catholiques ignorants m’avaient dit que l’Église romaine ne permet pas indifféremment à tout le monde les livres de l’Ancien Testament » (p. 31 et 49).

Balabine, qui éprouve le taedium vitae, proche du suicide, le surmonte par la lecture d’une bible italienne, en latin (Cimbaeva, p. 65).

Chouvalov lit pour la première fois l’Évangile (Jn, 13), que lui apporte le médecin qui soigne sa femme, en 1841, à 37 ans (p. 146) : « Je dois dire qu’après cette lecture je compris le sacrifice de ma femme, et par le sien, celui du Calvaire » (p. 150).

Les rencontres : l’abbé Surugue, les émigrées françaises

Plusieurs conversions ont eu lieu de manière pour ainsi dire familiale, dans des familles où il y avait déjà eu des conversions, parfois restées secrètes (Chouvalov, Gagarin, Galitzin, Rostopchine, etc...)[63]. Mais il est des rencontres qui furent elles aussi décisives.

L’abbé Surugue[64], curé-doyen de l’église Saint-Louis-des-Français de Moscou de 1808 à 1812, a joué un rôle important dans les conversions de dames russes. Non qu’il les ait suscitées, mais il fréquentait le milieu de l’aristocratie russe (il avait d’abord été précepteur chez le prince Moussine-Pouchkine) et son exemple, sa culture (il était docteur en théologie de la Sorbonne) ne pouvaient manquer de disposer en faveur de l’Église qu’il représentait.

La « dame russe » connaît de réputation « l’abbé S... [Surugue] ». Elle lui écrit, en lui faisant parvenir sa lettre par l’entremise du mari d’une de ses amies. Cette lettre, datée du 8 mars 1811, reproduite page 40-45, constitue une confession enchâssée dans le récit de confession : la « dame russe » y rappelle son itinéraire, demande les lumières et la discrétion de l’abbé Surugue, qui lui répond : « Je bénis le ciel de vos heureuses dispositions. Je ne puis en dire davantage ; ma langue et ma main sont liées » (p. 46). En effet, le prosélytisme était interdit à toutes les confessions autres que l’orthodoxie, et les Jésuites, malgré leur prudence, furent expulsés en 1815, accusés d’être à l’origine des conversions qui eurent lieu dans plusieurs grandes familles. La rencontre eut enfin lieu le 15 novembre 1811 (l’abbé est invité par ses parents, car « c’était un homme d’une vertu si reconnue que même les personnes d’une autre religion recherchaient avidement sa société » [p. 55]). Un peu plus tard, la « dame russe » a l’occasion de lui parler en tête-à-tête. L’abbé Surugue lui conseille de tenir secrète sa conversion du vivant de son père, mais elle s’en ouvre à sa mère, qui voit ses vœux secrets comblés (p. 66).

Malgré sa prévention contre le catholicisme, Mme Narychkine, qui rapporte la conversion de sa mère, la comtesse Rostopchine, qualifie l’abbé Zurugues (sic) d’« homme doux et tolérant », qui « ne s’occupait point de propagande » (p. 99), contrairement à ce qu’écrit le comte Dmitri Tolstoy[65].

À Saint-Pétersbourg, c’est le collège jésuite (« pensionnat des nobles ») du P. Gruber, et Joseph de Maistre, qui exercent une influence indirecte[66]. Mme Swetchine fit la connaissance de Joseph de Maistre, de la princesse Alexis Galitzin (Alexandrine Protasov, 1774-1842), l’une des premières converties, du prince Gagarine. Quelle influence eut à son tour Mme Swetchine sur son neveu Ivan Gagarin ? Le comte de Falloux répond : une très grande influence « par son salon, par l’ensemble de sa vie [...] ; par son intervention personnelle, par sa coopération directe, aucune[67] ». En effet, elle incita Gagarine à repousser sa conversion.

Il faut aussi mentionner le rôle des émigrées françaises, et notamment de la princesse de Tarente, qui demeurait chez les Golovine[68] : c’est elle, selon la comtesse Rostopchine, qui « amena la conversion au catholicisme de la plus grande partie de la famille ». Le chevalier d’Augard, qui vivait chez les Galitzin, exerça aussi une influence importante[69].

En 1840, à Liège, Petcherine assiste, par hasard et par curiosité, à une neuvaine pour la commémoration de la canonisation (1839) du fondateur des Rédemptoristes, Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787). Pendant neuf jours, matin et soir, Petcherine écoute un prédicateur, le père Manvuisse, raconter la vie de ce saint, dont l’esprit chevaleresque et fou aux yeux du monde (issu d’une grande famille napolitaine, il quitta tout pour se consacrer à l’évangélisation des campagnes) lui est proche. Au bout de neuf jours, Petcherine écrit à Manvuisse :

« Je suis passé par tous les systèmes philosophiques possibles : j’ai été hégélien, pythagoricien, fouriériste, communiste, etc. ; mais vos prêches m’ont convaincu de la vérité de la foi catholique, et je vous prie de m’instruire et de me conduire sur le droit chemin ! » Je terminai par une phrase entièrement empruntée à Joseph de Maistre, qui se terminait par « Altaria tua, domine virtutum !!![70] ». Les trois points d’exclamation viennent aussi de de Maistre (p. 240).

Petcherine a, selon son expression, « franchi le Rubicon ». Il précise :

Jusqu’alors, je n’avais eu de contacts avec aucun prêtre catholique que ce soit ; au contraire, les catholiques m’évitaient et voyaient en moi avec frayeur et horreur un ami des francs-maçons, des publicains et des pécheurs (p. 240).

« Il me faut des émotions », avoue-t-il encore, la vie monotone l’ennuie, il a le désir de sacrifier sa raison et sa volonté à une loi suprême (p. 241).

Chouvalov nomme « les personnes dont les lumières et la charité ont plus ou moins aidé, ou hâté [s]a conversion » : « Ce sont d’abord des ecclésiastiques : MM. Dupanloup[71], Bautain, Desgenettes et Bossuet ; puis Mme Swetchine, M. Pierre Yermoloff[72] et le pieux et zélé vicomte de Girardin » (p. 245).

Alexandrine de Dietrichstein, qui en 1808-1809 est à Rome avec sa mère, a du mal à trouver un prêtre qui puisse l’instruire et répondre à ses interrogations. Elle est reçue par le pape Pie VII, enfermé au Quirinat après la prise de Rome par les Français[73]. Elle lui fait part de ses craintes : « J’avoue qu’en changeant de religion j’aurais peur de désoler ma mère et d’encourir la colère de mes parents » (p. 56). Le pape lui conseille de ne pas se brouiller avec ses parents, de s’instruire de la religion catholique puis d’abjurer en secret. Mais les évêques recommandés par le pape pour l’instruire ne viennent pas ou manquent de zèle, et c’est finalement Mgr Valle qui la prépare à la communion catholique (et lui demande d’écrire le récit de sa conversion). Elle rédige son abjuration par écrit, et le pape prendra ce texte comme modèle pour « tous les schismatiques qui rentreraient dans le sein de l’Église » (p. 87).

Les facteurs déterminants

Ils sont d’ordre religieux et politique, les deux étant souvent liés.

Le rejet de l’Église officielle

La sœur de la future comtesse de Ségur, Mme Narychkine, expose bien l’une des raisons des conversions de dames de l’aristocratie :

Le profond mépris des dames russes pour la croyance de leurs ancêtres, pour la langue et les usages de leur pays les entraînaient tout naturellement à adopter une croyance qui leur offrait les avantages de se confesser dans la langue française que nous avons substitué [sic] à la nôtre et de bavarder avec des prêtres plus élégants et mieux élevés que ne le sont nos pauvres pasteurs russes[74].

Et encore : « Les dames russes cherchaient des interprètes éclairés de la parole divine, et malheureusement, ces hommes-là n’existaient pas encore parmi le clergé russe[75]. »

La « dame russe » déplore la situation de l’Église orthodoxe :

Je n’avais, hélas ! que trop éprouvé que le soin de l’instruction y était nul, la confession une simple cérémonie, la direction, cette fonction sublime qui consiste à conduire au ciel les âmes rachetées du sang de Jésus-Christ, absolument inconnue[76] (p. 24).

Même tableau plus loin :

L’ignorance où l’on élève les enfants, l’indifférence du clergé sur les matières de religion, sa nullité, son peu de zèle pour propager la foi de l’Évangile, la tolérance aveugle du gouvernement, tout semblait me montrer dans cette Église malheureuse un de ces rameaux retranchés du tronc qui se dessèchent peu à peu et finissent par périr faute de nourriture (p. 74-75).

Mme Swetchine s’exclame : « Ah ! qu’il est cruel de se trouver dans une religion sans appui, dont les ministres sont sans lumières et sans zèle[77] » (p. 16). Elle parle de la « complète et absolue stérilité dont l’Église d’Orient est frappée depuis la séparation » (p. 45). La décision de Mme Swetchine est avant tout d’ordre intellectuel, sa recherche a principalement constitué à rechercher dans Fleury « la trace de l’autorité légitime », et elle dit avoir « écarté le sentiment comme complice de mes trop longues hésitations » (p. 61).

« Elle se fit catholique, non pour devenir chrétienne, mais pour rester chrétienne en sûreté, l’Église de Rome lui semblant le boulevard nécessaire au maintien, à la défense et au développement de sa foi[78].

Loin d’opposer les deux Églises, Mme Swetchine trouve une part de vérité dans chacune d’entre elles :

Je vois clairement aujourd’hui que le centre de l’unité religieuse est Rome ; que la primauté du pape a été universellement reconnue par tous les chrétiens [...] ; mais je vois aussi que jamais l’Église d’Orient n’a attribué au pape le pouvoir immense que les Occidentaux lui laissèrent prendre depuis, et que dans plusieurs points de discipline elle est encore la seule aujourd’hui, qui garde précieusement les institutions antiques (p. 5).

Elle écrit encore :

C’est parce que je suis restée également soumise et exacte dans l’observance des dogmes et des rites grecs que j’ai été conduite à m’assurer de ce qui manquait à l’intégrité de cette Église, et à me donner à celle dont les murs, de structure divine, ne peuvent connaître ni brèche ni lésion[79].

Chouvalov déplore le « triste état de dépendance » du clergé russe, « moins coupable que malheureux » (p. 70) : « Qu’est devenue cette Église grecque si brillante et si sainte ? » (p. 343).

Les raisons politiques

Pour les hommes des années 1840, les raisons de rejeter l’orthodoxie au profit du catholicisme sont en grande partie d’ordre politique.

C’est le libéralisme qui conduit Gagarin au catholicisme, alors que Djounkovski trouve au contraire dans l’Église catholique un modèle d’autocratie auquel il aspire, et que Petcherine y voit la possibilité de réaliser son utopie socialiste de paradis terrestre.

Gagarine quitte la Russie à l’âge de dix-neuf ans « avec un sentiment de répulsion très vif contre l’esclavage ou le servage et en général contre les abus de la force[80] ». Voici ce qu’il raconta à Stepan Djounkovski en 1845 :

Voyant que tous les désirs de jeunesse des plus honnêtes [blagorodnyx] hommes étaient vains, je commençai à me désespérer. La piété de ma sainte mère dirigea mes pensées vers la religion : si ce n’était la noblesse, peut-être le clergé peut-il venir en aide au peuple et lui insuffler tant soit peu d’esprit d’abnégation. Mais qu’ai-je trouvé ? [...] Chez nous, on traite mieux les prêtres polonais, même les pasteurs allemands que nos prêtres, qui d’ailleurs, à mon avis, y sont pour quelque chose. Ce fut le début de mes doutes sur la foi.

Mais en 1865, il avoue : « Si j’avais su en 1840, ce que l’empereur Alexandre II ferait pour la Russie, je ne serais pas passé au catholicisme[81]. »

Dans les années 1870, revenant sur les raisons qui l’on conduit au catholicisme, ou plutôt, comme il le dit « à rechercher un refuge contre les tempêtes sous le toit d’un monastère catholique », Petcherine mentionne la « peur de la Russie », plus précisément « la peur de Nicolas [Ier] » (p. 260) : « J’ai fui la Russie comme on fuit une ville pestiférée. »

La collusion Église-État est aussi rejetée par Mme Swetchine qui écrit : « Plus une religion est nationale, moins elle est vraie[82]. » Chouvalov rêve aussi d’une Église indépendante.

L’adhésion au catholicisme de Mme Swetchine, de Petcherine, de Gagarine, de Djounkovski est réfléchie, argumentée, soutenue par de nombreuses lectures (et ils se feront à leur tour apologètes), tandis que pour Alexandrine de Dietrichstein, la « dame russe », Elizabeth Galitzin, Chouvalov, il s’agit avant tout de conversion religieuse, le catholicisme répondant simplement mieux aux besoins spirituels d’une élite cultivée et gallomane.

La conversion elle-même. L’abjuration

Il faut distinguer la conversion au christianisme en général de l’adhésion à l’Église catholique (« abjuration »), qui intervient souvent plusieurs années plus tard.

La conversion n’est jamais une démarche facile. La « dame russe » fait souvent état de ses doutes. C’est le roman de l’abbé Gérard, Le Comte de Valmont, qui provoque sa conversion, à 26 ans, à l’automne 1810 (p. 21 et 33) :

Je ne saurais dire quand et comment cette conversion s’opéra ; il a plu au Seigneur d’en envelopper l’instant précis d’un voile épais : tout ce que je me rappelle, c’est qu’avant d’avoir atteint la moitié de l’ouvrage, mes yeux étaient ouverts[83] ; j’avais reconnu la grandeur de mes offenses envers Dieu, et la vanité de tout ce qui m’avait séduite jusque-là (p. 18).

Le retour à Dieu n’est cependant qu’une première étape. La seconde est le choix de l’Église :

[La lecture du Comte de Valmont] avait éveillé en moi une autre crainte, celle de n’être pas dans le sein de la véritable Église, hors laquelle je venais d’apprendre qu’il n’est point de salut. Comment m’en assurer ? Je relus ce que l’auteur dit au sujet de l’Église romaine, et mes appréhensions redoublèrent (p. 23).

C’est la lecture des œuvres spirituelles de Fénelon qui confirmèrent la « dame russe » « dans la persuasion que l’Église romaine est la seule véritable » (p. 23) :

Quand je contemplais le beau spectacle que m’offrait l’Église catholique, la nécessité d’un chef, le zèle de ses missionnaires, les ordres religieux naissant dans différents siècles, le bien qu’ils avaient opéré, ces prodiges de charité inconnus dans toute autre religion [...], je me disais : – À de tels caractères, peut-on méconnaître la véritable épouse toujours féconde, parce qu’elle est toujours et uniquement chérie de l’époux[84] ? (p. 24).

L’abbé Surugue invite sa néophyte à rédiger sa « confession depuis le temps où ma raison avait commencé de se développer jusqu’au jour où nous étions » (p. 70). Elle rédige en plus une liste des motifs (en sept points) qui l’ont déterminée à embrasser la religion catholique : l’Église doit avoir un chef, elle doit être une, l’Église catholique est la seule Église missionnaire, l’Église grecque connaît un relâchement de la discipline, le culte de la Sainte Vierge et des saints, y semble, « parmi les simples fidèles surtout, dégénérer en une espèce d’idolâtrie » (p. 75). Bref, dominent des raisons religieuses, qui tiennent moins aux dogmes (elle est convaincue que « la doctrine des Églises grecque et latine est la même », [p. 79]) qu’à la pratique et aux insuffisances du clergé et de la prédication de l’Église orthodoxe. L’abbé Surugue lui prête un manuscrit écrit de sa main dans lequel étaient recueillis divers exposés de la séparation des Églises, et notamment « les sentiments des Pères d’Orient et d’Occident sur les différents points qui séparent les Églises », en particulier la procession du Saint-Esprit (p. 78-79), manuscrit auquel la « dame russe » répond par une longue lettre : ses doutes sont dissipés, mais elle pose encore quelques questions : « Est-il permis de prier pour le repos de l’âme de ceux qui sont morts dans l’erreur, et les prières peuvent-elles être efficaces ? » (p. 88) ; « Dans quel esprit dois-je assister à l’office divin dans les églises grecques, puisque ma position m’oblige à garder là-dessus quelque ménagement ? » (p. 88). Après une confession détaillée, et la confession des quatre articles qui séparent l’Église grecque de l’Église latine[85], elle reçoit l’absolution :

Le lendemain, 25 mars 1812, jour de l’Annonciation [...] à huit heures du matin, avant la première messe et tandis que l’église était encore déserte, je communiai de la main du curé[86] (p. 94).

Mme Swetchine commence par défendre l’Église orthodoxe :

Tant qu’il n’est pas démontré qu’elle [l’Église orthodoxe] soit dans l’erreur, qu’elle ne croit plus aujourd’hui tout ce qu’elle a cru jadis, la quitter dans la faiblesse et l’abandon où elle se trouve serait une lâcheté (p. 12).

Elle se trouve face à un choix cornélien :

Ah ! qu’il est cruel [...] d’être alternativement partagé entre celle [religion] où l’on aurait voulu naître et celle où l’on craint de mourir, quoiqu’on désire y vivre ! Comment se peut-il qu’à la fois, on tienne invinciblement à sa communion, tout en étant plus irrésistiblement encore entraîné vers une autre ? (p. 16).

« J’aime ardemment mon Église, et je suis puissamment entraînée vers une autre » (p. 53). « Si l’Église grecque est moins féconde en talents, en piété et en vertu, elle n’a pas mis au jour tant d’abus qui déshonorent l’Église romaine » (p. 20). Mme Swetchine finit cependant par pencher du côté de l’Église catholique : « On est beaucoup plus près de la vérité, aujourd’hui, en se faisant catholique, qu’en restant attaché à la religion grecque, telle que le protestantisme et le mysticisme nous l’ont faite[87] » (p. 52).

Mme Swetchine abjure le 27 octobre (8 novembre) 1815 (p. 63), après une dernière communion (le 29 juillet) dans l’Église grecque, « faite dans le but unique de voir dissiper les très légers doutes qui m’arrêtaient encore » (p. 63). La « dame russe » évoque aussi sa dernière communion comme un « jour terrible » (p. 36).

Elizabeth Galitzin, fortement opposée à l’Église catholique et aux Jésuites depuis que sa mère lui avait révélé sa propre conversion, connut son fiat lux (p. 22) dans la nuit du 15 au 16 octobre 1815 à la suite de l’annonce par sa cousine, Sophie Rostopchine, de sa conversion, et de la lecture d’un écrit de la mère de celle-ci sur le schisme, qui confirme ses propres raisons : « C’est notre orgueil, m’écriai-je, qui nous empêche de reconnaître la suprématie du pape [...] Dès lors je ne balançai pas et j’allai déclarer à ma mère que j’étais décidée à me faire catholique. Je la priai d’envoyer chercher le P. Rozaven[88], qui vint dans la même matinée » (p. 20-21).

Schouvaloff se compare à un paralytique guéri : « Ah ! j’étais tout à la fois aveugle et paralytique, mon âme était couverte d’ulcères... et vous avez paru, et vous m’avez ouvert les yeux, et vous m’avez promis le bonheur éternel si je le voulais ! » (p. 3). Cependant, à mesure que l’« instant de ma délivrance », « grand jour » (celui de l’abjuration, le 6 janvier 1843, jour de la vocation des gentils) approche, Chouvalov sent se refroidir le feu de l’enthousiasme : « Ma nature se révoltait à l’idée du joug sous lequel elle allait se courber » (p. 247) ; « Bientôt, je sentis dans mon cœur un froid glacial et désolant, je me trouvai sec et aride » (p. 248). Sa communion a lieu en présence du P. de Ravignan, de Mme Swetchine, de Théodore Galitzin[89] (p. 250).

Petcherine a plusieurs entretiens avec le père Manvuisse, le conférencier rédemptoriste, mais il n’a pas besoin d’être convaincu : « j’étais prêt à tout » (p. 242). Le père lui donne à lire Les Conférences du cardinal de La Luzerne, un gallican modéré[90] : « c’était l’habituelle phraséologie française, spécialement appropriée pour esquiver la vérité à l’abri de phrases boursouflées », écrit Petcherine plus de trente ans après (p. 243). Il achète un livre de prières, La Journée du chrétien[91], mais a honte d’avouer à son valet de chambre qu’il l’a acheté pour lui (p. 242) : c’est sa dernière concession à l’opinion publique. La cérémonie d’accueil dans l’Église catholique est décrite avec la même ironie :

Agenouillé devant l’autel sur un prie-Dieu avec un coussin rouge, vêtu d’un frac bleu élimé, avec une barbe et des cheveux longs, je lus un Credo [kakoj-to simvol very]. Le père Manvuisse, assis près de l’autel, fit une courte allocution dans laquelle il me comparait à saint Augustin (p. 243 ; les mots en italique sont en français dans le texte).

Gagarin, dont la quête intellectuelle et spirituelle a duré dix ans, a pour directeur spirituel le père de Ravignan, auquel il se confesse presque quotidiennement ; il fait sa profession de foi catholique le 19 avril 1842 dans la chapelle de Mme Swetchine, en présence du P. de Ravignan, entre au noviciat des Jésuites en 1843 et est ordonné prêtre en 1849.

La princesse de Dietrichstein se convertit sous l’influence de Pie VII, très populaire pour avoir été emprisonné par Napoléon. Sa mère se convertira ensuite.

Les conséquences

Une douceur ineffable

La « dame russe » garde sa conversion secrète, elle n’a personne à qui se confier, mais ressent une grande félicité à éprouver « cette vie nouvelle de l’Esprit-Saint naissant en nous » : « il faut savoir quelle douceur ineffable une âme pénitente, au milieu de ses plus cruels tourments, éprouve à revenir au Seigneur » (p. 22). Son retournement étonne son entourage, mais « personne ne pouvait pénétrer la véritable cause de cette tristesse, de cet amour de la solitude et du silence, qui avaient succédé à la plus folle gaîté, au goût des plaisirs et au désir de plaire » (p. 27 ; je souligne).

Mme Swetchine écrit :

La conversion que vient de subir mon esprit met aux prises mes répugnances naturelles avec des démonstrations invincibles ; elle compromet mon existence, afflige mon orgueil, inquiète mon cœur par toutes les désertions dont elle le menace, et cependant une douceur inconnue, immense, pleine de charme et de suavité, domine toutes mes impressions (p. 60 ; je souligne).

Même état de grâce pour Elizabeth Galitzin :

Dès ce moment, mon bonheur commença. Je trouvai une tranquillité et une paix que je n’avais jamais connues. J’eus beaucoup à souffrir de toutes manières, de toutes sortes de personnes, mais l’onction de la grâce m’a tout adouci et, au milieu des peines les plus cruelles, je sentais une joie intérieure que rien ne peut égaler (p. 22 ; je souligne).

Une vocation de religieuse naît dans son âme. Elle va aux bals et aux spectacles revêtue d’un cilice[92], s’abstenant de regarder et d’écouter (p. 48). Après l’expulsion du P. Rozaven, elle a pour confesseur un dominicain, le P. Iouzewicz, qui « m’en permettait toujours moins que je n’en demandais » (p. 48). Elle lit tous les jours, pendant onze ans La Perfection chrétienne de Rodriguez[93]. Le P. Rozaven, depuis Rome, et sa mère, la retiennent d’entrer dans les ordres pendant huit ans, jusqu’à ce qu’elle ait atteint l’âge de trente ans (p. 49). Onze ans après sa conversion, le P. Rozaven choisit pour elle la congrégation du Sacré-Cœur. C’est à Metz, le 27 décembre 1826, qu’elle prit l’habit religieux, et à Rome qu’elle prononça ses vœux définitifs, le 2 février 1832, le P. Rozaven présidant la cérémonie (p. 177). Elle sera nommée secrétaire générale de l’ordre en 1834, chargée de la visite des maisons d’Amérique en 1839, où elle mourut en 1843[94].

Chouvalov, au contraire, après sa communion dans l’Église catholique, rentre chez lui dans un état d’insensibilité (p. 252). C’est la soudaine guérison de sa fille qui fait renaître sa foi : « ma foi jusqu’alors nue et sèche, était maintenant accompagnée de douceurs ineffables » (p. 253) :

Quel est ce jour nouveau qui brille dans mon âme ?

Ce soleil qui se lève et rayonne en mon cœur ?

Il m’échauffe, il m’éclaire, et sa vivante flamme

M’inonde de bonheur[95].

Nathalie Rostopchine porte un jugement sévère sur les converties (qu’elle estime à « deux ou trois cents brebis au plus, plus cinq moutons [en 1812] » : mauvaises mères, détestables citoyennes, manquant de charité envers leurs paysans qu’elles vendirent, dissipant leur fortune en dotations aux églises, etc. (p. 266)[96]. Selon sa fille, la comtesse Rostopchine prit le monde en horreur, et « de toutes les nouvelles converties, fut certainement la plus rigide et la plus intolérante » (p. 100).

Les sanctions gouvernementales

En 1845, l’article 195 du Code pénal prévoit pour les apostats (passage de l’orthodoxie à une autre religion chrétienne) la privation de tous les droits civils et la déportation en Sibérie, ou les verges et deux ans de maison d’arrêt[97]. Gagarine revint en Russie en juin 1842 en cachant sa conversion à tous ses amis (sauf à Samarine). Une fois sa conversion connue, il est déchu de ses titres, de tous ses droits civils, interdit de retour en Russie. Dmitri Galitzin est aussi privé de son héritage (voir note 94). En 1837, une instruction fut ouverte contre Petcherine, qui avait émigré, et en 1848 un arrêt du Sénat le priva de sa citoyenneté russe et de tous ses biens[98]. C’est une lettre de l’ambassade russe qui lui annonce qu’il est déchu de sa nationalité russe pour avoir embrassé le catholicisme (p. 264)[99].

Les femmes échappaient à ces rigueurs (Mme Swetchine fit un aller-retour en Russie en 1834), mais les « jeunes filles qui renonçaient si légèrement à leur religion devaient abandonner tout espoir d’établissement dans leur pays et rompre les liens de famille. Aucun Russe n’eût consenti à épouser une convertie[100] ».

Accusés de trahir leur pays, les convertis sont en fait d’ardents patriotes. En 1831, Mme Swetchine prend parti pour la Russie et considère la révolution de Pologne comme « une ingrate et imprudente effervescence » (Lettres…, t. 1, p. 274). Chouvalov, qui dédie sa confession « À mes chers compatriotes », demande : « Pourquoi donc nous empêcher de consacrer nos travaux et nos jours à notre patrie ? Sommes-nous ses ennemis ? Non, nous voulons son bonheur avant tout [...] » (p. 277) ; « Faites, ô mon Dieu, que tous ceux qui me liront, se persuadent que l’on peut être catholique et Russe en même temps, catholique et fidèle sujet du prince éclairé et magnanime qui nous gouverne » (p. xxxv).

Dès 1850, Petcherine partage une vision messianique de la Russie :

Les Russes sont appelés à achever l’œuvre des barbares, à détruire les derniers restes de l’Empire romain qui languissent encore dans l’Europe occidentale. [...] Il y aura un grand Empereur russe, je le vois, il s’achemine vers Rome, il est aux pieds du Souverain Pontife, il lui fait hommage de sa couronne, de son Empire, il fait de la Russie un fief du Saint-Siège. Alors le grand mur de la séparation tombe, les révolutions sont vaincues à jamais, le monde est catholique. Haec spes est reposita in sinu meo. J’y crois[101].

Après 1861, la Russie redevient la patrie du cœur de Petcherine (p. 311)[102]. Chouvalov s’enthousiasme pour le mouvement mazzinien, y voyant « le signal du réveil et de la liberté en Russie[103] ».

Après la conversion

Nous ne savons pas ce qu’est devenue la « dame russe ».

Le salon de Mme Swetchine, rue Saint-Dominique, fréquenté par Bonald, Cuvier, Tocqueville, Lacordaire et Montalembert (qu’elle retint dans le sein de l’Église romaine, après la défection de Lamennais, Lacordaire faisant à sa mort son éloge funèbre) devint le centre de l’ultramontanisme[104]. Mme Swetchine écrit des traités apologétiques (De la vérité du christianisme), spirituels (De la piété dans le christianisme, De la résignation, De la vieillesse), des méditations et des prières qui seront édités après sa mort par le comte de Falloux[105] et susciteront un article malveillant d’Eugénie Tour (Salias de Tournemire, 1815-1892) dans le Messager russe d’avril 1860, accompagné d’une note de l’éditeur, M. Katkov, qui prenait quelques distances avec l’auteur, mais qui n’en publia pas moins un peu plus tard une réponse où Tour justifiait ses accusations sur l’insignifiance de la pensée de Mme Swetchine : « La patrie n’a rien perdu en la [Mme Swetchine] perdant, elle n’était pas fille de la terre russe[106]. »

La conversion de Petcherine est rendue publique par les Rédemptoristes. Il lui reste à changer de mode de vie : « J’avais un désir passionné de m’éloigner du monde. Le père Manvuisse était toutefois totalement impartial et ne réclamait nullement sa paroisse. » Il lui propose de le recommander aux Jésuites :

« Vous aimez les sciences : voici un ordre savant, celui des Jésuites. Si vous voulez, je vous donne une lettre pour leur provincial ?

– Non ! non ! m’écriai-je. »

Le nom même des Jésuites m’était odieux, et puis il me vint à l’esprit que dès qu’on apprendrait en Russie que je me suis fait jésuite, ce serait la honte et le déshonneur ! (p. 243-244).

Au bout de quelques jours, Petcherine revient voir le père Manvuisse avec ce billet :

« Je désirerais vivre dans la solitude la plus complète, tout en ayant la possibilité d’en sortir de temps en temps pour visiter des malades et des malheureux et les aider en paroles et en actes. »

C’était presque entièrement pris à Spiridion de George Sand (p. 244).

Le P. Manvuisse lui propose alors l’ordre des Rédemptoristes, dans lequel il est admis. Après s’être rasé la barbe puis les moustaches, il part d’abord au noviciat de Saint-Trond. Une petite cellule propre et austère le comble de joie : « Une fois seul, je fus envahi par un sentiment de calme d’une indicible béatitude » (p. 248). Au bout d’un an de noviciat (1840-1841), dont il ne dit que du bien, et qui semble la réalisation des idéaux saint-simoniens (« à chacun selon ses besoins »), il est transféré dans la maison d’études de l’ordre, en Allemagne, et devient professeur d’histoire, de grec et de latin ; en 1843, il est ordonné prêtre, devient professeur d’éloquence et brillant prédicateur et est envoyé en Angleterre (fin 1844).

Petcherine devint un prédicateur renommé, principalement en Angleterre, où il rencontra Herzen en 1853[107], mais au bout de vingt ans, en 1861, après un séjour à Rome où les intrigues et l’esprit d’ambition le heurtèrent (p. 294 et 306)[108], il démissionna de son ordre qu’il trouvait trop peu retranché du monde. Il aurait voulu être chartreux (voir p. 302), mais y renonce en voyant l’entreprise commerciale de la Grande-Chartreuse (p. 304 et 306), et passe les 23 dernières années de sa vie comme aumônier dans un hôpital de Dublin. Il fait une violente critique du catholicisme et du clergé catholique, mais reste dans l’Église, menant par ailleurs une intense activité intellectuelle (étude de l’arabe, du persan, du sanscrit, du darwinisme, de la chimie, biologie, botanique, etc.). Il meurt en 1885 et est enterré à Dublin.

Par ses écrits, par la revue Études, qu’il fonde en 1856, Gagarine va œuvrer à la réconciliation des Églises (La Russie sera-t-elle catholique ?[109]) : la source de tous les maux de la Russie est le byzantinisme, la soumission de l’Église à l’État, et seul le catholicisme peut sauver la Russie de la révolution.

Chouvalov entre dans l’ordre des Barnabites[110] en 1855, puis est ordonné prêtre en 1857 à Milan. Son fils Piotr Grigorievitch (1827-1882), membre du conseil du ministère de l’Intérieur, meurt catholique ; sa fille, Elena Grigorievna (morte en 1885), est une convertie qui repasse à l’orthodoxie et écrit en français le récit de l’apostasie de son père[111]. C’est par la conversion de Chouvalov que Mgr Baunard, recteur des facultés catholiques de Lille, inaugurera une série de conférences sur « Les plus illustres convertis de ce siècle[112] ».

Djounkovski aussi, après cinq ans d’études chez les Jésuites (dont il quitte l’ordre en 1853), s’engage dans l’œuvre de réconciliation des Églises, au sein de la Société orientale pour l’union des Églises. Missionnaire très populaire parmi les chiffonniers de Paris, il part ensuite pour sept ans dans le Grand Nord évangéliser les Esquimaux. Il se marie à une Anglaise selon le rite anglican puis divorce[113].

Le style

Le style des récits de conversion proprement dits (Alexandrine de Dietrichstein, la « dame russe », E. Galitzin, Chouvalov) est très émotionnel, exclamatif, avec beaucoup d’invocations à Dieu et de formules de reconnaissance :

Grand Dieu, quand je considère votre bonté, j’en suis émerveillée ! Qu’aviez-vous besoin d’une créature doublement née dans le péché, corrompue elle-même, élevée dans le schisme et l’ignorance de votre sainte loi[114] !

Ces converti(e)s ont-ils lu les Confessions de saint Agustin ? Les ouvrages de spiritualité mentionnés plus haut suffisent peut-être à expliquer ce style caractéristique des confessions.

Un passage du catholicisme à l’orthodoxie : W. Guettée

Y a-t-il des conversions inverses (du catholicisme à l’orthodoxie) ? : un seul exemple a fait quelque bruit, celui de l’abbé Guettée, passé à l’orthodoxie, éditeur de l’Union chrétienne, avec le curé de l’Église russe de Paris, J. Wassilieff (qui envoie ses filles au catéchisme de Saint-Philippe du Roule, dont le vicaire était l’abbé Fredro, fils de la comtesse Prascovie Golovine)[115], auteur de plusieurs ouvrages polémiques[116]. La conversion de Guettée aurait été une réaction contre les ultramontains. Le prince Galitzin rapporte : « Ce qui l’a engagé à changer de religion, c’est l’exagération des ultramontains. Cet aveu est bon. S’il cherche une Église où il n’y ait pas d’imbéciles, sa vie pourra ressembler à celle du Juif errant[117]. »

Conclusion

Les récits de conversion de Russes au catholicisme forment un ensemble de textes où apparaissent, comme dans les vies de saints, des motifs invariants et des éléments liés à l’histoire et à la personnalité de chaque auteur. Par rapport au classement des conversions par Danièle Hervieu-Léger en trois groupes – le changement de religion, la conversion lors de laquelle un individu « sans religion » se convertit, et la conversion qui constitue une « redécouverte » de sa propre identité religieuse antérieure –, la conversion des Russes au catholicisme ne s’inscrit entièrement dans aucune de ces catégories : on ne saurait parler de « changement de religion », ni de conversion de l’athéisme à la foi, mais d’adhésion à une Église (catholique) qui semble plus universelle et plus indépendante du pouvoir temporel. Cette adhésion a été nourrie par des lectures importantes.

Enfin, ces textes viennent enrichir notre connaissance tant de la littérature russe en français[118] que des « autodocuments », en particulier féminins, de la première moitié du XIXe siècle[119]. Que ces converti(e)s aient eu recours à l’autobiographie pour rendre compte de leur cheminement et de leur choix confirme la thèse de Georges Gusdorf selon laquelle l’autobiographie est en grande partie le fruit de la culture chrétienne, de l’examen de conscience, de l’introspection[120]. Le recours au français, quand il n’est pas dû à une connaissance insuffisante du russe, s’inscrit aussi dans une tradition occidentale d’instrospection et d’examen de conscience, nourrie par la lecture d’ouvrages spirituels (abbé Gérard, Fénelon, Imitation de Jésus-Christ, etc.). Les conversions au catholicisme représentent un phénomène significatif, quoique limité, de l’histoire des idées et de la spiritualité en Russie, qui se renouvellera au début du XXe siècle dans le milieu symboliste (Ellis [Lev Kobylinsko, 1879-1947, à Locarno, devenu jésuite], Viatcheslav Ivanov [1866-1949, à Rome], Sergueï Soloviev [1885-1942, neveu du philosophe], etc.)[121].

Annexe : tableau des récits de conversion au catholicisme

Cliquer ici pour lire le tableau.

 


[1] Voir : G. Bastide, La Conversion spirituelle, Paris, PUF, 1956 ; M. Spindler (dir.), L’Accueil et le refus du christianisme : historiographie de la conversion, Lyon, université Jean-Moulin - Lyon III, 1986 ; D. Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, 1999 ; E. Godo (dir.), La Conversion religieuse, Paris, Imago, 2000 ; M. Zink, Poésie et conversion au Moyen Âge, Paris, PUF, 2003.

[2] Voir : C. Viollet et E. Gretchanaia (dir.), Avtobiografičeskaja praktika v Rossii i vo Francii / Pratiques autobiographiques en Russie et en France, Moscou, IMLI RAN, 2006 ; I. Savkina, Razgovory s zerkalom i zazerkal’em. Avtodokumental’nye ženskie teksty v russkoj literature pervoj polovine XIX veka [Conversations avec le miroir et l’au-delà du miroir. Textes féminins autodocumentaires dans la littérature russe de la première moitié du XIXe siècle], Moscou, NLO, 2007 ; E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal... Diaristes russes francophones, 1780-1854, Paris, CNRS Éditions, 2008.

[3] Voir : N.-J. Chaline et J.-D. Durand (dir.), La Conversion aux XIXe et XXe siècles, Arras, Presses universitaires d’Artois, 1996 ; D. Stumpte, Du chaos vers une certitude : la conversion romantique, ou la quête de la totalité objective, thèse, université Paris 3, 1998 [sur les romantiques allemands] ; F. Gugelot, La Conversion des intellectuels au catholicisme en France, 1885-1935, Paris, CNRS Éditions, 1998. Les conversions au catholicisme à l’« âge d’argent » n’ont pas, à ma connaissance, fait l’objet d’études spéciales.

[4] Saint-Pétersbourg, Izd-vo S.-Peterburgskogo universiteta, 2007. L’ouvrage de I. L. Gondal, Le Catholicisme en Russie, Paris, Bloud et Cie, 1903, traite essentiellement de la situation des catholiques de Pologne.

[5] Moscou, Èditorial URSS, 1999.

[6] Cette liste s’inspire d’une liste annotée et complétée à la main par les pères Gagarine et Pierling, qui figure dans Conversion d’une dame russe à la foi catholique racontée par elle-même et publiée par le P. Gagarine, Paris, Douniol, 1862, p. 183-190.

[7Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XXIX, n° 3-4, 1988, p. 361-374.

[8Ibid., p. 371. C’est aussi la raison, apparemment (il n’a pas laissé de récit de conversion), de la conversion de Piotr Kozlovski, futur informateur de Custine, au début des années 1810 : voir V. Miltchina et A. Ospovat, « Piotr Kozlovski », dans Histoire de la littérature russe. Le XIXe siècle, Paris, Fayard, 1996, p. 235-244, et bibliographie p. 1204-1205.

[9Revue des études slaves, vol. LXVII, n° 2-3, 1995, p. 311-336.

[10Ibid., p. 335.

[11] E. P. Grečanaja, Literaturnoe vzaimovosprijatie Rossii i Franci v religioznom kontekste èpoxi (1797-1825) [La perception réciproque de la Russie et de la France dans le contexte religieux de l’époque, 1797-1825], Moscou, IMLI RAN, 2002, p. 47-84 ; E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal..., op. cit.

[12] Voir bibliographie dans le dernier ouvrage paru sur Pečerin : N. M. Pervuxina-Kamyniškova, V. S. Pečerin: Emigrant na vse vremena, Moscou, Jazyki slavjanskoj kul’tury, 2006.

[13Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, publiées par le comte de Falloux, 2 vol., Paris, Perrin, 1894 ; E. Naville, Mme Swetchine. Esquisse d’une étude biographique, Genève, 1863. Ernest Naville (1816-1909) a été professeur d’histoire de la philosophie puis de théologie (protestante) à la faculté des Lettres de Genève ; M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine. D’après de nombreux documents nouveaux, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1929 (réédition chez Desclée de Brouwer en 1953).

[14] C. Giot, I. S. Gagarine, premier jésuite russe et artisan de l’union des Églises.

[15] M.-J. Rouët de Journel S. J., Le Prince Gagarine, Bruxelles, 1929 ; R. Marichal, « Ivan Sergeevič Gagarin, fondateur de la Bibliothèque slave », colloque « Les premières rencontres de l’Institut européen Est-Ouest », Lyon, ENS-LSH, 2-4 décembre 2004, consultable sur : http://russie-europe.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=57 (consulté le 28 janvier 2010).

[16] Bibliographie dans E. N. Cimbaeva, Russkij katolicizm, op. cit., p. 168-169. Voir I. K. Adrianov, Russkie katoliki, ix bogoslosvkie sočinenija (Opyt ocenki) [Les Catholiques russes, leurs ouvrages de théologie (Essai d’évaluation)], Kursovoe sočinenie, Saint-Pétersbourg, Sankt-Peterburgskaja Pravoslavnaja Duxovnaja Akademija, 1994 [non consulté].

[17] Nous conservons les différentes graphies françaises des noms propres utilisées dans les textes de l’époque (Gagarin, Gagarine ; Galitzin, Galitzyn, Golitzyne ; Schouvaloff, Schouwaloff ; etc.).

[18] L’idée principale est que « le catholique qui passe dans une secte apostasie véritablement, parce qu’il change de croyance et qu’il nie aujourd’hui ce qu’il croyait hier ; mais que le sectaire [i. e. le protestant ou l’orthodoxe] qui passe dans l’Église n’abdique au contraire aucun dogme, il ne nie rien de ce qu’il croyait ; il croit au contraire ce qu’il niait » (p. 105).

[19] Des extraits de son journal se trouvent à la Bibliothèque slave (coll. Gagarine, boîte XII, non consulté) : voir D. Schafly, « De Joseph de Maistre à la “Bibliothèque rose” : le catholicisme chez les Rostopchine », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XI, n° 1, 1970, p. 97.

[20] Voir Notice sur Mme Elisabeth Galitzin, religieuse du Sacré-Cœur, 1795 [sic]-1843, Tours, 1858 (on trouve la même notice dans Mélanges extraits des Études de théologie, de philosophie et d’histoire, Paris, t. 2, 1857). La notice semble due au prince Augustin Galitzin.

[21] K. Dmitrieva, « Les conversions au catholicisme en Russie au XIXe siècle », art. cité, p. 311.

[22] Mme Swetchine. Journal de sa conversion. Méditations et prières publiées par le Cte de Falloux, Paris, A. Vaton, 1863. On trouve aussi ce journal dans Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, publiées par le comte de Falloux, op. cit., t. 1, p. 111-159. Le comte de Falloux a modifié l’ordre du manuscrit, apporté des corrections de style, introduit des réflexions trouvées dans d’autres papiers (voir M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine, op. cit., p. 123).

[23Vie d’une religieuse du Sacré-Cœur, 1795-1843 par le prince Augustin Galitzin, Paris, Léon Techenier, 1869, p. 3-52 pour la vie proprement dite.

[24] Son camarade d’université, F. V. Čižov, lui écrit en 1870 : « Je n’arrive pas à comprendre comment le catholicisme a pu t’entortiller. J’aimerais connaître ton chemin et le mouvement intérieur de ta transformation » (édition citée en note 25, p. 385). Pečerin n’a pas donné de titre à ses mémoires, mais dit lui-même qu’elles étaient « une sorte de testament spirituel, Apologia pro vita mea, ma défense devant la Russie, surtout devant la jeune génération » (ibid., p. 234-235). Mémoires d’outre-tombe est le titre d’un fragment (ibid., p. 168).

[25] Dans I. A. Fedosova (dir.), Russkoe obščestvo 30-x godov XIX v. Ljudi i idei. Memuary sovremennikov [La société russe des années 30 du XIXe siècle. Hommes et idées. Mémoires de contemporains], Moscou, Izd-vo Moskovskogo universiteta, 1989, p. 148-311. L’histoire de la conversion commence p. 236. Par la suite, les références de pages données directement dans le texte concernent cette édition. Disponible aussi sur : http://az.lib.ru/p/pecherin_w_s/text_0020.shtml (consulté le 28 janvier 2010).

[26] Paris, Charles Douniol, 1859 et 1864, Paris, Téqui, 1901. La BNF possède les trois éditions (sous le nom de Chouvalov au catalogue). Nous citerons la troisième édition. Des extraits « à l’usage de la jeunesse » ont été publiés en 1895 chez Desclée de Brouwer (Avant et après. Souvenirs intimes).

[27] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, 1814-1882, préface de F. Rouleau, Paris, Beauchesne, 1996, p. 21-51. Paul Pierling (1840-1922), né à Saint-Pétersbourg dans une famille russe d’origine allemande, fut reçu jésuite en 1856.

[28] I. Gagarin, Dnevnik. Zapiski o moej žizni. Perepiska [Journal. Notes sur ma vie. Correspondance] (traduction et édition de R. Tempest), Moscou, Jazyki russkoj kul’tury, 1996 (première publication dans Simvol, n° 34, 1995, p. 227-355).

[29] I. Gagarin, Dnevnik, p. 253.

[30Russkij invalid, n° 259 (11-23 octobre), 289, 294, 295, 315, 326 et 327, 1866.

[31Russkij katolicizm, op. cit., p. 75.

[32] Irrité par l’ingratitude de ses concitoyens, le comte Rostopchine nia ensuite son rôle dans l’incendie de Moscou, afin de « priver les Russes de ce legs » : « on veut priver mon père de son action héroïque », écrit sa fille (Mme Narichkine, née comtesse Rostopchine, 1812. Le comte Rostopchine et son temps, Saint-Pétersbourg, 1912 (en français), p. 158).

[33Ibid., p. 99. Voir D. Schlafly, « De Joseph de Maistre à la “Bibliothèque rose” », art. cité, p. 93-109. Sur la conversion plus ou moins forcée de Sophie, voir H. Dufour, Comtesse de Ségur, née Sophie Rostopchine, Paris, Flammarion, 1990, p. 111. Dans Guerre et paix de Tolstoï, la comtesse Hélène Bezoukhov est convertie au catholicisme par des jésuites qui veulent lui soutirer de l’argent (III, 3, 7).

[34] E. Naville, Mme Swetchine, op. cit., p. 13-14.

[35] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 35.

[36Ibid., p. 138.

[37Ibid., p. 138-139.

[38] Cette sœur, morte à l’âge de 20 ans en 1821, avait été élevée à Rome par la princesse Dietrichstein, sœur du père de Chouvalov, qui la convertit (p. 14-15).

[39Vie d’une religieuse du Sacré-Cœur, op. cit., p. 7-10. Par la suite, les références aux pages de cet ouvrage sont données directement dans le texte.

[40Ibid., p. 12 ; Conversion d’une dame russe..., op. cit., p. 176-178. Ce Galitzin ne figure pas dans le roman de I. Lajetchnikov, Ledjanoj dom [La Maison de glace], 1835.

[41] Sur cette conversion, voir 1812. Le comte Rostopchine et son temps, op. cit.

[42] Victorien-Donatien de Musset (1768-1832) est le père d’Alfred de Musset, connu pour ses travaux sur Rousseau.

[43] N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières. Le Comte de Valmont de l’Abbé Gérard, Paris, H. Champion, coll. « Les dix-huitièmes siècles », 2006. Voir aussi : N. Brucker (dir.), La Conversion : expérience spirituelle, expression littéraire. Actes du colloque de Metz (5-7 juin 2003), Berne, P. Lang, 2005.

[44] N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières, op. cit., p. 9-11.

[45Ibid., p. 311.

[46Ibid., p. 36.

[47Graf Val’mont ili zabluždenija rassudka. Pis’ma, sobrannye i vydannye v svet gospodinom Z..., Perevod s novejšego izdanija, ispravlennogo i dopolnennogo [D. I. Dmitrievskogo], 12 vol., Moscou, 1801-1803. En 1820-1821 parut une « troisième édition », du même traducteur, également en 12 volumes. Une première traduction (de E. K. Nilova) avait été publiée à Tambov en 1793-1796 (7 vol.). La Théorie du bonheur (Teorija o istinnom sčastii) a été publiée à Moscou en deux volumes en 1803-1804 (voir les catalogues informatiques de la RNB (Rossijskaja Nacional’naja biblioteka, Saint-Pétersbourg) et de la RGB (Rossijskaja Gosudarstevnnaja Biblioteka).

[48] M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine, op. cit., p. 53.

[49] Titre complet : De la Solitude, des causes qui en font naître le goût, de ses inconvénients, de ses avantages et de son influence sur les passions, l’imagination, l’esprit et le cœur, première édition française en 1788, 3e en 1817. Retraduit en 1845 par X. Marmier. Zimmermann a aussi été beaucoup apprécié par Anastasia Koletchnitskaïa qui s’intéressait au piétisme et aux frères moraves (voir E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal..., op. cit., p. 33).

[50] N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières, op. cit., p. 97.

[51] Elizaveta A. Chakhovskaïa (1803-1836) mentionne dans son journal la lecture de : saint François de Sales ; l’Imitation de Jésus-Christ ; Le Combat spirituel de Laurent Scrupoli (XVIe siècle) ; l’Évangile médité du jésuite Bonaventure Giraudeau (1774) ; Fénelon ; La Connaissance de soi-même de John Mason (1783). Voir E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal..., op. cit., p. 34.

[52] C. Fleury, Histoire ecclésiastique, 20 vol., 1691, reprise et complétée, 36 vol en 1758 ; plusieurs rééditions et versions abrégées. Son Catéchisme historique (1679), accusé de jansénisme, fut mis à l’index.

[53] Il s’agit certainement des Paroles d’un croyant (1834).

[54] En particulier Spiridion (1839), quête d’un nouvel évangile (p. 237).

[55Literaturnoe nasledstvo, Moscou, 1955, t. 62, p. 479. Voir I. A. Fedosova (dir.), Russkoe obščestvo…, op. cit., p. 229-234 et 381.

[56] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 137.

[57Russkij invalid, n° 315, 1866, p. 3. Le P. Xavier de Ravignan, ancien magistrat, jésuite, ami de Chateaubriand, avait succédé à Lacordaire dans la chaire de Notre-Dame. C’est lui aussi qui accompagna la conversion de Chouvalov.

[58] P. I. Bazarov, « S. S. Džunkovskij i ego vozvraščenie v pravoslavie », Pravoslavnoe obozrenie, janv. 1866, p. 430-442.

[59] Traduit en français par l’archiprêtre Soudakoff en 1862 : Entretiens d’un sceptique et d’un croyant sur l’orthodoxie de l’Église orientale, par Mgr Philarète, métropolitain de Moscou, Paris, Bureaux de l’Union chrétienne, 1862.

[60] A. N. Mouraviev (1806-1874), vice-procureur du saint-synode, auteur de vies de saints, de récits de pèlerinages, d’écrits historiques et polémiques : Pravda vselenskoj Cerkvi o rimskoj i pročix patriaršix kafedrax, [La Vérité de l’Église universelle au sujet du siège de Rome et des autres sièges patriarcaux], Saint-Pétersbourg, 1841 ; Question d’Orient et d’Occident. Parole de l’orthodoxie catholique au catholicisme romain [en français], Paris, 1853. Voir aussi : Russkie pisateli 1800-1917. Biografičeskij slovar’, Moscou, 1999, t. 4, p. 156-160 ; P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 162-166 et 202. Ce livre provoqua toute une correspondance de Gagarine avec Ivan Kireevski et Iouri Samarine (voir Simvol n° 1 et 2, 1979, n° 3, 1980 ; Ivan Gagarine, Georges Samarine. Correspondance. 1838-1842, introduction de F. Rouleau, Meudon, Plamia, 2002).

[61] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 118.

[62] Jean-Louis de Rozaven, contempteur de Lamennais, « tenu à Rome pour le plus éminent théologien depuis Bossuet » (J. Lacouture, Jésuites, Paris, Seuil, 1992, t. 2, p. 167.

[63] Voir E. N. Cimbaeva, Russkij katolicizm, op. cit., p. 65-66.

[64] L’abbé Surugue (1753 - 21 déc. 1812), émigré à Moscou, curé de Saint-Louis-des-Français de Moscou à partir de 1808, auteur de souvenirs : 1812, Les Français à Moscou, Moscou, F. Tastevin, 1909. Voir L. Mirot, Un témoin de la campagne de Russie. L’abbé Adrien Surugue (1753-1812), curé de Saint-Louis-des-Français de Moscou, Paris, É. Champion, 1914 [on trouve parfois Surugue écrit avec un s final].

[65] « L’un des plus importants détournements (sovraščenij) opérés par l’abbé Surugue fut celui de la comtesse Rostopchine, l’épouse du gouverneur de Moscou. Surugue habitait dans son voisinage et en profita à la manière jésuite » (cité d’après l’original en russe, Rossijskij katolicizm v Rossii. Istoričeskoe issledovanie grafa Dmitrija A. Tolstogo, Saint-Pétersbourg, 1876, t. 2, p. 206, indiqué comme étant inexistant dans la notice de la BNF sur la traduction française : comte D. Tolstoy, Le Catholicisme romain en Russie, 2 vol., Paris, Dentu, 1864 ; le premier tome de l’édition russe comporte 538 pages, le second 438 pages et 140 pages de documents annexes). Le livre de D. Tolstoy, haut procureur du saint-synode, quoique hostile au catholicisme, est une histoire du catholicisme en Russie depuis les origines, qui reste utile.

[66] Voir M.-J. Rouët de Journel S. J., La Compagnie de Jésus en Russie. Un collège de Jésuites à Saint-Pétersbourg, 1800-1816, Paris, Perrin, 1922.

[67Lettres de Mme Swetchine, publiées par le comte de Falloux, Paris, A. Vaton, 1862, t. 1, p. 285.

[68] Voir E. Gretchanaïa, « Sept lettres inédites de la princesse de Tarente à la comtesse Golovina », dans R. Baudin et al. (dir.), Exil et épistolaire aux XVIIIe et XIXsiècles. Des éditions aux inédits, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 170-189.

[69] D. Schlafly, « De Joseph de Maistre à la “Bibliothèque rose” », art. cité, p. 98.

[70] Début du Psaume 84 : « Quam dilecta tabernacula tua, Domine virtutum ! » (« Que tes demeures sont désirables, Yahvé Sabaot ! » [traduction Bible de Jérusalem]).

[71] Félix Dupanloup (1802-1878), évêque d’Orléans en 1849, l’un des chefs du catholicisme libéral, auteur d’ouvrages pédagogiques et catéchétiques.

[72] Petr Aleksandrovič Ermolov (1792-1858), secrétaire du diplomate Pozzo di Borgo, converti à 35 ans (note manuscrite dans Conversion d’une dame russe, p. 189).

[73] Pie VII (1742-1823) avait signé le concordat avec Napoléon en 1801 et l’avait sacré empereur, mais il l’excommuniera en 1809 pour avoir annexé à l’Empire Rome et les États de l’Église. Il sera arrêté en 1809 et emprisonné à Savone puis à Fontainebleau (1812). Rentré à Rome sous la Restauration, il obtint la restitution des États de l’Église, rétablit la Compagnie de Jésus (1814) et accueillit à Rome la mère de Napoléon Ier après la chute de l’Empire.

[741812. Le comte Rostopchine et son temps, op. cit., p. 99-100 (orthographe de l’original).

[75Ibid., p. 244.

[76] Les startsy se trouvaient dans les monastères, que ne fréquentaient pas, sauf exception, les membres de l’aristocratie.

[77Mme Swetchine, Journal de sa conversion, op. cit., p. 16. Par la suite, les références à cette édition sont indiquées dans le texte.

[78] E. Naville, Mme Swetchine, op. cit., p. 46.

[79] M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine, op. cit., p. 86.

[80] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 137.

[81Russkij invalid, n° 315, 9-21 déc. 1866, p. 3. Allusion aux réformes d’Alexandre II.

[82] E. Naville, Mme Swetchine, op. cit., p. 40. Voir aussi : P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 146 (lettre de Pečerin à Gagarin) ; A. de Custine, La Russie en 1839, Paris, Solin, 1990, t. 2, p. 73 – « Les Églises nationales font des citoyens ; l’Église universelle fait des hommes » –, 126 et 182.

[83] Mêmes images dans Le Comte de Valmont : « Le voile est déchiré, la vérité brille à mes yeux de tout son éclat, je suis chrétien » (cité par N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières, op. cit., p. 97).

[84] Ces images se trouvent dans le sermon de Bossuet sur l’unité de l’Église, première partie, et dans un sermon de Fénelon sur l’Épiphanie (voir Mme Swetchine, Journal de sa conversion, op. cit., p. 56).

[85] « 1° la primauté du pape ; 2° la doctrine du purgatoire ; 3° que le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ se trouvent également sous chaque espèce ; 4° que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils » (p. 93).

[86] La conversion de Valmont s’inscrit aussi dans le temps du Carême.

[87] Sur ces influences, voir G. Florovsky, Les Voies de la théologie russe, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 148 et suiv.

[88] Auteur de L’Église catholique justifiée contre les attaques d’un écrivain qui se dit orthodoxe, Lyon/Paris, 1822. Il s’agit d’une réfutation du livre de A. Stourdza (Issledovanie o učenii i duxe pravoslavnoj cerkvi, Weimar, 1809). Le prince Augustin Galitzin joint à la Vie de sa tante deux lettres de direction spirituelle du P. Rozaven à E. Galitzin (sur les soirées dansantes, sur les rapports avec le directeur de conscience – « je crains toujours que ces personnes n’aiment plus leur directeur que Dieu lui-même » [p. 30] –, sur la préparation et le déroulement de la méditation. Le P. Rozaven fut expulsé de Saint-Pétersbourg en 1815 avec tous les jésuites. L’ouvrage de A. Galitzin est complété par des lettres du P. Rozaven à E. Galitzin, postérieures à son expulsion (elles traitent notamment des lectures spirituelles), et par des lettres de E. Galitzin à sa mère.

[89] Frère du prince Michel Galitzin (1804-1860), ministre de Russie à Madrid, catholique depuis 1843 ; Théodore, converti plusieurs années avant Michel, meurt en 1848 : « Tout son temps était employé en bonnes œuvres, il s’était attaché spécialement à l’Œuvre des militaires » (Conversion d’une dame russe, op. cit, p. 185).

[90] Il s’agit de César-Guillaume de La Luzerne (1738-1821), émigré de 1791 à 1814, créé cardinal de Langres en 1817 et qui fut ministre d’État sous la Restauration.

[91] Il en existe de très nombreuses éditions, ainsi que des éditions pour chaque diocèse.

[92] « Je n’approuve pas votre cilice », lui écrit le P. Rozaven en 1820 (p. 137).

[93] Père A. Rodríguez S. J. : Les Exercices de la vertu et de la perfection chrétienne, nouvelle traduction [par N.-J. Binet], Paris, J.-B. Coignard, 1673 ; La Pratique de la perfection chrétienne, traduction de l’espagnol par M. l’abbé Régnier Des Marais, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1675-1679. Très nombreuses rééditions de ces deux ouvrages, ainsi que d’abrégés de La Pratique...

[94] C’est aussi dans ce pays que mourut en 1840 le prince Dmitri Galitzin, né en 1770, d’une mère (Amélie de Scmettau) convertie au catholicisme en 1783, et d’un père, Dmitri Alekseevič, diplomate à Paris puis à La Haye, éditeur d’Helvetius, anticlérical. Son fils, parti en voyage aux États-Unis avec un jeune ecclésiastique, muni par sa mère des Confessions de saint Augustin, se convertit en 1792, fut ordonné prêtre en 1795 et devint missionnaire en Pennsylvanie. « Le sénat de Saint-Pétersbourg, considérant qu’il avait embrassé la foi catholique et la profession ecclésiastique, avait statué qu’il n’était plus apte à hériter de son père. » (Notice sur le prince Dmitri Galitzin, 1770-1840, 3e édition, Lyon, 1860, p. 34.) Voir Un missionnaire russe, père C. Douniol, Paris, 1859 (2e édition), avec une préface du prince Augustin Galitzin.

[95] Mgr Baunard, La Foi et ses victoires, Paris, Librairie C. Poussielgue, 1893, t. 1, p. 127.

[96] Mme Swetchine créa au contraire près d’Odessa (Manzyr) un vaste domaine agricole modèle : voir Lettres de Mme Swetchine, op. cit., t. 1, p. 152, 154 et 186.

[97] A. K. Tixonov, Katoliki, musul’mane i iudei v Rossijskoj…, op. cit., p. 99. Voir De la législation russe au point de vue de la liberté de conscience, Paris, A. Franck, 1858.

[98] Petcherine est l’un des quelques émigrés à avoir été déchus de la nationalité russe, avec A. Herzen, Nicolas Tourguenev, M. Bakounine, N. Sazonov (Ivan Woïnoff), Ivan Gagarine et Ivan Golovine (sur lequel on peut lire l’article de W. Sliwowska, « Un émigré russe en France : Ivan Golovine, 1816-1890 », Cahiers du monde russe et soviétique, 1970, vol. XI, n° 2, p. 221-243).

[99] Dans une lettre au P. Gagarine, Petcherine dit avoir exprimé au consul russe de Londres sa résolution « de ne plus rentrer en Russie et de renoncer en même temps entièrement à ma qualité de sujet russe » (P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 146).

[1001812. Le comte Rostopchine et son temps, op. cit., p. 252.

[101] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 150.

[102Ibid., p. 152.

[103] Mgr Baunard, La Foi et ses victoires, op. cit., p. 147.

[104] Voir M. Cadot, La Russie dans la vie intellectuelle française, 1839-1856, Paris, Fayard, 1967, p. 74-76.

[105] Tome 2 de Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, Paris, Perrin, 1894.

[106] E. Tur, « Gospoža Svečina » [compte-rendu de Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, publiées par le comte de Falloux, op. cit.], dans Russkij vestnik [Moscou], vol. 26, n° 7 (avril, livre 1), 1860, p. 391. Voir la réponse de E. Tur à Katkov dans le numéro suivant (avril, livre 2, p. 406-411).

[107] Voir A. Herzen, Passé et méditations, Genève, L’Âge d’homme, 1981, t. 4, p. 373 et suiv. (chap. VII, 6 : « Pater V. Petcherine »). La correspondance de Petcherine avec Herzen et Ogarev (1853, 1862-1863) a été publiée dans Literaturnoe nasledstvo, Moscou, vol. 65, 1955, p. 463-484 (édition de A. A. Saburov).

[108] Même impression de Gagarine, en 1855 : « Les fonctionnaires d’ici [de Rome], les prélats, tout ressemble on ne peut plus à ce que j’ai fui en Russie, à savoir la concussion et lest’ [la flagornerie] » (Russkij invalid, n° 315, 1866, p. 3).

[109] Paris, Douniol, 1856. Traduit en russe par le père Ivan Martynov, lui aussi converti (par G. Chouvalov, du fils duquel il était précepteur), jésuite, fondateur d’Études avec Gagarine : O primirenii russkoj cerkvi s rimskoj, Paris, A. Frank, 1858.

[110] Congrégation de clercs réguliers fondée en 1530, qui s’établit dans le cloître Saint-Barnabé à Milan.

[111] Ce récit est mentionné dans une biographie des Chouvalov (http://www.rulex.ru/01250252.htm), mais nous ne l’avons pas trouvé dans les catalogues des bibliothèques.

[112] Mgr Baunard, La Foi et ses victoires, op. cit., p. 1-171. La première édition date de 1882. Il y aura dix éditions jusqu’en 1923.

[113] Voir P. I. Bazarov, « S. S. Džunkovskij i ego vozvraščenie v pravoslavie », art. cité, p. 440-441.

[114] Conversion d’une dame russe, op. cit., p. 8-9.

[115] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 195. Voir la biographie de W. Guettée sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wladimir_Guettée (consulté le 28 janvier 2010).

[116] Voir : W. Guettée, Souvenirs d’un prêtre romain devenu prêtre orthodoxe, Paris, Fischbacher / Bruxelles, Veuve Monnom, 1889 ; N. Boulgak [N. B. Galitzyn, ou Grec-Uni], Étude sur les rapports de l’Église catholique avec l’Église orientale, Paris., C. Douniol, 1865 [Réfutation de La Papauté schismatique de l’abbé Guettée, cet ouvrage a été réédité en 1990 : W. Guettée, De la papauté, textes choisis et présentés par P. Ranson, Genève, L’Âge d’homme). Gallican, auteur d’une Histoire de l’Église de France qui fut mise à l’index, l’abbé Guettée (1816-1892) lutte contre l’ultramontanisme et le dogme de l’Immaculée Conception. Ayant fait la connaissance de l’archiprêtre Joseph Wassilieff, curé de l’Église russe de Paris (rue Daru, inaugurée en 1861), il fonde l’Union chrétienne, premier journal orthodoxe en Occident, qui polémique avec la « secte des pseudo-Russes qui avaient quitté l’orthodoxie pour le papisme » (I. Gagarine et quelques autres). Accepté comme prêtre de l’Église orthodoxe par simple décision du saint-Synode, il est ensuite fait docteur par le métropolite Philarète pour la publication de La Papauté schismatique : « Mes études me démontrèrent [...] que la papauté au lieu d’être catholique, dans le vrai sens de ce mot, avait créé un schisme dans l’Église de Jésus-Christ. Je devais donc devenir orthodoxe pour être véritablement catholique » (W. Guettée, Souvenirs d’un prêtre romain..., op. cit., p. 355-359).

[117] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 195.

[118] Voir J. M. Lotman et V. J. Rozencvejg, Russkaja literatura na francuzskom jazyke. Francuzskie teksty russkix pisatelej XVIII-XIX vekov / La Littérature russe d’expression française. Textes français d’écrivains russes, XVIIIe-XIXe siècles – Wiener Slawisticher Almanach, vol. 36, Vienne, 1994.

[119] Voir I. Savkina, Razgovory s zerkalom i zazerkal’em, op. cit., note 2, p. 67.

[120] J. Camarero, « La théorie de l’autobiographie de Georges Gusdorf », Cédille, n° 4, 2008, p. 57-82, consultable sur : http://webpages.ull.es/users/cedille/cuatro/camarero.pdf (consulté le 28 janvier 2010).

[121] Sur le père S. Soloviev, voir A. Wenger, Rome et Moscou, 1900-1950, Paris, Desclée de Brouwer, 1987 (index). 

 

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class=’normal_act’>Mme Swetchine s’exclame : « Ah ! qu’il est cruel de se trouver dans une religion sans appui, dont les ministres sont sans lumières et sans zèle[77] » (p. 16). Elle parle de la « complète et absolue stérilité dont l’Église d’Orient est frappée depuis la séparation » (p. 45). La décision de Mme Swetchine est avant tout d’ordre intellectuel, sa recherche a principalement constitué à rechercher dans Fleury « la trace de l’autorité légitime », et elle dit avoir « écarté le sentiment comme complice de mes trop longues hésitations » (p. 61).

« Elle se fit catholique, non pour devenir chrétienne, mais pour rester chrétienne en sûreté, l’Église de Rome lui semblant le boulevard nécessaire au maintien, à la défense et au développement de sa foi[78].

Loin d’opposer les deux Églises, Mme Swetchine trouve une part de vérité dans chacune d’entre elles :

Je vois clairement aujourd’hui que le centre de l’unité religieuse est Rome ; que la primauté du pape a été universellement reconnue par tous les chrétiens [...] ; mais je vois aussi que jamais l’Église d’Orient n’a attribué au pape le pouvoir immense que les Occidentaux lui laissèrent prendre depuis, et que dans plusieurs points de discipline elle est encore la seule aujourd’hui, qui garde précieusement les institutions antiques (p. 5).

Elle écrit encore :

C’est parce que je suis restée également soumise et exacte dans l’observance des dogmes et des rites grecs que j’ai été conduite à m’assurer de ce qui manquait à l’intégrité de cette Église, et à me donner à celle dont les murs, de structure divine, ne peuvent connaître ni brèche ni lésion[79].

Chouvalov déplore le « triste état de dépendance » du clergé russe, « moins coupable que malheureux » (p. 70) : « Qu’est devenue cette Église grecque si brillante et si sainte ? » (p. 343).

Les raisons politiques

Pour les hommes des années 1840, les raisons de rejeter l’orthodoxie au profit du catholicisme sont en grande partie d’ordre politique.

C’est le libéralisme qui conduit Gagarin au catholicisme, alors que Djounkovski trouve au contraire dans l’Église catholique un modèle d’autocratie auquel il aspire, et que Petcherine y voit la possibilité de réaliser son utopie socialiste de paradis terrestre.

Gagarine quitte la Russie à l’âge de dix-neuf ans « avec un sentiment de répulsion très vif contre l’esclavage ou le servage et en général contre les abus de la force[80] ». Voici ce qu’il raconta à Stepan Djounkovski en 1845 :

Voyant que tous les désirs de jeunesse des plus honnêtes [blagorodnyx] hommes étaient vains, je commençai à me désespérer. La piété de ma sainte mère dirigea mes pensées vers la religion : si ce n’était la noblesse, peut-être le clergé peut-il venir en aide au peuple et lui insuffler tant soit peu d’esprit d’abnégation. Mais qu’ai-je trouvé ? [...] Chez nous, on traite mieux les prêtres polonais, même les pasteurs allemands que nos prêtres, qui d’ailleurs, à mon avis, y sont pour quelque chose. Ce fut le début de mes doutes sur la foi.

Mais en 1865, il avoue : « Si j’avais su en 1840, ce que l’empereur Alexandre II ferait pour la Russie, je ne serais pas passé au catholicisme[81]. »

Dans les années 1870, revenant sur les raisons qui l’on conduit au catholicisme, ou plutôt, comme il le dit « à rechercher un refuge contre les tempêtes sous le toit d’un monastère catholique », Petcherine mentionne la « peur de la Russie », plus précisément « la peur de Nicolas [Ier] » (p. 260) : « J’ai fui la Russie comme on fuit une ville pestiférée. »

La collusion Église-État est aussi rejetée par Mme Swetchine qui écrit : « Plus une religion est nationale, moins elle est vraie[82]. » Chouvalov rêve aussi d’une Église indépendante.

L’adhésion au catholicisme de Mme Swetchine, de Petcherine, de Gagarine, de Djounkovski est réfléchie, argumentée, soutenue par de nombreuses lectures (et ils se feront à leur tour apologètes), tandis que pour Alexandrine de Dietrichstein, la « dame russe », Elizabeth Galitzin, Chouvalov, il s’agit avant tout de conversion religieuse, le catholicisme répondant simplement mieux aux besoins spirituels d’une élite cultivée et gallomane.

La conversion elle-même. L’abjuration

Il faut distinguer la conversion au christianisme en général de l’adhésion à l’Église catholique (« abjuration »), qui intervient souvent plusieurs années plus tard.

La conversion n’est jamais une démarche facile. La « dame russe » fait souvent état de ses doutes. C’est le roman de l’abbé Gérard, Le Comte de Valmont, qui provoque sa conversion, à 26 ans, à l’automne 1810 (p. 21 et 33) :

Je ne saurais dire quand et comment cette conversion s’opéra ; il a plu au Seigneur d’en envelopper l’instant précis d’un voile épais : tout ce que je me rappelle, c’est qu’avant d’avoir atteint la moitié de l’ouvrage, mes yeux étaient ouverts[83] ; j’avais reconnu la grandeur de mes offenses envers Dieu, et la vanité de tout ce qui m’avait séduite jusque-là (p. 18).

Le retour à Dieu n’est cependant qu’une première étape. La seconde est le choix de l’Église :

[La lecture du Comte de Valmont] avait éveillé en moi une autre crainte, celle de n’être pas dans le sein de la véritable Église, hors laquelle je venais d’apprendre qu’il n’est point de salut. Comment m’en assurer ? Je relus ce que l’auteur dit au sujet de l’Église romaine, et mes appréhensions redoublèrent (p. 23).

C’est la lecture des œuvres spirituelles de Fénelon qui confirmèrent la « dame russe » « dans la persuasion que l’Église romaine est la seule véritable » (p. 23) :

Quand je contemplais le beau spectacle que m’offrait l’Église catholique, la nécessité d’un chef, le zèle de ses missionnaires, les ordres religieux naissant dans différents siècles, le bien qu’ils avaient opéré, ces prodiges de charité inconnus dans toute autre religion [...], je me disais : – À de tels caractères, peut-on méconnaître la véritable épouse toujours féconde, parce qu’elle est toujours et uniquement chérie de l’époux[84] ? (p. 24).

L’abbé Surugue invite sa néophyte à rédiger sa « confession depuis le temps où ma raison avait commencé de se développer jusqu’au jour où nous étions » (p. 70). Elle rédige en plus une liste des motifs (en sept points) qui l’ont déterminée à embrasser la religion catholique : l’Église doit avoir un chef, elle doit être une, l’Église catholique est la seule Église missionnaire, l’Église grecque connaît un relâchement de la discipline, le culte de la Sainte Vierge et des saints, y semble, « parmi les simples fidèles surtout, dégénérer en une espèce d’idolâtrie » (p. 75). Bref, dominent des raisons religieuses, qui tiennent moins aux dogmes (elle est convaincue que « la doctrine des Églises grecque et latine est la même », [p. 79]) qu’à la pratique et aux insuffisances du clergé et de la prédication de l’Église orthodoxe. L’abbé Surugue lui prête un manuscrit écrit de sa main dans lequel étaient recueillis divers exposés de la séparation des Églises, et notamment « les sentiments des Pères d’Orient et d’Occident sur les différents points qui séparent les Églises », en particulier la procession du Saint-Esprit (p. 78-79), manuscrit auquel la « dame russe » répond par une longue lettre : ses doutes sont dissipés, mais elle pose encore quelques questions : « Est-il permis de prier pour le repos de l’âme de ceux qui sont morts dans l’erreur, et les prières peuvent-elles être efficaces ? » (p. 88) ; « Dans quel esprit dois-je assister à l’office divin dans les églises grecques, puisque ma position m’oblige à garder là-dessus quelque ménagement ? » (p. 88). Après une confession détaillée, et la confession des quatre articles qui séparent l’Église grecque de l’Église latine[85], elle reçoit l’absolution :

Le lendemain, 25 mars 1812, jour de l’Annonciation [...] à huit heures du matin, avant la première messe et tandis que l’église était encore déserte, je communiai de la main du curé[86] (p. 94).

Mme Swetchine commence par défendre l’Église orthodoxe :

Tant qu’il n’est pas démontré qu’elle [l’Église orthodoxe] soit dans l’erreur, qu’elle ne croit plus aujourd’hui tout ce qu’elle a cru jadis, la quitter dans la faiblesse et l’abandon où elle se trouve serait une lâcheté (p. 12).

Elle se trouve face à un choix cornélien :

Ah ! qu’il est cruel [...] d’être alternativement partagé entre celle [religion] où l’on aurait voulu naître et celle où l’on craint de mourir, quoiqu’on désire y vivre ! Comment se peut-il qu’à la fois, on tienne invinciblement à sa communion, tout en étant plus irrésistiblement encore entraîné vers une autre ? (p. 16).

« J’aime ardemment mon Église, et je suis puissamment entraînée vers une autre » (p. 53). « Si l’Église grecque est moins féconde en talents, en piété et en vertu, elle n’a pas mis au jour tant d’abus qui déshonorent l’Église romaine » (p. 20). Mme Swetchine finit cependant par pencher du côté de l’Église catholique : « On est beaucoup plus près de la vérité, aujourd’hui, en se faisant catholique, qu’en restant attaché à la religion grecque, telle que le protestantisme et le mysticisme nous l’ont faite[87] » (p. 52).

Mme Swetchine abjure le 27 octobre (8 novembre) 1815 (p. 63), après une dernière communion (le 29 juillet) dans l’Église grecque, « faite dans le but unique de voir dissiper les très légers doutes qui m’arrêtaient encore » (p. 63). La « dame russe » évoque aussi sa dernière communion comme un « jour terrible » (p. 36).

Elizabeth Galitzin, fortement opposée à l’Église catholique et aux Jésuites depuis que sa mère lui avait révélé sa propre conversion, connut son fiat lux (p. 22) dans la nuit du 15 au 16 octobre 1815 à la suite de l’annonce par sa cousine, Sophie Rostopchine, de sa conversion, et de la lecture d’un écrit de la mère de celle-ci sur le schisme, qui confirme ses propres raisons : « C’est notre orgueil, m’écriai-je, qui nous empêche de reconnaître la suprématie du pape [...] Dès lors je ne balançai pas et j’allai déclarer à ma mère que j’étais décidée à me faire catholique. Je la priai d’envoyer chercher le P. Rozaven[88], qui vint dans la même matinée » (p. 20-21).

Schouvaloff se compare à un paralytique guéri : « Ah ! j’étais tout à la fois aveugle et paralytique, mon âme était couverte d’ulcères... et vous avez paru, et vous m’avez ouvert les yeux, et vous m’avez promis le bonheur éternel si je le voulais ! » (p. 3). Cependant, à mesure que l’« instant de ma délivrance », « grand jour » (celui de l’abjuration, le 6 janvier 1843, jour de la vocation des gentils) approche, Chouvalov sent se refroidir le feu de l’enthousiasme : « Ma nature se révoltait à l’idée du joug sous lequel elle allait se courber » (p. 247) ; « Bientôt, je sentis dans mon cœur un froid glacial et désolant, je me trouvai sec et aride » (p. 248). Sa communion a lieu en présence du P. de Ravignan, de Mme Swetchine, de Théodore Galitzin[89] (p. 250).

Petcherine a plusieurs entretiens avec le père Manvuisse, le conférencier rédemptoriste, mais il n’a pas besoin d’être convaincu : « j’étais prêt à tout » (p. 242). Le père lui donne à lire Les Conférences du cardinal de La Luzerne, un gallican modéré[90] : « c’était l’habituelle phraséologie française, spécialement appropriée pour esquiver la vérité à l’abri de phrases boursouflées », écrit Petcherine plus de trente ans après (p. 243). Il achète un livre de prières, La Journée du chrétien[91], mais a honte d’avouer à son valet de chambre qu’il l’a acheté pour lui (p. 242) : c’est sa dernière concession à l’opinion publique. La cérémonie d’accueil dans l’Église catholique est décrite avec la même ironie :

Agenouillé devant l’autel sur un prie-Dieu avec un coussin rouge, vêtu d’un frac bleu élimé, avec une barbe et des cheveux longs, je lus un Credo [kakoj-to simvol very]. Le père Manvuisse, assis près de l’autel, fit une courte allocution dans laquelle il me comparait à saint Augustin (p. 243 ; les mots en italique sont en français dans le texte).

Gagarin, dont la quête intellectuelle et spirituelle a duré dix ans, a pour directeur spirituel le père de Ravignan, auquel il se confesse presque quotidiennement ; il fait sa profession de foi catholique le 19 avril 1842 dans la chapelle de Mme Swetchine, en présence du P. de Ravignan, entre au noviciat des Jésuites en 1843 et est ordonné prêtre en 1849.

La princesse de Dietrichstein se convertit sous l’influence de Pie VII, très populaire pour avoir été emprisonné par Napoléon. Sa mère se convertira ensuite.

Les conséquences

Une douceur ineffable

La « dame russe » garde sa conversion secrète, elle n’a personne à qui se confier, mais ressent une grande félicité à éprouver « cette vie nouvelle de l’Esprit-Saint naissant en nous » : « il faut savoir quelle douceur ineffable une âme pénitente, au milieu de ses plus cruels tourments, éprouve à revenir au Seigneur » (p. 22). Son retournement étonne son entourage, mais « personne ne pouvait pénétrer la véritable cause de cette tristesse, de cet amour de la solitude et du silence, qui avaient succédé à la plus folle gaîté, au goût des plaisirs et au désir de plaire » (p. 27 ; je souligne).

Mme Swetchine écrit :

La conversion que vient de subir mon esprit met aux prises mes répugnances naturelles avec des démonstrations invincibles ; elle compromet mon existence, afflige mon orgueil, inquiète mon cœur par toutes les désertions dont elle le menace, et cependant une douceur inconnue, immense, pleine de charme et de suavité, domine toutes mes impressions (p. 60 ; je souligne).

Même état de grâce pour Elizabeth Galitzin :

Dès ce moment, mon bonheur commença. Je trouvai une tranquillité et une paix que je n’avais jamais connues. J’eus beaucoup à souffrir de toutes manières, de toutes sortes de personnes, mais l’onction de la grâce m’a tout adouci et, au milieu des peines les plus cruelles, je sentais une joie intérieure que rien ne peut égaler (p. 22 ; je souligne).

Une vocation de religieuse naît dans son âme. Elle va aux bals et aux spectacles revêtue d’un cilice[92], s’abstenant de regarder et d’écouter (p. 48). Après l’expulsion du P. Rozaven, elle a pour confesseur un dominicain, le P. Iouzewicz, qui « m’en permettait toujours moins que je n’en demandais » (p. 48). Elle lit tous les jours, pendant onze ans La Perfection chrétienne de Rodriguez[93]. Le P. Rozaven, depuis Rome, et sa mère, la retiennent d’entrer dans les ordres pendant huit ans, jusqu’à ce qu’elle ait atteint l’âge de trente ans (p. 49). Onze ans après sa conversion, le P. Rozaven choisit pour elle la congrégation du Sacré-Cœur. C’est à Metz, le 27 décembre 1826, qu’elle prit l’habit religieux, et à Rome qu’elle prononça ses vœux définitifs, le 2 février 1832, le P. Rozaven présidant la cérémonie (p. 177). Elle sera nommée secrétaire générale de l’ordre en 1834, chargée de la visite des maisons d’Amérique en 1839, où elle mourut en 1843[94].

Chouvalov, au contraire, après sa communion dans l’Église catholique, rentre chez lui dans un état d’insensibilité (p. 252). C’est la soudaine guérison de sa fille qui fait renaître sa foi : « ma foi jusqu’alors nue et sèche, était maintenant accompagnée de douceurs ineffables » (p. 253) :

Quel est ce jour nouveau qui brille dans mon âme ?

Ce soleil qui se lève et rayonne en mon cœur ?

Il m’échauffe, il m’éclaire, et sa vivante flamme

M’inonde de bonheur[95].

Nathalie Rostopchine porte un jugement sévère sur les converties (qu’elle estime à « deux ou trois cents brebis au plus, plus cinq moutons [en 1812] » : mauvaises mères, détestables citoyennes, manquant de charité envers leurs paysans qu’elles vendirent, dissipant leur fortune en dotations aux églises, etc. (p. 266)[96]. Selon sa fille, la comtesse Rostopchine prit le monde en horreur, et « de toutes les nouvelles converties, fut certainement la plus rigide et la plus intolérante » (p. 100).

Les sanctions gouvernementales

En 1845, l’article 195 du Code pénal prévoit pour les apostats (passage de l’orthodoxie à une autre religion chrétienne) la privation de tous les droits civils et la déportation en Sibérie, ou les verges et deux ans de maison d’arrêt[97]. Gagarine revint en Russie en juin 1842 en cachant sa conversion à tous ses amis (sauf à Samarine). Une fois sa conversion connue, il est déchu de ses titres, de tous ses droits civils, interdit de retour en Russie. Dmitri Galitzin est aussi privé de son héritage (voir note 94). En 1837, une instruction fut ouverte contre Petcherine, qui avait émigré, et en 1848 un arrêt du Sénat le priva de sa citoyenneté russe et de tous ses biens[98]. C’est une lettre de l’ambassade russe qui lui annonce qu’il est déchu de sa nationalité russe pour avoir embrassé le catholicisme (p. 264)[99].

Les femmes échappaient à ces rigueurs (Mme Swetchine fit un aller-retour en Russie en 1834), mais les « jeunes filles qui renonçaient si légèrement à leur religion devaient abandonner tout espoir d’établissement dans leur pays et rompre les liens de famille. Aucun Russe n’eût consenti à épouser une convertie[100] ».

Accusés de trahir leur pays, les convertis sont en fait d’ardents patriotes. En 1831, Mme Swetchine prend parti pour la Russie et considère la révolution de Pologne comme « une ingrate et imprudente effervescence » (Lettres…, t. 1, p. 274). Chouvalov, qui dédie sa confession « À mes chers compatriotes », demande : « Pourquoi donc nous empêcher de consacrer nos travaux et nos jours à notre patrie ? Sommes-nous ses ennemis ? Non, nous voulons son bonheur avant tout [...] » (p. 277) ; « Faites, ô mon Dieu, que tous ceux qui me liront, se persuadent que l’on peut être catholique et Russe en même temps, catholique et fidèle sujet du prince éclairé et magnanime qui nous gouverne » (p. xxxv).

Dès 1850, Petcherine partage une vision messianique de la Russie :

Les Russes sont appelés à achever l’œuvre des barbares, à détruire les derniers restes de l’Empire romain qui languissent encore dans l’Europe occidentale. [...] Il y aura un grand Empereur russe, je le vois, il s’achemine vers Rome, il est aux pieds du Souverain Pontife, il lui fait hommage de sa couronne, de son Empire, il fait de la Russie un fief du Saint-Siège. Alors le grand mur de la séparation tombe, les révolutions sont vaincues à jamais, le monde est catholique. Haec spes est reposita in sinu meo. J’y crois[101].

Après 1861, la Russie redevient la patrie du cœur de Petcherine (p. 311)[102]. Chouvalov s’enthousiasme pour le mouvement mazzinien, y voyant « le signal du réveil et de la liberté en Russie[103] ».

Après la conversion

Nous ne savons pas ce qu’est devenue la « dame russe ».

Le salon de Mme Swetchine, rue Saint-Dominique, fréquenté par Bonald, Cuvier, Tocqueville, Lacordaire et Montalembert (qu’elle retint dans le sein de l’Église romaine, après la défection de Lamennais, Lacordaire faisant à sa mort son éloge funèbre) devint le centre de l’ultramontanisme[104]. Mme Swetchine écrit des traités apologétiques (De la vérité du christianisme), spirituels (De la piété dans le christianisme, De la résignation, De la vieillesse), des méditations et des prières qui seront édités après sa mort par le comte de Falloux[105] et susciteront un article malveillant d’Eugénie Tour (Salias de Tournemire, 1815-1892) dans le Messager russe d’avril 1860, accompagné d’une note de l’éditeur, M. Katkov, qui prenait quelques distances avec l’auteur, mais qui n’en publia pas moins un peu plus tard une réponse où Tour justifiait ses accusations sur l’insignifiance de la pensée de Mme Swetchine : « La patrie n’a rien perdu en la [Mme Swetchine] perdant, elle n’était pas fille de la terre russe[106]. »

La conversion de Petcherine est rendue publique par les Rédemptoristes. Il lui reste à changer de mode de vie : « J’avais un désir passionné de m’éloigner du monde. Le père Manvuisse était toutefois totalement impartial et ne réclamait nullement sa paroisse. » Il lui propose de le recommander aux Jésuites :

« Vous aimez les sciences : voici un ordre savant, celui des Jésuites. Si vous voulez, je vous donne une lettre pour leur provincial ?

– Non ! non ! m’écriai-je. »

Le nom même des Jésuites m’était odieux, et puis il me vint à l’esprit que dès qu’on apprendrait en Russie que je me suis fait jésuite, ce serait la honte et le déshonneur ! (p. 243-244).

Au bout de quelques jours, Petcherine revient voir le père Manvuisse avec ce billet :

« Je désirerais vivre dans la solitude la plus complète, tout en ayant la possibilité d’en sortir de temps en temps pour visiter des malades et des malheureux et les aider en paroles et en actes. »

C’était presque entièrement pris à Spiridion de George Sand (p. 244).

Le P. Manvuisse lui propose alors l’ordre des Rédemptoristes, dans lequel il est admis. Après s’être rasé la barbe puis les moustaches, il part d’abord au noviciat de Saint-Trond. Une petite cellule propre et austère le comble de joie : « Une fois seul, je fus envahi par un sentiment de calme d’une indicible béatitude » (p. 248). Au bout d’un an de noviciat (1840-1841), dont il ne dit que du bien, et qui semble la réalisation des idéaux saint-simoniens (« à chacun selon ses besoins »), il est transféré dans la maison d’études de l’ordre, en Allemagne, et devient professeur d’histoire, de grec et de latin ; en 1843, il est ordonné prêtre, devient professeur d’éloquence et brillant prédicateur et est envoyé en Angleterre (fin 1844).

Petcherine devint un prédicateur renommé, principalement en Angleterre, où il rencontra Herzen en 1853[107], mais au bout de vingt ans, en 1861, après un séjour à Rome où les intrigues et l’esprit d’ambition le heurtèrent (p. 294 et 306)[108], il démissionna de son ordre qu’il trouvait trop peu retranché du monde. Il aurait voulu être chartreux (voir p. 302), mais y renonce en voyant l’entreprise commerciale de la Grande-Chartreuse (p. 304 et 306), et passe les 23 dernières années de sa vie comme aumônier dans un hôpital de Dublin. Il fait une violente critique du catholicisme et du clergé catholique, mais reste dans l’Église, menant par ailleurs une intense activité intellectuelle (étude de l’arabe, du persan, du sanscrit, du darwinisme, de la chimie, biologie, botanique, etc.). Il meurt en 1885 et est enterré à Dublin.

Par ses écrits, par la revue Études, qu’il fonde en 1856, Gagarine va œuvrer à la réconciliation des Églises (La Russie sera-t-elle catholique ?[109]) : la source de tous les maux de la Russie est le byzantinisme, la soumission de l’Église à l’État, et seul le catholicisme peut sauver la Russie de la révolution.

Chouvalov entre dans l’ordre des Barnabites[110] en 1855, puis est ordonné prêtre en 1857 à Milan. Son fils Piotr Grigorievitch (1827-1882), membre du conseil du ministère de l’Intérieur, meurt catholique ; sa fille, Elena Grigorievna (morte en 1885), est une convertie qui repasse à l’orthodoxie et écrit en français le récit de l’apostasie de son père[111]. C’est par la conversion de Chouvalov que Mgr Baunard, recteur des facultés catholiques de Lille, inaugurera une série de conférences sur « Les plus illustres convertis de ce siècle[112] ».

Djounkovski aussi, après cinq ans d’études chez les Jésuites (dont il quitte l’ordre en 1853), s’engage dans l’œuvre de réconciliation des Églises, au sein de la Société orientale pour l’union des Églises. Missionnaire très populaire parmi les chiffonniers de Paris, il part ensuite pour sept ans dans le Grand Nord évangéliser les Esquimaux. Il se marie à une Anglaise selon le rite anglican puis divorce[113].

Le style

Le style des récits de conversion proprement dits (Alexandrine de Dietrichstein, la « dame russe », E. Galitzin, Chouvalov) est très émotionnel, exclamatif, avec beaucoup d’invocations à Dieu et de formules de reconnaissance :

Grand Dieu, quand je considère votre bonté, j’en suis émerveillée ! Qu’aviez-vous besoin d’une créature doublement née dans le péché, corrompue elle-même, élevée dans le schisme et l’ignorance de votre sainte loi[114] !

Ces converti(e)s ont-ils lu les Confessions de saint Agustin ? Les ouvrages de spiritualité mentionnés plus haut suffisent peut-être à expliquer ce style caractéristique des confessions.

Un passage du catholicisme à l’orthodoxie : W. Guettée

Y a-t-il des conversions inverses (du catholicisme à l’orthodoxie) ? : un seul exemple a fait quelque bruit, celui de l’abbé Guettée, passé à l’orthodoxie, éditeur de l’Union chrétienne, avec le curé de l’Église russe de Paris, J. Wassilieff (qui envoie ses filles au catéchisme de Saint-Philippe du Roule, dont le vicaire était l’abbé Fredro, fils de la comtesse Prascovie Golovine)[115], auteur de plusieurs ouvrages polémiques[116]. La conversion de Guettée aurait été une réaction contre les ultramontains. Le prince Galitzin rapporte : « Ce qui l’a engagé à changer de religion, c’est l’exagération des ultramontains. Cet aveu est bon. S’il cherche une Église où il n’y ait pas d’imbéciles, sa vie pourra ressembler à celle du Juif errant[117]. »

Conclusion

Les récits de conversion de Russes au catholicisme forment un ensemble de textes où apparaissent, comme dans les vies de saints, des motifs invariants et des éléments liés à l’histoire et à la personnalité de chaque auteur. Par rapport au classement des conversions par Danièle Hervieu-Léger en trois groupes – le changement de religion, la conversion lors de laquelle un individu « sans religion » se convertit, et la conversion qui constitue une « redécouverte » de sa propre identité religieuse antérieure –, la conversion des Russes au catholicisme ne s’inscrit entièrement dans aucune de ces catégories : on ne saurait parler de « changement de religion », ni de conversion de l’athéisme à la foi, mais d’adhésion à une Église (catholique) qui semble plus universelle et plus indépendante du pouvoir temporel. Cette adhésion a été nourrie par des lectures importantes.

Enfin, ces textes viennent enrichir notre connaissance tant de la littérature russe en français[118] que des « autodocuments », en particulier féminins, de la première moitié du XIXe siècle[119]. Que ces converti(e)s aient eu recours à l’autobiographie pour rendre compte de leur cheminement et de leur choix confirme la thèse de Georges Gusdorf selon laquelle l’autobiographie est en grande partie le fruit de la culture chrétienne, de l’examen de conscience, de l’introspection[120]. Le recours au français, quand il n’est pas dû à une connaissance insuffisante du russe, s’inscrit aussi dans une tradition occidentale d’instrospection et d’examen de conscience, nourrie par la lecture d’ouvrages spirituels (abbé Gérard, Fénelon, Imitation de Jésus-Christ, etc.). Les conversions au catholicisme représentent un phénomène significatif, quoique limité, de l’histoire des idées et de la spiritualité en Russie, qui se renouvellera au début du XXe siècle dans le milieu symboliste (Ellis [Lev Kobylinsko, 1879-1947, à Locarno, devenu jésuite], Viatcheslav Ivanov [1866-1949, à Rome], Sergueï Soloviev [1885-1942, neveu du philosophe], etc.)[121].

 


[1] Voir : G. Bastide, La Conversion spirituelle, Paris, PUF, 1956 ; M. Spindler (dir.), L’Accueil et le refus du christianisme : historiographie de la conversion, Lyon, université Jean-Moulin - Lyon III, 1986 ; D. Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, 1999 ; E. Godo (dir.), La Conversion religieuse, Paris, Imago, 2000 ; M. Zink, Poésie et conversion au Moyen Âge, Paris, PUF, 2003.

[2] Voir : C. Viollet et E. Gretchanaia (dir.), Avtobiografičeskaja praktika v Rossii i vo Francii / Pratiques autobiographiques en Russie et en France, Moscou, IMLI RAN, 2006 ; I. Savkina, Razgovory s zerkalom i zazerkal’em. Avtodokumental’nye ženskie teksty v russkoj literature pervoj polovine XIX veka [Conversations avec le miroir et l’au-delà du miroir. Textes féminins autodocumentaires dans la littérature russe de la première moitié du XIXe siècle], Moscou, NLO, 2007 ; E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal... Diaristes russes francophones, 1780-1854, Paris, CNRS Éditions, 2008.

[3] Voir : N.-J. Chaline et J.-D. Durand (dir.), La Conversion aux XIXe et XXe siècles, Arras, Presses universitaires d’Artois, 1996 ; D. Stumpte, Du chaos vers une certitude : la conversion romantique, ou la quête de la totalité objective, thèse, université Paris 3, 1998 [sur les romantiques allemands] ; F. Gugelot, La Conversion des intellectuels au catholicisme en France, 1885-1935, Paris, CNRS Éditions, 1998. Les conversions au catholicisme à l’« âge d’argent » n’ont pas, à ma connaissance, fait l’objet d’études spéciales.

[4] Saint-Pétersbourg, Izd-vo S.-Peterburgskogo universiteta, 2007. L’ouvrage de I. L. Gondal, Le Catholicisme en Russie, Paris, Bloud et Cie, 1903, traite essentiellement de la situation des catholiques de Pologne.

[5] Moscou, Èditorial URSS, 1999.

[6] Cette liste s’inspire d’une liste annotée et complétée à la main par les pères Gagarine et Pierling, qui figure dans Conversion d’une dame russe à la foi catholique racontée par elle-même et publiée par le P. Gagarine, Paris, Douniol, 1862, p. 183-190.

[7Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XXIX, n° 3-4, 1988, p. 361-374.

[8Ibid., p. 371. C’est aussi la raison, apparemment (il n’a pas laissé de récit de conversion), de la conversion de Piotr Kozlovski, futur informateur de Custine, au début des années 1810 : voir V. Miltchina et A. Ospovat, « Piotr Kozlovski », dans Histoire de la littérature russe. Le XIXe siècle, Paris, Fayard, 1996, p. 235-244, et bibliographie p. 1204-1205.

[9Revue des études slaves, vol. LXVII, n° 2-3, 1995, p. 311-336.

[10Ibid., p. 335.

[11] E. P. Grečanaja, Literaturnoe vzaimovosprijatie Rossii i Franci v religioznom kontekste èpoxi (1797-1825) [La perception réciproque de la Russie et de la France dans le contexte religieux de l’époque, 1797-1825], Moscou, IMLI RAN, 2002, p. 47-84 ; E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal..., op. cit.

[12] Voir bibliographie dans le dernier ouvrage paru sur Pečerin : N. M. Pervuxina-Kamyniškova, V. S. Pečerin : Emigrant na vse vremena, Moscou, Jazyki slavjanskoj kul’tury, 2006.

[13Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, publiées par le comte de Falloux, 2 vol., Paris, Perrin, 1894 ; E. Naville, Mme Swetchine. Esquisse d’une étude biographique, Genève, 1863. Ernest Naville (1816-1909) a été professeur d’histoire de la philosophie puis de théologie (protestante) à la faculté des Lettres de Genève ; M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine. D’après de nombreux documents nouveaux, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1929 (réédition chez Desclée de Brouwer en 1953).

[14] C. Giot, I. S. Gagarine, premier jésuite russe et artisan de l’union des Églises.

[15] M.-J. Rouët de Journel S. J., Le Prince Gagarine, Bruxelles, 1929 ; R. Marichal, « Ivan Sergeevič Gagarin, fondateur de la Bibliothèque slave », colloque « Les premières rencontres de l’Institut européen Est-Ouest », Lyon, ENS-LSH, 2-4 décembre 2004, consultable sur : http://russie-europe.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=57 (consulté le 28 janvier 2010).

[16] Bibliographie dans E. N. Cimbaeva, Russkij katolicizm, op. cit., p. 168-169. Voir I. K. Adrianov, Russkie katoliki, ix bogoslosvkie sočinenija (Opyt ocenki) [Les Catholiques russes, leurs ouvrages de théologie (Essai d’évaluation)], Kursovoe sočinenie, Saint-Pétersbourg, Sankt-Peterburgskaja Pravoslavnaja Duxovnaja Akademija, 1994 [non consulté].

[17] Nous conservons les différentes graphies françaises des noms propres utilisées dans les textes de l’époque (Gagarin, Gagarine ; Galitzin, Galitzyn, Golitzyne ; Schouvaloff, Schouwaloff ; etc.).

[18] L’idée principale est que « le catholique qui passe dans une secte apostasie véritablement, parce qu’il change de croyance et qu’il nie aujourd’hui ce qu’il croyait hier ; mais que le sectaire [i. e. le protestant ou l’orthodoxe] qui passe dans l’Église n’abdique au contraire aucun dogme, il ne nie rien de ce qu’il croyait ; il croit au contraire ce qu’il niait » (p. 105).

[19] Des extraits de son journal se trouvent à la Bibliothèque slave (coll. Gagarine, boîte XII, non consulté) : voir D. Schafly, « De Joseph de Maistre à la “Bibliothèque rose” : le catholicisme chez les Rostopchine », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XI, n° 1, 1970, p. 97.

[20] Voir Notice sur Mme Elisabeth Galitzin, religieuse du Sacré-Cœur, 1795 [sic]-1843, Tours, 1858 (on trouve la même notice dans Mélanges extraits des Études de théologie, de philosophie et d’histoire, Paris, t. 2, 1857). La notice semble due au prince Augustin Galitzin.

[21] K. Dmitrieva, « Les conversions au catholicisme en Russie au XIXe siècle », art. cité, p. 311.

[22] Mme Swetchine. Journal de sa conversion. Méditations et prières publiées par le Cte de Falloux, Paris, A. Vaton, 1863. On trouve aussi ce journal dans Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, publiées par le comte de Falloux, op. cit., t. 1, p. 111-159. Le comte de Falloux a modifié l’ordre du manuscrit, apporté des corrections de style, introduit des réflexions trouvées dans d’autres papiers (voir M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine, op. cit., p. 123).

[23Vie d’une religieuse du Sacré-Cœur, 1795-1843 par le prince Augustin Galitzin, Paris, Léon Techenier, 1869, p. 3-52 pour la vie proprement dite.

[24] Son camarade d’université, F. V. Čižov, lui écrit en 1870 : « Je n’arrive pas à comprendre comment le catholicisme a pu t’entortiller. J’aimerais connaître ton chemin et le mouvement intérieur de ta transformation » (édition citée en note 25, p. 385). Pečerin n’a pas donné de titre à ses mémoires, mais dit lui-même qu’elles étaient « une sorte de testament spirituel, Apologia pro vita mea, ma défense devant la Russie, surtout devant la jeune génération » (ibid., p. 234-235). Mémoires d’outre-tombe est le titre d’un fragment (ibid., p. 168).

[25] Dans I. A. Fedosova (dir.), Russkoe obščestvo 30-x godov XIX v. Ljudi i idei. Memuary sovremennikov [La société russe des années 30 du XIXe siècle. Hommes et idées. Mémoires de contemporains], Moscou, Izd-vo Moskovskogo universiteta, 1989, p. 148-311. L’histoire de la conversion commence p. 236. Par la suite, les références de pages données directement dans le texte concernent cette édition. Disponible aussi sur : http://az.lib.ru/p/pecherin_w_s/text_0020.shtml (consulté le 28 janvier 2010).

[26] Paris, Charles Douniol, 1859 et 1864, Paris, Téqui, 1901. La BNF possède les trois éditions (sous le nom de Chouvalov au catalogue). Nous citerons la troisième édition. Des extraits « à l’usage de la jeunesse » ont été publiés en 1895 chez Desclée de Brouwer (Avant et après. Souvenirs intimes).

[27] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, 1814-1882, préface de F. Rouleau, Paris, Beauchesne, 1996, p. 21-51. Paul Pierling (1840-1922), né à Saint-Pétersbourg dans une famille russe d’origine allemande, fut reçu jésuite en 1856.

[28] I. Gagarin, Dnevnik. Zapiski o moej žizni. Perepiska [Journal. Notes sur ma vie. Correspondance] (traduction et édition de R. Tempest), Moscou, Jazyki russkoj kul’tury, 1996 (première publication dans Simvol, n° 34, 1995, p. 227-355).

[29] I. Gagarin, Dnevnik, p. 253.

[30Russkij invalid, n° 259 (11-23 octobre), 289, 294, 295, 315, 326 et 327, 1866.

[31Russkij katolicizm, op. cit., p. 75.

[32] Irrité par l’ingratitude de ses concitoyens, le comte Rostopchine nia ensuite son rôle dans l’incendie de Moscou, afin de « priver les Russes de ce legs » : « on veut priver mon père de son action héroïque », écrit sa fille (Mme Narichkine, née comtesse Rostopchine, 1812. Le comte Rostopchine et son temps, Saint-Pétersbourg, 1912 (en français), p. 158).

[33Ibid., p. 99. Voir D. Schlafly, « De Joseph de Maistre à la “Bibliothèque rose” », art. cité, p. 93-109. Sur la conversion plus ou moins forcée de Sophie, voir H. Dufour, Comtesse de Ségur, née Sophie Rostopchine, Paris, Flammarion, 1990, p. 111. Dans Guerre et paix de Tolstoï, la comtesse Hélène Bezoukhov est convertie au catholicisme par des jésuites qui veulent lui soutirer de l’argent (III, 3, 7).

[34] E. Naville, Mme Swetchine, op. cit., p. 13-14.

[35] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 35.

[36Ibid., p. 138.

[37Ibid., p. 138-139.

[38] Cette sœur, morte à l’âge de 20 ans en 1821, avait été élevée à Rome par la princesse Dietrichstein, sœur du père de Chouvalov, qui la convertit (p. 14-15).

[39Vie d’une religieuse du Sacré-Cœur, op. cit., p. 7-10. Par la suite, les références aux pages de cet ouvrage sont données directement dans le texte.

[40Ibid., p. 12 ; Conversion d’une dame russe..., op. cit., p. 176-178. Ce Galitzin ne figure pas dans le roman de I. Lajetchnikov, Ledjanoj dom [La Maison de glace], 1835.

[41] Sur cette conversion, voir 1812. Le comte Rostopchine et son temps, op. cit.

[42] Victorien-Donatien de Musset (1768-1832) est le père d’Alfred de Musset, connu pour ses travaux sur Rousseau.

[43] N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières. Le Comte de Valmont de l’Abbé Gérard, Paris, H. Champion, coll. « Les dix-huitièmes siècles », 2006. Voir aussi : N. Brucker (dir.), La Conversion : expérience spirituelle, expression littéraire. Actes du colloque de Metz (5-7 juin 2003), Berne, P. Lang, 2005.

[44] N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières, op. cit., p. 9-11.

[45Ibid., p. 311.

[46Ibid., p. 36.

[47Graf Val’mont ili zabluždenija rassudka. Pis’ma, sobrannye i vydannye v svet gospodinom Z..., Perevod s novejšego izdanija, ispravlennogo i dopolnennogo [D. I. Dmitrievskogo], 12 vol., Moscou, 1801-1803. En 1820-1821 parut une « troisième édition », du même traducteur, également en 12 volumes. Une première traduction (de E. K. Nilova) avait été publiée à Tambov en 1793-1796 (7 vol.). La Théorie du bonheur (Teorija o istinnom sčastii) a été publiée à Moscou en deux volumes en 1803-1804 (voir les catalogues informatiques de la RNB (Rossijskaja Nacional’naja biblioteka, Saint-Pétersbourg) et de la RGB (Rossijskaja Gosudarstevnnaja Biblioteka).

[48] M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine, op. cit., p. 53.

[49] Titre complet : De la Solitude, des causes qui en font naître le goût, de ses inconvénients, de ses avantages et de son influence sur les passions, l’imagination, l’esprit et le cœur, première édition française en 1788, 3e en 1817. Retraduit en 1845 par X. Marmier. Zimmermann a aussi été beaucoup apprécié par Anastasia Koletchnitskaïa qui s’intéressait au piétisme et aux frères moraves (voir E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal..., op. cit., p. 33).

[50] N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières, op. cit., p. 97.

[51] Elizaveta A. Chakhovskaïa (1803-1836) mentionne dans son journal la lecture de : saint François de Sales ; l’Imitation de Jésus-Christ  ; Le Combat spirituel de Laurent Scrupoli (XVIe siècle) ; l’Évangile médité du jésuite Bonaventure Giraudeau (1774) ; Fénelon ; La Connaissance de soi-même de John Mason (1783). Voir E. Gretchanaïa et C. Viollet, Si tu lis jamais ce journal..., op. cit., p. 34.

[52] C. Fleury, Histoire ecclésiastique, 20 vol., 1691, reprise et complétée, 36 vol en 1758 ; plusieurs rééditions et versions abrégées. Son Catéchisme historique (1679), accusé de jansénisme, fut mis à l’index.

[53] Il s’agit certainement des Paroles d’un croyant (1834).

[54] En particulier Spiridion (1839), quête d’un nouvel évangile (p. 237).

[55Literaturnoe nasledstvo, Moscou, 1955, t. 62, p. 479. Voir I. A. Fedosova (dir.), Russkoe obščestvo…, op. cit., p. 229-234 et 381.

[56] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 137.

[57Russkij invalid, n° 315, 1866, p. 3. Le P. Xavier de Ravignan, ancien magistrat, jésuite, ami de Chateaubriand, avait succédé à Lacordaire dans la chaire de Notre-Dame. C’est lui aussi qui accompagna la conversion de Chouvalov.

[58] P. I. Bazarov, « S. S. Džunkovskij i ego vozvraščenie v pravoslavie », Pravoslavnoe obozrenie, janv. 1866, p. 430-442.

[59] Traduit en français par l’archiprêtre Soudakoff en 1862 : Entretiens d’un sceptique et d’un croyant sur l’orthodoxie de l’Église orientale, par Mgr Philarète, métropolitain de Moscou, Paris, Bureaux de l’Union chrétienne, 1862.

[60] A. N. Mouraviev (1806-1874), vice-procureur du saint-synode, auteur de vies de saints, de récits de pèlerinages, d’écrits historiques et polémiques : Pravda vselenskoj Cerkvi o rimskoj i pročix patriaršix kafedrax, [La Vérité de l’Église universelle au sujet du siège de Rome et des autres sièges patriarcaux], Saint-Pétersbourg, 1841 ; Question d’Orient et d’Occident. Parole de l’orthodoxie catholique au catholicisme romain [en français], Paris, 1853. Voir aussi : Russkie pisateli 1800-1917. Biografičeskij slovar’, Moscou, 1999, t. 4, p. 156-160 ; P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 162-166 et 202. Ce livre provoqua toute une correspondance de Gagarine avec Ivan Kireevski et Iouri Samarine (voir Simvol n° 1 et 2, 1979, n° 3, 1980 ; Ivan Gagarine, Georges Samarine. Correspondance. 1838-1842, introduction de F. Rouleau, Meudon, Plamia, 2002).

[61] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 118.

[62] Jean-Louis de Rozaven, contempteur de Lamennais, « tenu à Rome pour le plus éminent théologien depuis Bossuet » (J. Lacouture, Jésuites, Paris, Seuil, 1992, t. 2, p. 167.

[63] Voir E. N. Cimbaeva, Russkij katolicizm, op. cit., p. 65-66.

[64] L’abbé Surugue (1753 - 21 déc. 1812), émigré à Moscou, curé de Saint-Louis-des-Français de Moscou à partir de 1808, auteur de souvenirs : 1812, Les Français à Moscou, Moscou, F. Tastevin, 1909. Voir L. Mirot, Un témoin de la campagne de Russie. L’abbé Adrien Surugue (1753-1812), curé de Saint-Louis-des-Français de Moscou, Paris, É. Champion, 1914 [on trouve parfois Surugue écrit avec un s final].

[65] « L’un des plus importants détournements (sovraščenij) opérés par l’abbé Surugue fut celui de la comtesse Rostopchine, l’épouse du gouverneur de Moscou. Surugue habitait dans son voisinage et en profita à la manière jésuite » (cité d’après l’original en russe, Rossijskij katolicizm v Rossii. Istoričeskoe issledovanie grafa Dmitrija A. Tolstogo, Saint-Pétersbourg, 1876, t. 2, p. 206, indiqué comme étant inexistant dans la notice de la BNF sur la traduction française : comte D. Tolstoy, Le Catholicisme romain en Russie, 2 vol., Paris, Dentu, 1864 ; le premier tome de l’édition russe comporte 538 pages, le second 438 pages et 140 pages de documents annexes). Le livre de D. Tolstoy, haut procureur du saint-synode, quoique hostile au catholicisme, est une histoire du catholicisme en Russie depuis les origines, qui reste utile.

[66] Voir M.-J. Rouët de Journel S. J., La Compagnie de Jésus en Russie. Un collège de Jésuites à Saint-Pétersbourg, 1800-1816, Paris, Perrin, 1922.

[67Lettres de Mme Swetchine, publiées par le comte de Falloux, Paris, A. Vaton, 1862, t. 1, p. 285.

[68] Voir E. Gretchanaïa, « Sept lettres inédites de la princesse de Tarente à la comtesse Golovina », dans R. Baudin et al. (dir.), Exil et épistolaire aux XVIIIe et XIXsiècles. Des éditions aux inédits, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 170-189.

[69] D. Schlafly, « De Joseph de Maistre à la “Bibliothèque rose” », art. cité, p. 98.

[70] Début du Psaume 84 : « Quam dilecta tabernacula tua, Domine virtutum ! » (« Que tes demeures sont désirables, Yahvé Sabaot ! » [traduction Bible de Jérusalem]).

[71] Félix Dupanloup (1802-1878), évêque d’Orléans en 1849, l’un des chefs du catholicisme libéral, auteur d’ouvrages pédagogiques et catéchétiques.

[72] Petr Aleksandrovič Ermolov (1792-1858), secrétaire du diplomate Pozzo di Borgo, converti à 35 ans (note manuscrite dans Conversion d’une dame russe, p. 189).

[73] Pie VII (1742-1823) avait signé le concordat avec Napoléon en 1801 et l’avait sacré empereur, mais il l’excommuniera en 1809 pour avoir annexé à l’Empire Rome et les États de l’Église. Il sera arrêté en 1809 et emprisonné à Savone puis à Fontainebleau (1812). Rentré à Rome sous la Restauration, il obtint la restitution des États de l’Église, rétablit la Compagnie de Jésus (1814) et accueillit à Rome la mère de Napoléon Ier après la chute de l’Empire.

[741812. Le comte Rostopchine et son temps, op. cit., p. 99-100 (orthographe de l’original).

[75Ibid., p. 244.

[76] Les startsy se trouvaient dans les monastères, que ne fréquentaient pas, sauf exception, les membres de l’aristocratie.

[77Mme Swetchine, Journal de sa conversion, op. cit., p. 16. Par la suite, les références à cette édition sont indiquées dans le texte.

[78] E. Naville, Mme Swetchine, op. cit., p. 46.

[79] M.-J. Rouët de Journel S. J., Une Russe catholique. Mme Swetchine, op. cit., p. 86.

[80] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 137.

[81Russkij invalid, n° 315, 9-21 déc. 1866, p. 3. Allusion aux réformes d’Alexandre II.

[82] E. Naville, Mme Swetchine, op. cit., p. 40. Voir aussi : P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 146 (lettre de Pečerin à Gagarin) ; A. de Custine, La Russie en 1839, Paris, Solin, 1990, t. 2, p. 73 – « Les Églises nationales font des citoyens ; l’Église universelle fait des hommes » –, 126 et 182.

[83] Mêmes images dans Le Comte de Valmont  : « Le voile est déchiré, la vérité brille à mes yeux de tout son éclat, je suis chrétien » (cité par N. Brucker, Une réception chrétienne des Lumières, op. cit., p. 97).

[84] Ces images se trouvent dans le sermon de Bossuet sur l’unité de l’Église, première partie, et dans un sermon de Fénelon sur l’Épiphanie (voir Mme Swetchine, Journal de sa conversion, op. cit., p. 56).

[85] « 1° la primauté du pape ; 2° la doctrine du purgatoire ; 3° que le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ se trouvent également sous chaque espèce ; 4° que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils » (p. 93).

[86] La conversion de Valmont s’inscrit aussi dans le temps du Carême.

[87] Sur ces influences, voir G. Florovsky, Les Voies de la théologie russe, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 148 et suiv.

[88] Auteur de L’Église catholique justifiée contre les attaques d’un écrivain qui se dit orthodoxe, Lyon/Paris, 1822. Il s’agit d’une réfutation du livre de A. Stourdza (Issledovanie o učenii i duxe pravoslavnoj cerkvi, Weimar, 1809). Le prince Augustin Galitzin joint à la Vie de sa tante deux lettres de direction spirituelle du P. Rozaven à E. Galitzin (sur les soirées dansantes, sur les rapports avec le directeur de conscience – « je crains toujours que ces personnes n’aiment plus leur directeur que Dieu lui-même » [p. 30] –, sur la préparation et le déroulement de la méditation. Le P. Rozaven fut expulsé de Saint-Pétersbourg en 1815 avec tous les jésuites. L’ouvrage de A. Galitzin est complété par des lettres du P. Rozaven à E. Galitzin, postérieures à son expulsion (elles traitent notamment des lectures spirituelles), et par des lettres de E. Galitzin à sa mère.

[89] Frère du prince Michel Galitzin (1804-1860), ministre de Russie à Madrid, catholique depuis 1843 ; Théodore, converti plusieurs années avant Michel, meurt en 1848 : « Tout son temps était employé en bonnes œuvres, il s’était attaché spécialement à l’Œuvre des militaires » (Conversion d’une dame russe, op. cit, p. 185).

[90] Il s’agit de César-Guillaume de La Luzerne (1738-1821), émigré de 1791 à 1814, créé cardinal de Langres en 1817 et qui fut ministre d’État sous la Restauration.

[91] Il en existe de très nombreuses éditions, ainsi que des éditions pour chaque diocèse.

[92] « Je n’approuve pas votre cilice », lui écrit le P. Rozaven en 1820 (p. 137).

[93] Père A. Rodríguez S. J. : Les Exercices de la vertu et de la perfection chrétienne, nouvelle traduction [par N.-J. Binet], Paris, J.-B. Coignard, 1673 ; La Pratique de la perfection chrétienne, traduction de l’espagnol par M. l’abbé Régnier Des Marais, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1675-1679. Très nombreuses rééditions de ces deux ouvrages, ainsi que d’abrégés de La Pratique...

[94] C’est aussi dans ce pays que mourut en 1840 le prince Dmitri Galitzin, né en 1770, d’une mère (Amélie de Scmettau) convertie au catholicisme en 1783, et d’un père, Dmitri Alekseevič, diplomate à Paris puis à La Haye, éditeur d’Helvetius, anticlérical. Son fils, parti en voyage aux États-Unis avec un jeune ecclésiastique, muni par sa mère des Confessions de saint Augustin, se convertit en 1792, fut ordonné prêtre en 1795 et devint missionnaire en Pennsylvanie. « Le sénat de Saint-Pétersbourg, considérant qu’il avait embrassé la foi catholique et la profession ecclésiastique, avait statué qu’il n’était plus apte à hériter de son père. » (Notice sur le prince Dmitri Galitzin, 1770-1840, 3e édition, Lyon, 1860, p. 34.) Voir Un missionnaire russe, père C. Douniol, Paris, 1859 (2e édition), avec une préface du prince Augustin Galitzin.

[95] Mgr Baunard, La Foi et ses victoires, Paris, Librairie C. Poussielgue, 1893, t. 1, p. 127.

[96] Mme Swetchine créa au contraire près d’Odessa (Manzyr) un vaste domaine agricole modèle : voir Lettres de Mme Swetchine, op. cit., t. 1, p. 152, 154 et 186.

[97] A. K. Tixonov, Katoliki, musul’mane i iudei v Rossijskoj…, op. cit., p. 99. Voir De la législation russe au point de vue de la liberté de conscience, Paris, A. Franck, 1858.

[98] Petcherine est l’un des quelques émigrés à avoir été déchus de la nationalité russe, avec A. Herzen, Nicolas Tourguenev, M. Bakounine, N. Sazonov (Ivan Woïnoff), Ivan Gagarine et Ivan Golovine (sur lequel on peut lire l’article de W. Sliwowska, « Un émigré russe en France : Ivan Golovine, 1816-1890 », Cahiers du monde russe et soviétique, 1970, vol. XI, n° 2, p. 221-243).

[99] Dans une lettre au P. Gagarine, Petcherine dit avoir exprimé au consul russe de Londres sa résolution « de ne plus rentrer en Russie et de renoncer en même temps entièrement à ma qualité de sujet russe » (P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 146).

[1001812. Le comte Rostopchine et son temps, op. cit., p. 252.

[101] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 150.

[102Ibid., p. 152.

[103] Mgr Baunard, La Foi et ses victoires, op. cit., p. 147.

[104] Voir M. Cadot, La Russie dans la vie intellectuelle française, 1839-1856, Paris, Fayard, 1967, p. 74-76.

[105] Tome 2 de Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, Paris, Perrin, 1894.

[106] E. Tur, « Gospoža Svečina » [compte-rendu de Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, publiées par le comte de Falloux, op. cit.], dans Russkij vestnik [Moscou], vol. 26, n° 7 (avril, livre 1), 1860, p. 391. Voir la réponse de E. Tur à Katkov dans le numéro suivant (avril, livre 2, p. 406-411).

[107] Voir A. Herzen, Passé et méditations, Genève, L’Âge d’homme, 1981, t. 4, p. 373 et suiv. (chap. VII, 6 : « Pater V. Petcherine »). La correspondance de Petcherine avec Herzen et Ogarev (1853, 1862-1863) a été publiée dans Literaturnoe nasledstvo, Moscou, vol. 65, 1955, p. 463-484 (édition de A. A. Saburov).

[108] Même impression de Gagarine, en 1855 : « Les fonctionnaires d’ici [de Rome], les prélats, tout ressemble on ne peut plus à ce que j’ai fui en Russie, à savoir la concussion et lest’ [la flagornerie] » (Russkij invalid, n° 315, 1866, p. 3).

[109] Paris, Douniol, 1856. Traduit en russe par le père Ivan Martynov, lui aussi converti (par G. Chouvalov, du fils duquel il était précepteur), jésuite, fondateur d’Études avec Gagarine : O primirenii russkoj cerkvi s rimskoj, Paris, A. Frank, 1858.

[110] Congrégation de clercs réguliers fondée en 1530, qui s’établit dans le cloître Saint-Barnabé à Milan.

[111] Ce récit est mentionné dans une biographie des Chouvalov (http://www.rulex.ru/01250252.htm), mais nous ne l’avons pas trouvé dans les catalogues des bibliothèques.

[112] Mgr Baunard, La Foi et ses victoires, op. cit., p. 1-171. La première édition date de 1882. Il y aura dix éditions jusqu’en 1923.

[113] Voir P. I. Bazarov, « S. S. Džunkovskij i ego vozvraščenie v pravoslavie », art. cité, p. 440-441.

[114] Conversion d’une dame russe, op. cit., p. 8-9.

[115] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 195. Voir la biographie de W. Guettée sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wladimir_Guettée (consulté le 28 janvier 2010).

[116] Voir : W. Guettée, Souvenirs d’un prêtre romain devenu prêtre orthodoxe, Paris, Fischbacher / Bruxelles, Veuve Monnom, 1889 ; N. Boulgak [N. B. Galitzyn, ou Grec-Uni], Étude sur les rapports de l’Église catholique avec l’Église orientale, Paris., C. Douniol, 1865 [Réfutation de La Papauté schismatique de l’abbé Guettée, cet ouvrage a été réédité en 1990 : W. Guettée, De la papauté, textes choisis et présentés par P. Ranson, Genève, L’Âge d’homme). Gallican, auteur d’une Histoire de l’Église de France qui fut mise à l’index, l’abbé Guettée (1816-1892) lutte contre l’ultramontanisme et le dogme de l’Immaculée Conception. Ayant fait la connaissance de l’archiprêtre Joseph Wassilieff, curé de l’Église russe de Paris (rue Daru, inaugurée en 1861), il fonde l’Union chrétienne, premier journal orthodoxe en Occident, qui polémique avec la « secte des pseudo-Russes qui avaient quitté l’orthodoxie pour le papisme » (I. Gagarine et quelques autres). Accepté comme prêtre de l’Église orthodoxe par simple décision du saint-Synode, il est ensuite fait docteur par le métropolite Philarète pour la publication de La Papauté schismatique : « Mes études me démontrèrent [...] que la papauté au lieu d’être catholique, dans le vrai sens de ce mot, avait créé un schisme dans l’Église de Jésus-Christ. Je devais donc devenir orthodoxe pour être véritablement catholique » (W. Guettée, Souvenirs d’un prêtre romain..., op. cit., p. 355-359).

[117] P. Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, op. cit., p. 195.

[118] Voir J. M. Lotman et V. J. Rozencvejg, Russkaja literatura na francuzskom jazyke. Francuzskie teksty russkix pisatelej XVIII-XIX vekov / La Littérature russe d’expression française. Textes français d’écrivains russes, XVIIIe-XIXe siècles – Wiener Slawisticher Almanach, vol. 36, Vienne, 1994.

[119] Voir I. Savkina, Razgovory s zerkalom i zazerkal’em, op. cit., note 2, p. 67.

[120] J. Camarero, « La théorie de l’autobiographie de Georges Gusdorf », Cédille, n° 4, 2008, p. 57-82, consultable sur : http://webpages.ull.es/users/cedille/cuatro/camarero.pdf (consulté le 28 janvier 2010).

[121] Sur le père S. Soloviev, voir A. Wenger, Rome et Moscou, 1900-1950, Paris, Desclée de Brouwer, 1987 (index). 

 

Pour citer cet article


Michel Niqueux, « Typologie des récits de conversion au catholicisme (première moitié du XIXe siècle) », journée d’étude Religion et Nation, ENS de Lyon, le 8 juin 2009. [en ligne], Lyon, ENS de Lyon, mis en ligne le 23 juillet 2010. URL : http://institut-est-ouest.ens-lsh.fr/spip.php?article287